Eric Laffont, directeur général d’Autoscout24 France

Journal de l'Automobile. Quelles étaient vos sources de motivation dans le projet d'Autoscout24 ?
Eric Laffont. Austoscout24 représente la synthèse de mes diverses expériences passées, c'est-à-dire de l'automobile, un peu de communication et surtout beaucoup de commerce et de marketing. J'avais surtout envie d'occuper un poste de directeur général afin d'avoir les leviers entre les mains pour développer la société en France ainsi que la possibilité de prendre des décisions au sein d'un groupe à dimension internationale, cosmopolite, qui est leader européen de la petite annonce automobile.

JA. En quoi votre profil correspondait aux axes de développement de la société ?
EL. Eric Bataille avait une profondeur de connaissance du monde de l'automobile avec un vrai profil d'amorceur d'entreprise avec toutes les qualités que cela requiert, beaucoup d'adaptabilité, un sens aigu des négociations, une polyvalence et un carnet d'adresse dans le milieu automobile. Pour passer à la vitesse supérieure, l'entité avait besoin de quelqu'un d'un peu moins spécialisé dans l'automobile mais bénéficiant d'un plus gros bagage technique et Internet. Il fallait notamment une personne avec un profil de développeur et une sensibilité managériale pour construire une équipe qui va installer la société dans la durée. Cela impliquait aussi d'avoir une culture des grandes organisations et l'habitude de travailler dans un contexte international.

JA. Quel regard portez-vous aujourd'hui sur Autoscout24 aujourd'hui ?
EL. Pour une petite société encore très récente, j'ai trouvé le niveau de compétence et l'implication de l'équipe exceptionnels. La maîtrise des sujets et l'envie de réussir sont vraiment très importantes. Nous sommes sur un marché difficile, très concurrentiel avec face à nous de bons concurrents qu'il va falloir battre. C'est un sacré challenge. J'ai aussi trouvé une société qui jouit d'une très bonne notoriété auprès de ses clients, qui a plutôt une bonne image liée à notre origine germanique qui nous colle à la peau et qui nous sert. Nous nous appuyons sur l'une des meilleures plates-formes de moteur de recherche automobile en Europe qui participe de notre image de spécialistes et de gens sérieux.

JA. Quels sont selon vous les critères qui prévalent à la question de leadership ?
EL. Il y a deux critères importants auxquels nous devons répondre. Premièrement, nous devons délivrer un service de qualité aux professionnels. Cela se matérialise notamment par la qualité de la plate-forme et la facilité d'utilisation des interfaces. Nous développons également toute une palette de services. Nous allons proposer prochainement l'équivalent d'un PhoneTraceur pour permettre aux professionnels de suivre le volume d'appel sur leurs annonces. Enfin, cette notion de service se traduit par l'Autoscout24 Academy qui a démarré en 2005 en Allemagne et qui a déjà attiré 2 000 professionnels. En 2010, nous avons déjà proposé pour la France sept sessions qui ont réuni environ 60 participants. Nous allons commencer prochainement la première session pour un seul client, dans ses locaux, qui est un bon complément à la formation de ses équipes. En France, l'intérêt est réel et ne se dément pas et nous proposerons de nouvelles sessions en septembre/octobre.

Deuxièmement, l'autre critère de succès repose sur la notoriété auprès du grand public. Nous avons besoin d'avoir un trafic de qualité. Pour ce faire, nous travaillons sur plusieurs techniques. A commencer par l'optimisation de l'utilisation de notre moteur de recherche qui est une source très importante de trafic. C'est un chantier permanent. Ensuite, nous devons concentrer l'essentiel de notre action pour améliorer le trafic de notre site sur le Net. En tant que Pure Player, notre premier champ de recherche pour le trafic est le Online. L'optimisation du trafic en ligne est un travail très fin. Notre potentiel sur ce canal est encore important.

