L’assistance reprend des couleurs
Le calme après la tempête ? Le chaud soleil de l’été laisse dorénavant place aux feuilles mortes de l’automne. Climatosensible, la période estivale se révèle comme le thermomètre idéal pour mesurer la bonne santé de l’assistance automobile. Et bonne nouvelle, le métier reprend des couleurs. Selon les chiffres du Syndicat national des sociétés d’assistance (SNSA), pour la période juillet‑août, 1,323 million de dossiers ont été traités.
"L’été et plus généralement cette année 2023, par rapport à ce que nous avons vécu en 2022, marquent un retour à la normale et à ce que nous connaissions avant la crise sanitaire. Il y a une évolution d’environ 1 à 2 %", souligne Jean‑Matthieu Biseau, le récent président du SNSA, élu en février 2023.
Et sur ce point, toutes les sociétés d’assistance s’accordent pour dire que cette année se présente comme un retour à la normale. Le groupe IMA, pour sa part, couvre presque 50 % du parc roulant, soit 18 millions de véhicules. "Cette saison s’est finalement bien passée. Dans nos modèles de prévision, les chaleurs caniculaires sont de mieux en mieux prises en compte", précise Frédéric du Beaudiez, directeur délégué d’IMA.
Cette saison, a contrario de 2022, n’a pas connu d’aléas climatiques majeurs susceptibles de surprendre les assisteurs. "Nos modèles prévisionnels nous ont permis de mettre les bonnes allocations de ressources par rapport à ce que nous avions prévu" ajoute‑t‑il. Durant l’été, la société d’assistance a traité 374 000 dossiers et, au total, sur l’année, près de 1,323 million.
"Depuis le début d’année, l’activité est plutôt soutenue. À l’inverse de l’indemnisation automobile, en baisse de 6 %, l’assistance connaît une forte croissance de 5 %. Cet été, par rapport à 2022, il y a eu une augmentation de 4 % du nombre de dossiers pour Fidélia. Une progression d’autant plus notable en 2023, alors que l’été 2022 était ponctué de pics d’activité importants", précise Jérôme Lamoureux, directeur des assistances de Fidélia, filiale du groupe Covéa. Depuis le début d’année, le groupe a traité 743 000 dossiers, dont 217 395 en juillet‑août. Période où la société peut atteindre les 200 à 250 dossiers par heure.
Particularité cette année : la saison estivale joue les prolongations. "Le mois d’août a tendance à déborder davantage sur septembre. Ce phénomène se retrouve accentué cette année à cause de deux facteurs : une météo très favorable et l’inflation. En effet, les Français ont cherché à contenir leur budget vacances et l’une des méthodes, c’est de partir en septembre", présente Jean‑Matthieu Biseau.
Un contexte sortant légèrement du schéma prévisionnel habituel, surprenant les assisteurs. "Début septembre, nous avons eu 15 % de volume en plus par rapport à ce qui avait été prévu et ce n’est pas neutre en matière d’organisation. Les équipes n’étaient au départ pas calibrées, mais nous nous adaptons", présente Albert Etienne, directeur général d’Opteven. Par rapport à 2022, la société d’assistance spécialisée dans l’automobile enregistre une croissance de 8 % du nombre de dossiers traités qu’Albert Etienne justifie par une augmentation de son portefeuille de clients.
Des difficultés dans les recrutements qui se résorbent
Le nombre de dossiers se retrouve à un niveau équivalent à la période préCovid. Cependant, certaines difficultés issues de la crise sanitaire traînent. Moins présentes qu’en 2022, elles hantent désormais les assisteurs dans une moindre mesure. À l’image du sujet du recrutement, prédominant l’année dernière.
Néanmoins, là aussi, une embellie est perceptible. "Pendant trois ans, les assisteurs ont été assez chahutés et le recrutement a parfois préoccupé et perturbé la profession sur l’aspect opérationnel de son activité, note Jean‑Matthieu Biseau. Il semble que nous revenons à la normalité aussi sur ces phénomènes, cependant nous avons encore un sujet à régler sur l’absentéisme, qui est plus élevé qu’en période de Covid. En matière de ressources humaines, les sociétés d’assistance ne manquent pas de créativité pour attirer les jeunes et répondre à certaines exigences pour les retenir."
En effet, chaque assisteur a sa propre recette pour contourner les problématiques de recrutement. Opteven joue la carte de la marque employeur par exemple. "Nous arrivons à mieux organiser nos effectifs. Nous travaillons beaucoup sur l’accompagnement et sur l’attention que nous portons aux collaborateurs, mais aussi sur la qualité de nos locaux. Pour nous, il s’agit d’un point très important. Ensuite, nous travaillons aussi sur nos process d’intégration pour mieux fidéliser nos collaborateurs", explique Albert Etienne.
