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Industrie

"Je crois beaucoup au remplacement des pneumatiques chez le client "

Publié le 28 octobre 2011

Par Frédéric Richard
9 min de lecture
Didier Blaise, président-directeur général d’allopneus.fr - Le site Allopneus.fr, lancé au début 2005, s’est taillé une place de leader dans le paysage de la distribution de pneumatiques en ligne. Les perspectives du secteur restent bonnes, mais les chantiers et les investissements pour conserver son rang se révèlent d’importance…

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Pouvez-vous revenir brièvement sur votre parcours ?
Didier Blaise.
Au départ de mon expérience dans le pneumatique, j’ai travaillé chez un négociant pendant trois à quatre ans, à Boulogne-sur-Mer. Puis j’ai repris l’agence, et nous avons développé notre activité autour du pneu agricole et PL, pendant environ dix ans. Au milieu des années 80, nous avons commencé à vendre par correspondance des pneumatiques au client final. Nous livrions alors le client final en 48 heures dans les cours de ferme… C’est comme cela que nous sommes devenus une référence dans le business du pneu PL.

JA. Par la suite, vous avez même monté un réseau !
DB.
C’est exact ! Nous avons monté un réseau de points de vente traditionnels sous une enseigne appelée “Pneumatiques et technologie”. Notre maillage a représenté une quinzaine d’agences dans le nord de la France, jusque dans l’Oise. Nous essayions de donner une image un peu “clinique” du pneu, où tout était propre, accueillant, à la manière des centres-autos, qui essayaient, eux aussi, de se démarquer des négociants traditionnels de l’époque. J’ai cédé ce réseau il y a huit ans à deux adhérents Profil Plus, et c’est finalement Continental qui l’a récemment repris. En parallèle, nous avions mis en place une structure appelée “Pneus leader”, dont l’activité consistait à vendre des pneus tourisme-camionnettes (TC4) aux MRA. Structure que l’on a également cédée il y a quatre ans.

JA. C’est alors le début de l’histoire Internet…
DB.
L’aventure d’Internet a commencé en 2004, en parallèle de la mise en ligne du site Allopneus en décembre de la même année. Nous arrivions au bon moment, peu d’intervenants se disputaient alors le marché. Delticom était arrivé deux ans plus tôt en Allemagne. Je regardais depuis longtemps ce projet, mais j’étais réticent en raison des paiements en ligne, un peu hasardeux à l’époque.

JA. Quel bilan dressez-vous de l’année 2010 ?
DB.
Aujourd’hui, nous conservons une position de leader, et on réalise environ trois fois le volume du second… Nous avons enregistré une très bonne année 2010, notamment grâce à un dernier trimestre particulièrement bon, qui a vu les effets d’un hiver rigoureux et d’une disponibilité correcte, sauf en toute fin d’année. Nous avons réalisé un CA de 115 millions d’euros l’an dernier, et espérons dépasser 140 millions cette année, avec des ventes de 1,5 à 1,7 million de pneus, sur un marché de 32 à 33 millions d’enveloppes pour le remplacement. Le marché des ventes en ligne représente, pour sa part, environ 3 millions de pneus. Soit presque 10 % des ventes totales, à court terme. L’année 2012 se présente également bien, si tant est que l’on parvienne à faire un peu de prescription pour que les automobilistes s’équipent tôt… Mais tout en sachant que, de toute façon, il y aura des problèmes d’approvisionnement sur certains produits.

JA. Comment se répartissent aujourd’hui vos ventes ?
DB.
Nous vendons encore quelques enveloppes PL et agricoles, mais elles ne représentent plus que 5 % du CA. Nous sommes aussi positionnés sur le pneu moto et quad, et je pense que, sur ce dernier marché, nous réalisons pas loin de 50 % des ventes en ligne. Certes, les volumes sont minces, mais ces produits constituent un véritable “marché du net”, car difficiles à trouver et relativement onéreux.

JA. Comment fonctionne votre logistique ?
DB.
Bien entendu, nous n’avons pas 20 000 références disponibles en permanence, mais, en revanche, tout ce qui est affiché sur le site est forcément disponible, car nos offres sont interfacées avec les stocks des fournisseurs. Nous travaillons avec une dizaine de grossistes et, en plus, nous stockons nous-mêmes 600 000 pneus sur deux dépôts, un dans le Var et l’autre dans le nord de la France. C’est unique sur le Net en France.

JA. Avoir son propre stock ne constitue-t-il pas un risque important ?
DB.
Je crois au contraire que notre stock se justifie. Depuis la crise, les manufacturiers travaillent tellement en flux tendu que nous sommes obligés de stocker pour éviter les ruptures… Bien sûr, cela coûte cher, mais avec le volume d’achats, les conditions sont un peu privilégiées…

JA. Face à la concurrence qui se développe, comment se démarque-t-on sur Internet ?
DB.
Pour commencer, ce n’est plus une question de tarifs. En tout cas, pas uniquement. Nous restons dans le marché et refusons de pratiquer des prix inférieurs de 20 % à tout le monde. Nous garantissons juste de nous aligner, avec un bonus de 2 %, si l’internaute trouve moins cher ailleurs. En revanche, nous présentons une offre vraiment exhaustive, avec toutes les marques, toutes les catégories de pneumatiques. Le client dispose donc d’une visibilité idéale sur un maximum d’infos, sans être influencé par une ou l’autre des grandes marques, comme cela peut se ressentir dans certains réseaux physiques appartenant à des manufacturiers. Nous disposons également d’un réseau de 3 000 prestataires qui répondent à une charte de qualité, avec une approche client dans l’esprit de notre marque. Nous essayons de les tenir en exclusivité, et c’est le cas pour la moitié d’entre eux…

