Des failles existent dans le calcul du bonus automobile selon l'avocat Patrice Mihailov
Le calcul du score environnemental qui déterminera l'attribution ou non du futur bonus écologique n'a pas fini de faire couler de l'encre. Patrice Mihailov, avocat spécialisé en droit de la distribution, pointe à ce titre plusieurs failles dans les textes qui pourraient amener pas mal de débats, y compris devant la justice.
"Le dispositif repose tout entier sur la définition des valeurs de référence que l'arrêté ne définit pas par site de production mais selon les circonstances, par pays, par union de pays, voire par continent. Ces valeurs ne sont donc que très grossièrement représentatives de l'empreinte carbone de tel ou tel intrant du véhicule :
- un site de production européen vétuste pourrait présenter une empreinte carbone beaucoup plus importante que celle d’un site de conception plus récente, établi dans un pays émergent,
- un producteur vertueux pourrait ainsi être pénalisé par le fait que son concurrent, dans le même pays ou sur le même continent, n’a entrepris aucun effort de modernisation de son outil industriel", explique Patrice Mihailov.
Rupture d'égalité
Cette méthode constitue selon ce dernier une rupture d'égalité dans l'appréciation du score environnemental de la production d'un modèle. D'autant que contester la décision d'un ministre est rendu compliqué par le fait que ce dernier n'est pas obligé de communiquer le score obtenu, ni de justifier ses calculs.
Le contentieux qui pourrait en découler "nous éclairera peut-être sur la conformité de ce mécanisme avec les dispositions de l’article L 211-2 du Code des relations entre le public et l’administration, selon lequel :
«Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. À cet effet, doivent être motivées les décisions qui (…) Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (…)», précise-t-il.
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Exclusion du bonus pour les véhicules achetés hors de France
Autre faille pointée par Patrice Mihailov, la restriction de l'attribution du bonus réservé aux modèles qui n'ont pas fait l'objet d'une première immatriculation en France ou à l'étranger. Cette disposition qui existait déjà lors des précédents principes de régulation du bonus automobile prend cependant une autre dimension au regard de la hausse des prix des véhicules neufs.
"L'immatriculation est généralement nécessaire à l'acquisition d'un véhicule dans un autre pays européen et sa livraison au client, en France. Ce dispositif a donc pour effet d'exclure les véhicules achetés en Europe, alors que les prix pratiqués dans les différents États membres peuvent présenter des écarts significatifs et justifier un achat à l'étranger", indique l'avocat.
Un point pourtant souligné par la Commission européenne depuis 2010 qui explique que "la mise en œuvre du marché intérieur a permis aux consommateurs d'acheter des véhicules automobiles dans d'autres États membres et de tirer parti des écarts de prix existant entre eux, et la Commission considère la protection du commerce parallèle dans ce secteur comme un objectif important de sa politique de concurrence. La capacité du consommateur d’acheter des biens dans d’autres États membres est particulièrement importante dans le secteur des véhicules automobiles, étant donné la valeur élevée de ce type de bien et le bénéfice direct sous forme de prix réduit que tirent les consommateurs de l'achat de véhicules automobiles dans un autre pays de l’Union."
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