IMA Assistance a, pour sa part, voulu éviter le « stress » du recours aux saisonniers en anticipant avec des recrutement en CDD. "Il est de plus en plus compliqué de recruter des saisonniers sur notre bassin d’emploi. Avec le recrutement de salariés, nous constatons une meilleure implication des collaborateurs et nous avons davantage de temps pour les former", présente Frédéric du Beaudiez. Le groupe a ainsi recruté près de 450 saisonniers cet été, alors qu’ils dépassaient la barre des 500 en 2022.
Anticiper, c’est aussi ce qu’a choisi Fidélia pour résoudre le casse‑tête des recrutements. Dès le mois de janvier, la filiale du groupe Covéa a lancé sa campagne de recrutement de saisonniers pour l’été. "Nous avons augmenté notre présence sur les réseaux sociaux et dans les salons d’étudiants, notre public cible. Nous avons ainsi accentué et étoffé notre présence sur le marché de l’emploi. Nous avons ensuite pensé à offrir de nouvelles formules, assure Jérôme Lamoureux. Traditionnellement, nous proposions douze semaines pour un saisonnier. Mais dorénavant, ils peuvent choisir entre 6 et 17 semaines. Cela leur permet de faire des saisons plus courtes et de prendre des vacances ou d’avoir un job d’une durée plus longue sur le CV. Cette variété et cette flexibilité dans le recrutement nous ont permis de trouver nos 350 saisonniers sans difficulté."
Les problèmes de location courte durée résolus ?
Trouver des voitures en location courte durée se présentait comme l’autre point qui faisait grincer des dents les assisteurs. En effet, les loueurs ont beaucoup souffert de la crise sanitaire et ils ont eu des difficultés à proposer des véhicules pour soutenir l’activité. Un véritable enjeu pour les sociétés d’assistance, en particulier durant l’été. "Aujourd’hui, même s’il peut encore subsister quelques difficultés, la situation s’est nettement améliorée. Les loueurs ont fait ce qu’il fallait et les complications sur cet aspect commencent à se dissiper", souligne le président du SNSA.
Contrairement à d’autres entreprises d’assistance qui passent par plusieurs sociétés de location, Fidélia collabore à 95 % avec Enterprise, qui détient une flotte de 2 600 véhicules dans l’Hexagone. Ce qui lui permet de se protéger d’éventuelles pénuries de véhicules.
"Ce partenariat presque exclusif leur permet de mieux appréhender nos besoins et les habitudes de location dans l’assistance, notamment sur les axes autoroutiers et en bord de mer. Depuis plusieurs années, cela nous permet de positionner des véhicules et d’avoir des stocks plus importants pour nous", affirme Jérôme Lamoureux.
Une sensation de retour à la normale en matière de véhicules en LCD que ne partagent pas d’autres assisteurs. "Les loueurs courte durée ont beaucoup souffert et certains n’ont pas encore totalement reconstitué leur parc. Ne pas avoir de véhicules de remplacement est une difficulté pour nous. La tendance s’est un peu amplifiée dans la mesure où les loueurs courte durée préfèrent louer leurs véhicules à des touristes au plein tarif plutôt qu’à un tarif négocié avec des assisteurs. Cela perturbe nos modèles opérationnels et rallonge la durée des dossiers", observe Frédéric du Beaudiez.
Si pour Jérôme Lamoureux, les difficultés liées à la question semblent se solder, il constate néanmoins que l’été fut marqué par des tensions dans les réseaux de mécanique et de carrosserie. Les garages, saturés, sont de moins en moins capables d’accueillir les véhicules des assisteurs.
Là encore, ces derniers doivent faire preuve de flexibilité. "Nous invitons nos dépanneurs à réaliser eux‑mêmes, quand ils le peuvent, les petites réparations, notamment les pneumatiques, les pertes de clé ou encore l’inversion de carburant, sur place, chez eux ou chez un partenaire proche de leur dépôt. Puis, nous poussons les dépanneurs‑remorqueurs à aller chercher les réparateurs un peu plus loin", précise le directeur des assistances de Fidélia.
L’électrique sous surveillance
En dépit de ces anicroches, le métier de l’assistance se tourne vers l’avenir. Avec un parc de véhicules électriques qui ne fait que croître d’année en année, le sujet s’impose aux sociétés d’assistance, qui étudient et observent l’évolution des nouvelles habitudes des électromobilistes. Si le nombre de véhicules électriques a dépassé le million d’unités en fin d’année dernière, le nombre de dossiers sur la question reste marginal.