JA. Demain, est-ce que seuls les plus gros sites Internet survivront ?
DB.
Il est clair que, de notre côté, nous investissons en permanence pour rester leader. Une nouvelle version du site devrait notamment voir le jour d’ici la fin de l’année. Mais cela vaut très cher. La visibilité présente un coût certain, qu’il s’agisse de référencement naturel ou non. Entre les campagnes “ad words” de Google et les filiations (les bandeaux situés sur les sites partenaires), nous dépensons entre 5 et 6 millions d’euros. La clé est donc bien de disposer de suffisamment de cash pour rester en haut des référencements et maintenir des stocks conséquents. Il faut être capable d’apporter une mise de fonds importante au départ, permettant de faire une communication sur plusieurs années, sans faiblir. Enfin, l’animation du réseau de 3 000 prestataires coûte aussi très cher. D’autant que nous avons choisi de ne pas prendre de commission sur les opérations.

JA. Parmi vos gros chantiers, parlez-nous un peu de la franchise que vous préparez.
DB.
Nous lançons effectivement un nouveau service de montage à domicile, via une franchise allégée, un peu sur le modèle de Carglass. Les candidats sont pour la plupart issus du milieu de l’automobile (MRA, centres-autos, négoce en pneus) qui veulent compléter leur activité, ou bien simplement des auto-entrepreneurs. Nous leur apportons un concept complet, avec mise à disposition d’une camionnette équipée de matériel de dernière génération, en location ou en achat, totalement identifiée aux couleurs d’Allopneus. Nous en avons déjà 30 actuellement, et enregistrons un rythme de 2 à 3 nouveaux adhérents par mois. L’investissement est de 60 000 euros pour la camionnette. Mais nous ne demandons ni droit d’entrée ni royalties la première année. On se situera, par la suite, sur des versements mensuels de 250 à 300 euros par mois, principalement destinés à animer le réseau. Nous n’avons pas créé une franchise pour gagner de l’argent, mais plutôt pour pérenniser l’activité d’un site. Sans compter que cela engendrera aussi de la visibilité pour la marque Allopneus.

JA. Comment anticipez-vous les problèmes de pénuries de pneumatiques ?
DB.
Nous avons fait le choix de stocker. A l’heure qu’il est, nous avons déjà rentré, depuis cet été, l’objectif de la saison hiver sur notre plateforme. Nous avons donc réussi à bloquer beaucoup de pneumatiques pour répondre à la demande. Enfin, si les clients sont précautionneux et commandent leurs pneus au plus vite ! L’an dernier, nous avions déjà vendu beaucoup de pneus hiver au mois d’août ! Cette année, nous stockons environ 50 % de plus, et espérons que la saison sera bonne…

JA. Quelle est votre politique face à l’écotaxe appliquée aux pneumatiques ?
DB.
Nous avons passé des contrats avec les deux opérateurs retenus pour la récupération et le traitement des enveloppes, FRP et Aliapur. Car nous estimons que les deux organismes sont complémentaires selon les régions ou les zones géographiques. C’est aujourd’hui nécessaire pour assurer un ramassage de qualité et continuer d’améliorer les relations avec notre réseau de prestataires de montage. Ce qui est le plus complexe à gérer, c’est que cela fait maintenant cinq ans que l’on supporte cette taxe de 1,8 euro par pneu, quand certains sites basés à l’étranger ne s’en acquittent pas et vendent pourtant en France, dans des conditions certes privilégiées, mais illégales.

JA. Un an après la prise de participation dans PSD Log (avec Massa), qu’en retirez-vous ?
DB.
Nous travaillons sur une logistique commune depuis environ quatre ans avec Massa Pneus. Ces synergies ont optimisé les coûts pour chacun, et cela nous a permis d’augmenter nos capacités de stockage. Aujourd’hui, nos deux plateformes sont communes. Et sur place, chacun utilise ses stocks propres, ou bien les stocks communs.

JA. Votre point de vue sur la vente aux professionnels ?
DB.
Nous avons des clients professionnels, mais ils ne sont pas identifiés en tant que tels sur le site. Nous disposons ainsi de MRA, bien entendu, mais aussi de petites flottes, comme des ambulanciers, des taxis… Nous ne cherchons pas spécialement à rentrer dans le business des grossistes, également pour des raisons déontologiques, puisque nous avons un partenaire qui travaille avec cette clientèle.

JA. Que pensez-vous des places de marché type Tyre24.fr, Tykomp, 07ZR…
DB.
Elles se posent en complément pour le professionnel qui recherche un produit qu’il n’a pas trouvé chez son négociant habituel, avec une visibilité sur la concurrence, notamment sur des pneus rares. Mais les places de marché présentent aussi des contraintes… Car en étant multi-fournisseurs, elles obligent le client à ouvrir de multiples comptes, à faire des paiements multiples…, sans compter que certains de ces sites imposent une cotisation mensuelle… Enfin, leurs fournisseurs sont souvent étrangers, avec le problème de l’écotaxe déjà évoqué, l’allongement possible des délais de livraison…

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