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L’assistance : le grand retour à la normale

Publié le 17 octobre 2024

Par Jean-Baptiste Kapela
12 min de lecture
Après quatre années marquées par les effets de la crise sanitaire, les assisteurs reviennent enfin à leur nombre d’interventions d’avant Covid-19. Ainsi, cet été, le métier de l’assistance a affiché un bilan positif avec près de 1,4 million de dossiers enregistrés, en hausse de 5 %.
1,4 million de dossiers ont été traités cet été par les assisteurs, en hausse de 5 % par rapport à 2023. ©AdobeStock-mpix-foto

La crise de la Covid‑19 ?… quelle crise ? En 2024, c’est comme si rien ne s’était pro­duit pour les assisteurs qui viennent de traverser un été radieux. Selon l’Union des assisteurs (ex‑SNSA), qui regroupe près de 96 % de l’acti­vité des sociétés d’assistance, ces der­nières ont maintenu une croissance soutenue et ce, sans avoir enregistré d’événements majeurs (climatiques ou circonstanciels).

 

Pour elles, le secteur automobile représente le principal de leur activité avec près de 1,4 million de dossiers traités durant l’été 2024 sur un total de 1,9 million. Un nombre en hausse de 5 % par rapport à l’été 2023. Sans conteste, au regard des chiffres fournis par le syndicat professionnel, la voiture ne semble pas vouloir céder sa place de mode de transport privilégié pour partir en vacances. Selon les données Eurostat, 86 % des trajets terrestres sont parcourus en voiture particulière.

 

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Une croissance durant la période es­tivale de bon augure pour la suite de l’année pour la profession. "De façon générale,  si les assisteurs réussissent l’été, ils réussissent l’année. 5 % de croissance sur le marché automobile, c’est en quelque sorte une progression standard et elle est en adéquation avec nos prévisions. Il n’y a pas eu d’épisodes de chaleur particuliers pouvant générer un pic d’activité exceptionnel, comme nous l’avons vécu durant l’été 2022", constate Jean‑Matthieu Biseau, président de l’Union des assisteurs et PDG d’Opteven. Il remarque ce­pendant que la météo peu clémente au début du mois de juillet a eu pour effet de rediriger les vacanciers vers les mois d’août et septembre.

 

"Comme pour l’année 2023, nous nous sommes rendu compte que la période estivale estivale s'étalait désormais sur septembre, voire au-delà, observe Fré­déric du Beaudiez, directeur délégué du Groupe IMA en charge de la stratégie notamment. Il y a aussi un effet sociologique lié au vieillissement de la population. Beaucoup de séniors partent plus tard afin d’éviter les pics de fréquentation ou certains événements, comme les Jeux Olympiques." IMA fait partie des principaux acteurs de l’assistance avec près de 450 000 dossiers traités cet été et une croissance "située entre 6 et 10 %", d’après l’entreprise. Opteven, pour sa part, a aussi traité 450 000 dos­siers en progression de 7 %.

 

Un retour à la normale de l’activité

 

Un nombre de dossiers dans le vert et une saison estivale 2024 sans ac­croc… cela fait quatre ans que le mé­tier de l’assistance n’avait pas connu une période d’accalmie comme celle‑ci. Ainsi, l’activité des sociétés d’assistance semble revenir à la nor­male. "Il y a eu un impact postCovid sur de nombreux sujets. Nous pouvons dire que nous sommes revenus sur une année standard. Les problématiques liées aux saisonniers et à la location de véhicules s'améliorent, et l’inflation se réduit", résume Jean‑Matthieu Biseau. En effet, dans un contexte de pénurie de se­mi‑conducteurs postCovid, les assis­teurs se retrouvaient face à un stock de véhicules de location amoindri.

 

Dorénavant, la problématique semble être résorbée, moyennant un réajustement au niveau de l’orga­nisation de certains assisteurs. "Les loueurs ont reconstitué peu ou prou leur flotte par rapport à la période Covid. Néanmoins, nous avons di­versifié nos approvisionnements de véhicules de location via l’entreprise CarBookr dans laquelle nous avons investi. Cette dernière nous met en contact avec les agences de location régionales ou de grandes surfaces afin d’avoir un plus large éventail ", sou­tient Frédéric du Beaudiez. De son côté, Europ Assistance assure que les problématiques de location ont été réglées dès 2023, en particulier avec la mise en place "d’implants".

 

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Ces der­niers sont des collaborateurs des principaux loueurs présents sur les sites de l’assisteur et que les char­gés d’assistance sollicitent quand ils ont du mal à trouver un véhicule de remplacement. "Ce processus fonctionne bien, et depuis l’année der­nière, nous n’avons plus de problèmes de pénurie de véhicules de location. Cette année, le taux de sollicitation des implants a fortement baissé par rapport à 2023, ce qui montre que les difficultés pour trouver un véhi­cule de remplacement ont globalement disparu", assure Olivier du Besset, directeur de la ligne métiers Automobile, Habitation et Santé d'Europ Assistance France. L’entreprise traite chaque année 800 000 dossiers et connaît une croissance de 4 %.

