L’automobile ne doit pas rater le train
Les concessionnaires automobiles ne sont pas prêts à parler à leurs clients par Internet. Ce constat résulte d’une étude menée au printemps dernier par Kosi Vuti, alors consultant pour le compte du cabinet Consultake. Selon un sondage mené auprès des 100 plus grands groupes de distribution, 88 % d’entre eux ne possèdent pas de site Internet dédié à la relation client. En effet, à 23 % ces derniers disposent en propre d’un site institutionnel d’origine constructeur. A 45 %, ils l’ont optimisé pour lui donner une dimension commerciale. Mais seulement 12 % entretiennent une relation client au moyen d’une page Web. “Un site Internet est orienté vers le client dès lors qu’il propose une prise de rendez-vous ou une mise en relation directe, quel que soit le canal utilisé”, explique Kosi Vuti, qui déplore l’état de la situation dans le commerce automobile. Sur Internet, même le simple formulaire n’est pas une évidence à l’aube de 2013. “Ce chiffre est encore faible car, par le passé, les concessionnaires se sont préoccupés de mettre en avant les valeurs de l’entreprise. Or, désormais, il faut ajouter la gestion de la relation client dans la recette”, insiste-t-il, en invitant les distributeurs à évoluer. Et de donner un exemple d’application retenue il y a peu par un investisseur du panel : sur le site Internet, un QR code s’affiche, on le “flashe” et génère automatiquement un SMS/e-mail sur le smartphone du client, qui l’envoie directement au concessionnaire pour prendre rendez-vous. N’oublions pas que 77 % des concessionnaires majeurs jugent que la prise de rendez-vous en ligne concourt à la bonne réalisation de leur métier pour répondre à leurs besoins.
Faire du site relationnel une composante pour promouvoir les valeurs du point de vente, c’est une idée que développe aujourd’hui la filiale française d’un généraliste européen, afin de ramener du flux vers ses distributeurs. Une piste à suivre si l’on en croit toujours l’étude de Kosi Vuti, qui révèle que près d’un groupe sur deux (44 %) génère moins de 50 leads par mois grâce à son site Internet. Seulement 11 % d’entre eux estiment attirer plus de 200 contacts mensuels dans leur point de vente physique par ce même biais. La sentence est alors sans équivoque : si 6 des acteurs du Top 100 déclarent vendre plus de 200 VN par an au moyen de leur page Internet, 50 % n’atteignent pas la barre des 50 unités. Certes, l’acte d’achat se finit toujours en concession, mais le fait est que le VN ne peut pas encore se targuer de maîtriser sa promotion sur Internet.
Mûrs pour les murs
Par nature, les choses ont évolué un peu plus vite sur le VO et la part des groupes qui vendent moins de 50 véhicules par an tombe à 32 %. Ce qui reste très élevé au vu des volumes réalisés à ce poste. Mais notons que 47 % des patrons interrogés ont affirmé commercialiser plus de 100 véhicules par ce canal dématérialisé.
Internet n’est-il pas une source d’information spontanée pour les clients dans plus de 8 cas sur 10 ? On peut donc être surpris de ces statistiques relativement basses. Peut-être, comme l’avance Kosi Vuti, faut-il se réinventer pour satisfaire les besoins ? En septembre dernier, dans le rapport de l’AFRC (Association française de la relation client) suite à une étude menée avec Orange Business Services, il était recommandé dans les conclusions que “le parcours client soit réinventé” pour s’adapter à cette mutation qu’est l’émergence du numérique. Il faut plus de douceur, de progressivité, d’après les analyses de l’association. “L’immédiateté est souvent stressante. Sans oublier les quelque 40 % de clients qui n’entrent pas facilement dans ce nouveau cadre numérique. La solution : offrir aux clients une relation moins agressive, des ergonomies accessibles à tous, des accueils prévenants, des offres de services simples et conçues pour le plus grand nombre”, pouvait-on clairement lire dans le bilan qu’elle a communiqué.
Parmi les nombreuses pistes de progression envisagées, on évoque la mise en relation des clients eux-mêmes. Les forums et les réseaux sociaux ont un impact indéniable sur la décision. Qu’est-ce qui empêche aujourd’hui un concessionnaire d’être le lieu de rencontre des indécis en quête d’informations ? A priori rien, tout du moins sur le plan technologique. Ensuite, ce n’est juste qu’une question de culture d’entreprise. Kosi Vuti abonde en ce sens et les distributeurs du Top 100 également. En partie. En effet, 60 % des sondés ont déclaré avoir réservé, sur leur site Internet, un espace dédié au partage d’avis. BMW, avec son système de notation du type “ranking”, a indéniablement emprunté cette voie. Et dans certains milieux autorisés, il se murmurait récemment que des concessionnaires, à leur propre initiative, aménageraient très prochainement un principe de mur inspiré de Facebook, pour donner l’opportunité aux clients de s’exprimer librement (seuls les mots grossiers et les injures seront automatiquement filtrés). Un cap dans la maturité des esprits est franchi.
Qui pour le faire ?
Cette évolution est nécessaire. Obligatoire même, si l’on considère que par ailleurs des projets de boutiques virtuelles sont nourris par la population du Top 100 hexagonal. Il ne faut toutefois pas s’emballer, ils sont encore peu nombreux, mais la pompe est amorcée. En effet, à fin mars, lorsque le sondage a été bouclé, 20 % des grands groupes nourrissaient l’ambition de concevoir un point de vente virtuel dans les six prochains mois, qu’il soit pensé comme une vitrine d’exposition des biens et services ou définitivement orienté vers le e-commerce. Parlant d’e-marchand, ils sont environ 46 % à reconnaître le potentiel de cette branche de l’activité et à préparer un projet en ce sens. S’agira-t-il de commercialiser des pièces de rechange et accessoires ou iront-ils jusqu’au versement d’un acompte sur des automobiles ? La question n’est pas réglée.
Une autre doit l’être avant. Celle de recourir à un gestionnaire du Web dans les concessions. Dans les grands groupes, cela justifie le recrutement d’une personne en interne. Pour d’autres, l’emploi d’un prestataire extérieur peut librement être envisagé. Mais le sujet ne saurait être plus longtemps éludé si l’automobile entend s’installer durablement sur Internet. Tel un carrossier dans l’atelier ou tel un spécialiste du financement, les concessionnaires ont une nouvelle fois besoin de compétences qui ne leur sont pas naturelles. Il va falloir sonder et trouver.
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FOCUS - Ça tourne !
“L’avenir de la boutique virtuelle, c’est la vidéo”, déclare Kosi Vuti, en appuyant son argumentaire sur une étude du cabinet Gartner, qui classe ce support parmi les 10 enjeux technologiques stratégiques à maîtriser dans le domaine du marketing pour les années à venir. Pour quelle raison ? “Les internautes ne veulent plus lire, ils ont besoin de voir et entendre”, rétorque le consultant, qui préconise son emploi dans une logique de présentation des valeurs de l’entreprise, à l’instar de ce que propose le groupe Pages Jaunes depuis quelques années maintenant.
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