JA. Concrètement, comment comptez-vous augmenter votre notoriété grand public ?
EL. Le grand public est beaucoup plus compliqué à toucher et nécessite de gros investissements si vous voulez changer les choses de façon drastique. Or, la moitié de la population française n'a pas de voiture et n'achètera pas de voitures. Un autre gros pourcentage ne se sent pas concerné par l'automobile. Et nous ne sommes pas acheteurs tous les 15 jours mais plutôt tous les deux ans, voire tous les cinq ans. Par conséquent, si vous faites de la pub auprès de gens qui ne sont ni acheteurs de voitures ni de VO au moment où vous véhiculez votre message, vous perdez votre temps et votre argent. Et le Net dispose de moyens qui permettent de lever ces barrières en ne parlant qu'aux gens qui sont acheteurs de voitures et qu'au moment où ils le sont.

JA. Quels sont les objectifs que vous avez fixés ?
EL. Le marché de la petite annonce implique un temps de réponse long. Je ne prendrai pas position pour des objectifs à 2010 mais j'évalue plutôt ma mission sur trois ans. J'attends une croissance sensible sur tous les indicateurs : une hausse du nombre d'annonces sur le site - nous en avons 95 00 actuellement mais il en faut davantage -, le nombre de clients professionnels (1 700 à ce jour) et le nombre de visiteurs uniques par mois (800 000 en mai). Si nous augmentons ces indicateurs, le chiffre d'affaires suivra.

JA. Des rapprochements avec d'autres entités sont-ils à l'étude ?
EL. Le groupe Autoscout24 est une filiale à 100 % de Deutsche Telekom. Nous sommes dans une stratégie de croissance organique et nous n'avons pas de plan de rapprochement capitalistique à l'étude avec d'autres challengers. Autoscout24 a un potentiel de développement unique en Europe.

JA. Quelle est la situation d'Autoscout24 France par rapport aux autres filiales européennes ?
EL. En termes de développement, l'Allemagne et la Belgique vont prochainement lancer la rubrique "moto" sur Autoscout24. Ce n'est pas prévu en France. En termes de marché, la société occupe une position de leader en Italie et en Belgique et se situe en deuxième position en Allemagne et en Espagne. Concernant la France et les Pays-Bas, c'est plus compliqué. La France est un marché très particulier avec un leader et plusieurs acteurs derrière qui revendiquent la place de numéro 2. Il y a encore du potentiel à conquérir.

JA. Comment pensez-vous justement capter ce potentiel ?
EL. Nous devons d'abord occuper le terrain auprès des professionnels. Le potentiel se situe dans l'évangélisation, la formation et la professionnalisation de nos clients dans l'utilisation de nos outils Internet car nous sommes à la fois experts mais aussi formateurs du VO. Nous mettons actuellement en place une stratégie unique de commercialisation auprès des professionnels via une "offre découverte". Notre priorité est de leur donner la possibilité de tester nos services. Nous ne vendrons plus un contrat à un professionnel sans lui avoir donné la possibilité de nous tester pendant deux mois. On veut rentrer dans une logique commune de découverte et d'apprentissage. C'est une révolution chez nous. Notre objectif est que 100 % des professionnels qui sont en test découverte soient visités par nos trois accompagnateurs terrain.

JA. Allez-vous poursuivre vos accords avec les constructeurs et groupements de concessionnaires ?
EL. Sur les grands comptes, il faut que nous ayons une approche sur mesure car il s'agit de sociétés à géométrie très variable répondant à des besoins et des organisations différents. Notre rôle est de développer avec un certain nombre d'acteurs des relations de confiance sur le long terme, sur les approches "customisées", et ne pas faire que des coups. Nous devons assurer une continuité dans leurs actions. Nous avons trois employés qui ne traitent qu'avec les grands comptes.

JA. Qu'en est-il de votre développement auprès des "petits faiseurs" ?
EL. Nous avons commencé et nous allons continuer car c'est important de compter sur ces acteurs qui offrent un éventail de produits différents. Et ils sont souvent eux-mêmes des acheteurs.

Propos recueillis par Hervé Daigueperce et Benoît Landré