 

Reste cependant le sujet de la dispo­nibilité dans les garages, qui com­mence à devenir un réel problème pour les assisteurs. "Ils'agit d'un sujet que nous entendons de plus en plus chez de nombreux acteurs. Les garages rencontrent des difficultés de main d’œuvre et de recrutement, Il y a donc un allongement des délais de réparation et les véhicules sont retenus plus longtemps. Les délais des véhicules de location se rallongent induisant des coûts supplémentaires et les plateaux d'assistance doivent trouver des garages disponibles le plus rapidement possible. Cela ajoute à nos chargés d’assistance davantage de travail et du stress", précise Jean‑Mat­thieu Biseau.

 

Un sujet qui prend de l’ampleur en France, mais surtout en Espagne selon l’Union des assisteurs, davantage que dans d’autres pays en Europe. Un problème pour de nombreux Français qui se rendent en va­cances dans la péninsule ibérique ou qui y passent pour aller au Maroc.

 

Les raisons d’un nombre de dossiers en hausse

 

Sans pics particuliers, plusieurs rai­sons expliquent la croissance du nombre de dossiers. L’une des princi­pales réside dans le vieillissement du parc automobile français. "Si nous regardons l’âge moyen des véhicules de nos clients en 2024, nous sommes au­tour de 13,6 ans sur les modèles diesel et 13,2 ans sur les voitures essence. Il y a deux ans, ils étaient âgés de 12,4 ans pour le diesel et de 12,3 ans pour l’essence. Tous les ans, nous ob­servons que le parc prend une année supplémentaire", constate Frédéric du Beaudiez.

 

"Depuis plusieurs mois, nous voyons que les véhicules tombent plus en panne qu’historiquement. Le vieillis­sement explique la situation mais ce n’est pas la seule raison. Nous remar­quons que les conducteurs réalisent moins fréquemment leur entretien, probablement à cause de l’inflation", explique pour sa part Olivier du Bes­set.

 

Parmi les autres observations, les automobilistes réalisent de moins en moins les réparations eux‑mêmes et dégainent plus facilement leur télé­phone pour appeler un assisteur. En effet, les véhicules sont de moins en moins mécaniques et davantage électroniques. Par exemple, les roues de secours, que ce soit dans les véhi­cules électriques ou thermiques, se font de plus en plus rares. Ce qui em­pêche une réparabilité en autono­mie, d’autant que le pneumatique constitue l’une des pannes de plus en plus fréquentes… en particulier pour les véhicules électriques.

 

Des véhicules électriques propices aux pannes

 

"Les dossiers concernant les VE reste très marginal mais il n’en demeure pas moins intéressant. Par exemple, si la panne sèche due au manque de recharge compte parmi les craintes des sceptiques de l’électrique, nous n’en remarquons pas beaucoup. En effet, les conducteurs de VE sont sans doute plus attentifs et prévoyants, avec des capacités de recharge qui s'intensifient sur les grands axes", explique Jean‑Matthieu Biseau.

 

Un constat que partage le directeur d’IMA, qui compte le plus grand nombre de véhicules électriques dans son por­tefeuille. "La part des véhicules électriques ne représente que 2 % du parc que nous couvrons. Si les ventes de véhicules neuf électriques ont connu un net ralentissement cette année, nous remarquons une progression du nombre de dossiers d’assistance les concernant. Alors qu’ils représentaient 2,7 % des dossiers lors de la saison 2023, un an plus tard, ils pèsent 3,5 %. Certes ces volumes restent faibles, mais en tant que leader de l’assistance de ce segment en France, nous voyons bien les différences entre le traitement de véhicules thermiques et électriques", explique Frédéric du Beaudiez.

 

Pour sa part, Opteven a vu son nombre de dossiers doubler concernant des vé­hicules électriques durant la période estivale "du fait d’un portefeuille de VE en croissance", précise Albert Étienne, son directeur général.

 

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Comparativement aux véhicules thermiques, ceux à batterie sont plus sensibles aux crevaisons. En effet, étant plus lourds et puissants, les contraintes sur les pneus sont ac­crues. Selon les chiffres d’IMA, les crevaisons impactent 21 % des vé­hicules électriques contre 17 % des hybrides, 10 % des modèles essence et 9 % de ceux à moteur diesel. Mais la panne de la batterie 12 V remporte la palme des problèmes récurrents sur le véhicule électrique d’après Frédéric du Beaudiez.

