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Industrie

Face à la Chine, les équipementiers réclament 80 % de pièces européennes dans les véhicules

Publié le 6 juin 2025

Par Jean-Baptiste Kapela
5 min de lecture
Dans un contexte chahuté par une concurrence chinoise grandissante et des relents de protectionnisme, les fournisseurs veulent se battre à armes égales. Les membres du Clifa tirent à nouveau la sonnette d’alarme pour la mise en place d’une règle imposant aux véhicules européens 80 % de pièces produites sur le continent.
clifa
Si rien n'est fait, la concurrence chinoise pourrait détruire entre 30 000 et 45 000 emplois dans les cinq prochaines années, d'après l'étude du Gerpisa. ©AdobeStock/jeson

"La situation européenne est très difficile et la situation française est catastrophique", résume amèrement Jean-Louis Pech, président de la Fédération des équipementiers automobiles (Fiev). Réunis à Paris le 5 juin 2025, les présidents des organisations professionnelles membres du Comité de liaison des industries fournisseurs de l’automobile (Clifa) ont réitéré l’importance de mettre en place une règle visant à imposer "le contenu local européen substantiel dans le secteur automobile". Une mesure jugée vitale pour soutenir la filière française face à une concurrence chinoise accrue. Pour cela, le collectif professionnel s’appuie sur une étude commandée au Groupe d'étude et de recherche permanente sur l’industrie et les salariés de l’automobile (Gerpisa). 

 

 

Comme l’a rappelé en préambule Jean-Louis Pech, la filière est menacée par de nombreux défis, à commencer par l’instauration des 25 % de droits de douane sur les véhicules importés aux États-Unis. Économiquement, cela correspond à un effondrement des ventes de véhicules particuliers sur le Vieux Continent, dans un contexte déjà fragilisé par la crise inflationniste. Ce qui est à l'origine d'un "décalage compétitif majeur avec l’Asie".

 

Le tout avec pour épée de Damoclès l'arrêt des ventes de véhicules thermiques en 2035, qui pousse les équipementiers à investir massivement dans cette transition. "Cela représente une charge financière considérable au regard des volumes écoulés totalement insuffisants", précise le Clifa dans sa présentation. 

 

La Chine en embuscade 

 

Parmi les menaces imminentes pointées du doigt par le Clifa, la concurrence chinoise figure en tête de liste. En effet, l’empire du Milieu est devenu le principal exportateur mondial de véhicules légers et de pièces détachées. En 2024, comme le rappelle l'organisation professionnelle, la Commission européenne a réalisé deux enquêtes concernant les "subventions illégales et les distorsions commerciales de la Chine". Elles montrent concrètement comment le gouvernement chinois organise "l'expansion coordonnée à l'étranger des marques chinoises qui comprennent à la fois des entreprises de construction automobile et des entreprises de fabrication de pièces automobiles". Les entreprises chinoises ont ainsi bénéficié de subventions directes, d’un soutien en matière de politique fiscale, de services financiers et de capital-risque. 

 

 

Selon les chiffres fournis par Eurostat, l’UE serait déficitaire de 1,6 milliard d’euros sur les pièces détachées avec la Chine en 2024. Alors qu’il y a dix ans, l’Union européenne était excédentaire de 7,7 milliards d’euros. Le déficit, qui se creuse avec tous les pays du Vieux Continent sauf l’Allemagne, s’élève à 2,6 milliards d’euros contre 0,5 milliard en 2014.

 

Concernant nos voisins d’outre-Rhin, si leur balance commerciale reste dans le vert, le Clifa note toutefois que l'excédent des pièces automobiles avec la Chine a diminué de 2,2 milliards d’euros depuis dix ans. Les pièces chinoises importées, incluant les batteries lithium-ion, représentent un déficit commercial de 21 milliards d’euros en 2024. 

 

Diriger l’UE vers une règle de contenu local

 

À ce train-là, les 108 chefs d’entreprise français interrogés dans l’étude du Gerpisa estiment que la concurrence chinoise pourrait détruire entre 30 % et 50 % de la production française de composants pour l’automobile, ce qui entraînerait une perte de 30 000 à 45 000 emplois dans les cinq prochaines années.

 

Alors, quelles seraient les solutions pour éviter ce scénario catastrophe ? Pour reprendre les termes de Jean-Louis Pech, l’organisation professionnelle souhaite se doter d’un "filet de protection" par le biais d’une réglementation européenne imposant l’objectif de contenu local de 80 % dans les voitures produites en Europe. Car, contrairement aux véhicules électriques chinois taxés entre 18 % et 45 %, les pièces ne sont taxées qu’à hauteur de 3 % à 4 %. Pire encore, les batteries lithium-ion ne le sont qu'à 1,3 %. 

 

Comme l'explique Tommaso Pardi, directeur du Gerpisa, ce genre de règle était surtout appliqué au sein des économies émergentes. Mais depuis la crise de la Covid-19, la règle s’est développée dans divers secteurs à l’échelle internationale. "Il n’y a que l’Europe qui ne fait pas de politique de contenu local alors que les États-Unis, le Japon ou encore la Corée ont très tôt protégé les fournisseurs locaux par ce genre de réglementation. Le dispositif pourrait être mis en place en moins d’un an, explique Tommaso Pardi. Autre bénéfice de ce genre de règle : elle permettrait d’éviter que les constructeurs chinois contournent les taxes douanières sur le véhicule électrique en implantant simplement une usine sur le continent. Ils seraient obligés de s'approvisionner localement et non depuis la Chine", ajoute-t-il. 

 

 

Il s’agit là de règles déjà en vigueur dans le commerce international qui demande à ce que les voitures européennes aient 60 % de contenu local pour bénéficier de l’accord de libre-échange. Toutefois, pour une mise en place effective, il faut qu’il y ait un consensus des pays de l’Union européenne, mais aussi de la part des constructeurs automobiles, qui ne partagent pas forcément l’avis des équipementiers.

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