Biocarburants : ça sent le sapin...
Un échec. Voilà comment peut se résumer la politique d'aide aux biocarburants mise en place par l'Etat français sur la période 2005-2010, selon un rapport de la Cour de la Comptes. Si elle a eu un impact certain sur le plan agricole avec le développement de la culture du colza et l'apparition de nouveaux débouchés pour la betterave, elle n'a, en revanche, pas eu d'impacts significatifs sur l'indépendance énergétique et la réduction des gazs à effet de serre. Les droits de douane s'appliquent en partie seulement aux biocarburants et utiliser ces derniers nécessite de consommer plus pour parcourir la même distance qu'avec des carburants fossiles, une différence estimée du côté de l'éthanol à 34 % et du côté du biodiesel à 8,5 %.
Des cibles d'incorporation contraignantes
Des cibles d'incorporation non obligatoires décidées au début de période et plus élevées que celles fixées au niveau européen ont par ailleurs entraîné la création d'une taxe générale sur les activités polluantes - TGAP - en cas de non atteinte de ces objectifs (7 % de taux d'incorporation en pouvoir calorifique interne ou PCI, soit 7,57 % en volume pour le biodiesel et 10,28 % pour l'éthanol, à partir de 2010). Résultat : les distributeurs ont dû verser une pénalité annuelle supérieure à 100 millions d'euros. Et bien évidemment, elle a été répercutée sur les prix à la pompe et donc sur les automobilistes.
Des constructeurs totalement déstabilisés
Les constructeurs ne sont quant à eux pas vraiment incités à s'intéresser aux biocarburants depuis quelques années : jusqu'en 2008, les réductions d'émissions de CO2, qu'elles proviennent des moteurs ou des carburants, étaient combinées en Europe. Les biocarburants performants de ce point de vue allégeaient donc la pression sur les motoristes concernant ces émissions. Il va sans dire aussi que des règles édictées à un niveau national ou européen puis modifiées quelque mois ou quelques années plus tard n'ont pas arrangé les choses. Renault en est l'illustration parfaite avec la mise au point d'une gamme de véhicules reposant sur les énergies alternatives tels que l'E85, le B30 et le GPL, souligne la Cour des Comptes. "Faute de soutiens adéquats, il n'y a jamais eu de marché et la production de ces véhicules a cessé après la vente de quelques centaines ou quelques milliers d'exemplaires", relève le rapport.
Des aides payées par les automobilistes
Les soutiens apportés aux filières éthanol et biodiesel, via une réduction partielle de la taxe intérieure sur la consommation ou TIC, ont représenté une aide cumulée de 2,65 milliards d'euros (1,8 milliard pour la filière biodiesel et 0,8 milliard d'euros pour la filière éthanol). Et bien sûr, cette aide a été supportée pour l'essentiel par les automobilistes, que ce soit via la "surconsommation" de carburant ou la fiscalité. "En raison de la surconsommation de carburant et de la TGAP, le consommateur a, sur la période 2005-2010, supporté un surcoût de près 3 milliards d'euros", confirme la Cour des Comptes. Côté éthanol, il y a eu 1,54 milliard d'euros de consommation et de taxes supplémentaires et 0,32 milliard d'euros de TGAP (0,89 milliard d'euros de consommation et taxes et 0,01 milliard d'euros de TGAP, côté biodiesel).
Des préconisations de la Cour des Comptes
"Le coût total des deux filières pour l'Etat n'aura pas dépassé 820 millions d'euros sur 2005-2010", indique aussi la Cour des Comptes. Au final, cette dernière conseille finalement de poursuivre le soutien à la production et à la vente de biocarburants de première génération avec une accélération de la réduction de la défiscalisation TIC. "Tout en maintenant l'écart existant entre la filière biodiesel et la filière éthanol et jusqu'à l'extinction de la défiscalisation qu'il conviendrait d'envisager sans nouvel agrément pour 2015", précise la Cour des Comptes. Elle conseille aussi de maintenir à un niveau élevé la TGAP.
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