 

En revanche, toujours selon les chiffres de l’assis­teur, les pannes mécaniques sont beaucoup plus faibles sur un VE. De fait, elles ne concernent que 41 % des véhicules à batterie contre 68 % des modèles diesel et 64 % des véhicules essence. "Nous voyons cependant que les véhicules électriques sont da­vantage sensibles aux petits accidents du fait d’une puissance au démarrage qui peut surprendre, souligne d’autre part le directeur délégué d’IMA. Les VE sont moins réparables que les autres véhicules. Nous constatons que le taux de remorquage est plus élevé sur les véhicules à batterie que sur les autres motorisations (48 % pour les voitures essence et diesel)."

 

Une digitalisation du métier toujours plus poussée

 

Face à une hausse perpétuelle du nombre de dossiers, les assisteurs ont lancé leurs outils digitaux pour per­mettre de simplifier la vie des clients. Des outils numériques qui prennent de plus en plus d’importance. Comme chez Europ Assistance où 46 % des dépannages remorquages ont été gérés à 100 % en digital au mois d’août 2024. "Ce taux confirme que les solutions digitales que nous proposons aux clients sont adaptées à leurs besoins. Notons que nous avons un taux de satisfaction plus élevé quand les clients passent par le digital que par le téléphone", explique Oli­vier du Besset.

 

Des outils digitaux où l’intelligence artificielle trouve sa place au travers des chatbots qui amènent leur lot de points positifs. En effet, certaines demandes de clients pourront être traitées via un chatbot, ce qui dé­bloque du temps pour les chargés d’assistance pour se concentrer sur les cas qui nécessitent une attention particulière. D’autres entreprises comme Opteven réfléchissent à une utilisation optimale de cet outil nu­mérique. "Nous sommes en réflexion pour utiliser l’IA afin d’améliorer la qualité de service et mieux gérer certains coûts ou dossiers. Elle sera probablement utilisée dans l’aide à la décision", explique Albert Étienne.

 

"À ses débuts, le métier de l’assistance était assez artisanal. Doré­navant, c’est en train de se professionna­liser avec la digitalisation de l’ensemble des process, tout en veillant à garder un contact humain quand le client le sou­haite et quand le dossier en a besoin", se satisfait Jean‑Matthieu Biseau.

 

À noter que l’Union des assisteurs per­met de mutualiser certains outils digitaux pour les acteurs du secteur. À l’image de l’application Nomad, la plus aboutie, qui permet de contac­ter un prestataire pour le remorquage du véhicule en quelques clics via une plateforme, là où le chargé d’assis­tance devait auparavant passer par le téléphone. Au total, Nomad a recen­sé 1,24 million de missionnements, en hausse de 7,9 % par rapport à l’été 2023. Il y a un an, le syndicat pro­fessionnel a aussi lancé l’application Comet, dont le principe est similaire, mais pour les taxis qui sont encore en phase de montée en puissance.

 

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L’activité eCall 112 en progression

 

Les assisteurs s’occupent aussi de l’eCall 112, ce bouton permettant de contacter une société d’assistance en urgence. On dénombre 50 540 appels via l’eCall 112 en juillet et août 2024 et 227 400 depuis le début d’année, soit 32 % de plus qu’en 2023. Sur ces appels, seulement 8 850 ont nécessité une redirection vers les services d’urgence, ce qui a évité d’engorger ces derniers. Notons qu’Opteven a intégré l’activité eCall 112 à ses prestations. Pour le moment, le nombre de dossiers issus de cette technologie reste faible du fait d’un parc VN encore pas très important. Pour rappel, le bouton eCall 112 est obligatoire dans les véhicules neufs depuis 2021.

 

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Un impact marginal des Jeux Olympiques

 

Les sociétés d’assistance planifient assidûment et avec le plus de précision possible chaque pointe d’activité potentielle pour préparer au mieux la saison. Forcément, un événement d’ampleur internationale comme les Jeux Olympiques (JO) ne pouvait pas échapper à leur scope.

 

En particulier quand celui‑ci risque de solliciter de manière exceptionnelle certains services. "Les JO faisaient un peu partie des zones d’interrogation pour cette saison. Nous nous demandions à quel point l’événement allait impacter notre réseau, les recrutements, les taxis, les hôtels, la circulation, indique Olivier du Besset, directeur des opérations d’Europ Assistance. Nous avons pris un certain nombre de mesures pour anticiper la saison plus tôt dans l’année. Mais finalement, pour nous, il n'y a pas eu d'impact. À Pa­ris, de juin à août, le volume des sollicitations reçues pour des pannes et des accidents a même été en forte baisse par rapport à 2023."

 

En effet, l’assisteur qui traite chaque année près de 800 000 dossiers a enregistré, durant cet été, une croissance de 4 % au global, mais une baisse de 11 % juste pour la ville de Paris. "Ce qui confirme que les Parisiens sont bien par­tis de la capitale durant les Jeux", souligne Olivier du Besset.

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