Le 100 % électrique a-t-il du plomb dans l’aile pour 2035 ?

La main sur le cœur, les industriels du secteur de l’automobile jurent ne pas vouloir remettre en cause l’échéance de 2035 sur la vente exclusive de véhicules émettant zéro émission. Pourtant, la mise en danger de toute une filière industrielle européenne et de ses 12,6 millions de salariés n'est plus une simple menace. L'annonce d'un plan d'urgence pour protéger l'industrie automobile en danger de mort, le 5 mars 2025, en témoigne.
À tel point que la volonté européenne de graver dans le marbre la baisse de 90 % des émissions de CO2 pour 2040 ne semble plus d'actualité. "Nos objectifs en matière de climat restent les mêmes, assure Ursula von der Leyen. Mais nous serons plus flexibles et pragmatiques sur la manière de les atteindre."
Cette petite phrase de la présidente de la Commission européenne éveille de nouveaux espoirs. La neutralité technologique totale désormais évoquée n’est pas qu'une expression. Cela signifie tout bonnement une évolution du paradigme européen qui, jusqu’à présent, rejetait toute motorisation qui n’était pas zéro émission au pot d’échappement.
Cette volonté de neutralité technologique n’a pas échappé aux constructeurs automobiles. Jean-Dominique Senard, il y a quelques jours, reconnaissait qu’il s’agissait même d’un point central de la clause de revoyure qui sera ouverte à la fin de cette année 2025. "Il y a six ans, nous étions complètement inaudibles. Mais aujourd’hui, l’Europe semble vouloir modifier son logiciel. Peut-être arriverons nous à des décisions positives", expliquait le président du groupe Renault lors d’un débat à la PFA.
Neutralité technologique totale
La notion de neutralité technologique totale repose sur une prise en compte du bilan carbone de la production des véhicules et de la fabrication de l’énergie qu’elle soit fossile ou électrique. Or, le véhicule électrique n’est pas zéro émission "puisque le bilan carbone de la fabrication s'affiche près du double de celui d’un véhicule thermique", précise-t-on à la Fiev.
Bien sûr, à l'usage, le bilan du véhicule électrique s'améliore, selon le contenu carbone de l’électricité utilisée. Si ce bilan devient rapidement positif (entre 20 000 et 30 000 km) pour un véhicule fabriqué en France et roulant dans l'Hexagone. En revanche, dans d'autres pays où l'électricité est très carbonée comme en Pologne, par exemple, voire même en Allemagne, celui-ci demeure moins bon qu’une motorisation diesel.
Avec ce changement de paradigme, la porte s’ouvre sur les carburants bas carbone, que ce soit des e-fuel, biocarburants… Et pourquoi pas des motorisations hybrides voire hybrides rechargeables. "On pourrait imaginer, même si rien n’est défini à ce stade, d’avoir des exigences réglementaires sur certains critères de performance de ces technologies comme typiquement une autonomie minimale pour un PHEV", explique un industriel automobile.
Une clause de révision sous haute tension
La demande est en tout cas clairement défendue par la filière composée de constructeurs et d’équipementiers. Pour l’instant, la Commission européenne n’a pas envoyé de signaux, positifs ou négatifs. "Mais on sent quand même que cette vague de la neutralité technologique totale va emporter les discussions sur la clause de révision", poursuit cet expert.
D’autant que Bruxelles va devoir répondre aux problèmes de compétitivité soulevés et réels des acteurs européens. "Nous sommes attaqués sur tous les plans et nous sommes dépendants des matériaux et de leurs prix. Dans ce cas, mieux vaut faire des petites batteries pour limiter les conséquences", poursuit ce constructeur. Une ouverture qui laisse espérer de nouvelles possibilités, y compris celle d’accorder un maximum de 5 g d’émissions en 2035.
Nous n’en sommes pas encore au temps des annonces, mais des signaux ont été détectés lorsque la Commission européenne a accepté de lisser sur trois ans, au lieu d’une année, le calcul des émissions de CO2. La proposition d’amendement qui va dans ce sens et qui sera soumise au vote du Parlement européen le 8 mai prochain reste bien sûr exclusivement axée sur cette souplesse accordée aux constructeurs.
Mais l’absence d’une petite phrase alimente toutes les rumeurs en faveur d’une certaine souplesse. En effet, la proposition de la Commission de ne pas modifier les objectifs d’émissions de CO2 a disparu de la version finale qui sera votée.
De quoi alimenter toutes les rumeurs. Mais une chose semble cependant actée. L’approche européenne qui ne regarde que les émissions par le pot d’échappement est bel et bien enterrée.
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