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Industrie

Sans sursaut, Mario Draghi prédit la lente agonie de l'industrie européenne

Publié le 10 septembre 2024

Par Catherine Leroy
5 min de lecture
L'ancien président du Conseil italien et de la Banque centrale européenne n'y va pas par quatre chemins pour qualifier l'érosion de la compétitivité de l’industrie automobile. Dans son rapport, remis le 9 septembre 2024 à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, Mario Draghi rejoint les préoccupations des constructeurs et pointe les incohérences des décisions de Bruxelles.
Mario Draghi a remis son rapport sur la compétitivité de l'industrie européenne à Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne.
Mario Draghi a remis son rapport sur la compétitivité de l'industrie européenne à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. ©Commission européenne

Enrayer le déclin de la compétitivité industrielle européenne : l'enjeu est de taille pour Mario Draghi, ancien président du Conseil italien et de la Banque centrale européenne. Ce dernier vient de rendre public son rapport et ses préconisations pour relever le défi existentiel en Europe.

 

Mais pas sûr que les conclusions de l'ancien Premier ministre italien soient du goût de la présidente de la Commission. Car la politique industrielle menée lors de la précédente mandature de la Commission européenne est clairement critiquée. Mario Draghi pointant du doigt de trop nombreuses législations incohérentes.

 

L'analyse porte sur près de dix secteurs industriels. Si l'énergie, les nouvelles technologies en passant par l'espace ou encore l’industrie pharmaceutique y occupent une place de choix, l'automobile n'est pas en reste. À chaque fois, le même constat : celui de la "lente agonie de l'industrie européenne".

 

"Si les objectifs climatiques ambitieux de l'Europe s'accompagnent d'un plan cohérent pour les atteindre, la décarbonation sera une opportunité. Mais si nous ne parvenons pas à coordonner nos politiques, elle risque de freiner la compétitivité et la croissance ", est-il précisé dans le document.

 

Nécessité d'un choc de compétitivité industrielle

 

L'Union européenne a historiquement été un leader mondial dans l'industrie automobile, rappelle Mario Draghi. Mais cette position s'est affaiblie. La production de véhicules a baissé de 16 % entre 2017 et 2022. Pendant ce temps, la Chine est devenue le plus grand exportateur de voitures vers l'UE. Avec une croissance de 561 000 véhicules importés en 2022, contre 114 000 en 2017. En particulier, les marques chinoises progressent rapidement dans le segment des véhicules électriques, un domaine où l'Europe peine à suivre.

 

L'Europe accuse en effet un retard dans le secteur en forte croissance des nouveaux véhicules énergétiques. Les marques européennes ne représentaient que 6 % des ventes de voitures électriques en Chine en 2022. Contre 25 % des ventes de véhicules thermiques. À l'inverse, l'Europe laisse de l'espace dans ce segment du marché. Les marques chinoises représentaient près de 4 % de ces ventes en Europe en 2022, contre seulement 0,4 % trois ans auparavant.

 

De plus, la part de marché des constructeurs chinois dans ce segment est passée de 5 % en 2015 à près de 15 % en 2023. En revanche, la part des constructeurs européens sur le marché des électriques est tombée de 80 % à 60 % au cours de la même période.

 

"La production automobile dans l'UE souffre de coûts plus élevés, de capacités technologiques en retard, de dépendances croissantes et d'une érosion de la valeur des marques. Les équipementiers chinois ont une avance d'une génération sur les européens dans presque tous les domaines, notamment les performances des véhicules électriques (autonomie, temps de charge et infrastructure de recharge), les logiciels (véhicules définis par logiciel, niveaux d'autonomie 2+, 3 et 4), l'expérience utilisateur (interfaces homme-machine de premier ordre et systèmes de navigation) et le temps de développement (1,5 à 2 ans contre trois à cinq ans en Europe)", précise le rapport.

 

À contre-courant

 

Mario Draghi estime également que l'Europe a souvent nagé à contre-courant de ses États membres. "L'UE n'a pas suivi de manière synchronisée la transition rapide vers les véhicules électriques (VE) avec une conversion équivalente de la chaîne d'approvisionnement", indique-t-il. Notant également que dans les année 2010, plusieurs pays ont proposé des incitations économiques pour l'adoption, mais qu'il a fallu attendre 2017 pour que la Commission lance l’Alliance des batteries.

 

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De la même manière, beaucoup trop de législations sont produites en Europe. Mario Draghi cite près de 13 000 législations depuis 2019, contre près de 3 000 pour les États-Unis. Avec une superposition de règles parfois incohérentes. Ainsi, l'ancien Premier ministre italien cite le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Ce règlement exclut les émissions indirectes, tandis qu'une directive sur les rapports de durabilité des entreprises les inclut.

 

"De plus, la législation n'a pas toujours été correctement évaluée en consultant toutes les parties prenantes concernées, comme l'a montrée l'évaluation d'impact de la norme Euro 7, remise en question après coup par l'industrie", explique-t-il.

 

Enfin, il reproche la prise de décisions politiques sans tenir compte du principe de neutralité technologique, "censé guidé la législation de l'Union européenne".

 

Vers une perte de 10 % de la production locale

 

Selon Mario Draghi, l'industrie automobile européenne pourrait perdre davantage de terrain dans le futur. Certains experts estiment que plus de 10 % de la production locale pourrait être déplacée au cours des cinq prochaines années.

 

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Pour éviter "cette lente agonie", le rapport préconise notamment à l'Union européenne de produire des véhicules abordables, dans tous les segments de marché. Il s'agit également de réduire "le fardeau réglementaire" tout en assurant la consultation des parties prenantes.

 

D'après Mario Draghi, il s'agit également de maintenir la production de véhicule thermiques en Europe, tant que la demande existe. Ces derniers devraient représenter encore 45 % des modèles sur la route en 2040. "Une augmentation de la pénétration des carburants à faibles émissions pourrait compenser une adoption plus lente que prévu des BEV" précise le rapport, qui remet sur le devant de la scène l'utilisation des carburants alternatifs.

 

Des propositions qui ne peuvent que satisfaire les constructeurs automobiles.

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