"Sur 40 millions de véhicules en circulation, si leur part s’accroît dans les ventes VN, à l’échelle d’un parc roulant, leur nombre reste faible et ils représentent moins de 1 % des dossiers traités. Néanmoins, nous les suivons de très près", précise Jean‑Matthieu Biseau.
L’augmentation des dossiers électriques permet aux assisteurs et plus globalement au marché de cartographier l’évolution des VE. Réputés pour leur faible autonomie, la panne liée à la recharge pourrait être considérée comme le dossier le plus fréquent concernant les véhicules électriques.
Pourtant, le président du SNSA estime qu’il n’y a pas de différence entre un véhicule électrique et un thermique au niveau des pannes. "Les interventions de dépannage sur des pannes de batterie de VE ne sont pas alarmantes du tout, ce qui veut dire que les électromobilistes anticipent bien leur voyage", souligne‑t‑il.
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Toutefois, les sociétés d’assistance comme Fidélia restent vigilantes. "Il est certain qu’en 2030‑2035, le véhicule aura un impact significatif sur notre activité. Lorsque l’on observe le réseau de bornes, les autoroutes commencent à être particulièrement bien équipées, néanmoins, sur le réseau secondaire, où les bornes sont plus rares, il nous faudra être attentifs", ajoute‑t‑il.
Des discussions entre les sociétés d’assistance et de nouveaux acteurs de l’électromobilité permettent d’élaborer des offres. Covéa s’attend à des véhicules de plus en plus électrifiés, de petite taille et compte proposer des offres de mobilité pour accompagner les assurés.
Les prix des VE de plus en plus élevés (selon AAA DATA, le tarif à l’achat moyen d’un véhicule électrique est de 41 473 euros et celui d’un hybride rechargeable est de 58 717 euros en 2023) entraînent un autre phénomène auquel les assisteurs sont très attentifs : le vieillissement du parc.
"Il nous faudra être capables de gérer la jonction entre les véhicules thermiques qui continueront à être prépondérants et les VE qui croîtront. Il va falloir s’adapter à un parc vieillissant d’un côté et aux spécificités liées aux véhicules à batterie. Donc, nous nous posons la question : comment protéger le pouvoir d’achat de nos sociétaires vis‑à‑vis des véhicules âgés de plus de 13 ans", s’interroge Frédéric du Beaudiez.
IMA a donc développé une offre avec son partenaire idGarages, qui permet, à partir d’un portail, de simplifier les démarches liées à l’entretien, du devis au rendez‑vous dans un atelier. "Cela facilite l’accès aux benchmarks de garage et fait en sorte que les véhicules coûtent le moins cher possible à nos sociétaires, puisqu’en général, les propriétaires de véhicules de plus de 5 ans vont chez des indépendants", ajoute‑t‑il.
Une profession qui se digitalise davantage
Face aux mutations du parc, mais aussi de la société, les assisteurs proposent depuis quelques années des services digitaux pour faciliter les démarches pour leurs clients ou entre les dépanneurs et les assisteurs. Le SNSA a, par exemple, lancé une application nommée Nomad. Celle‑ci a pour objectif de faciliter les échanges entre les sociétés d’assistance et les dépanneurs. Par rapport à 2022, à partir de l’outil Nomad, le volume global des missionnements a augmenté de 8 % et les dépannages de véhicules électriques de 43 %.
Le smartphone, présent dans toutes les poches, devient une plateforme de plus en plus privilégiée entre clients et assisteurs. "Aujourd’hui, 20 % des mises en relation pour demander un dépannage immédiat se font via le smartphone, par le biais de notre application Digi’Panne, qui est aux couleurs de GMF, MAAF, MMA. Nous avons donc la capacité de recevoir des demandes complètement digitalisées et d’envoyer un dépanneur dans la minute. D’autre part, nous avons développé avec Digi’Panne un voicebot. Ainsi, l’assuré du groupe Covéa pourra faire sa demande avec un voicebot ou avec un conseiller. Il est à tout moment à un clic d’un humain", présente le directeur des assistances de Fidélia.
De son côté, Opteven a lancé un service qui s’appelle MyDigit’Assist, déjà opérationnel pour certains de ses partenariats. Il permet à l’automobiliste de commander lui‑même son service de dépannage. "Il s’agit d’une Web app. Lorsque le client nous appelle, nous lui envoyons un lien et nous lui proposons un suivi digital s’il le souhaite. Il peut ainsi commander lui‑même sa dépanneuse. Nous constatons que le service est plutôt bien utilisé par les clients", assure Albert Etienne. Une digitalisation des services qui devrait s’accentuer dans les années à venir. À voir comment l’assistance évoluera en 2024.
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