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Distribution

Vertiges de l’amour

Publié le 17 juillet 2009

Par Alexandre Guillet
8 min de lecture
Si les produits du constructeur font l'unanimité au sein du réseau BMW, la marque est aujourd'hui malmenée commercialement, avec une perte de volume et de rentabilité quasi généralisée. Une situation qui ne remet pas en question la...
...confiance des distributeurs, même si l'inquiétude commence à poindre de toutes parts.

Il y a deux ans (JA n°1015), nous soulignions le rapport affectif qui existait entre le constructeur bavarois et ses distributeurs. Ce sentiment règne toujours. "BMW reste une belle marque sportive avec une image forte", entame un concessionnaire. "Elle avance positivement et nous donne envie de suivre", insiste un directeur de plaque. Malheureusement, ce profond sentiment de confiance et d'attachement ne suffit pas à conserver le niveau de performance commerciale que la marque a connu ces dernières années. Aujourd'hui, les distributeurs de la marque à l'hélice font face à des vents contraires. "Nous avons à faire à une clientèle de plus en plus volatile", explique un distributeur. "Nous n'avons jamais été autant en concurrence avec les deux autres allemands", confirme un de ses collègues.

Une rentabilité en net recul

La conjoncture joue contre les vendeurs et les bénéfices s'effritent à vue d'œil. Comme beaucoup de concurrents, les distributeurs sont désormais confrontés à une chute des profits. "Le client tire sur la corde et ce n'est plus l'aspect écologique mais simplement la raison économique qui déclenche l'achat", déplore-t-on un peu partout. "Une dynamique accentuée par le phénomène du "socialement correct" qui consiste à retenir son pouvoir d'achat pour ne pas être mal considéré par l'opinion générale", soulignent-ils pour la plupart.

Pour rappel, BMW vise les 48 000 unités, en 2009 : une "hérésie" pour les distributeurs les plus pessimistes, "difficilement réalisable", pour les plus confiants. En moyenne, ils estiment pouvoir atteindre 80 à 90 % de cet objectif. Une projection qui pousse le constructeur à inciter son réseau à faire des efforts commerciaux.

Pour d'autres, l'image Premium de la marque doit être défendue. "Une BMW ne se brade pas", prennent-ils position. "Nous ne sommes pas généralistes, nous n'avons pas à maintenir artificiellement les volumes", souligne un des leurs.

Trouver une solution devient en tout cas urgent, alors que le réseau accuse une rentabilité moyenne négative. A fin mars, elle était de - 0,9 % et les deux tiers des investisseurs se trouvaient dans le rouge. "Beaucoup rencontrent des difficultés à faire renouveler leur caution auprès des banques", témoigne un concessionnaire aguerri. Un autre moins contenu : "Nous ne nous sommes jamais sentis autant en danger et la tension monte dans le réseau". "Nous ne disons rien, nous attendons les nouveaux produits", tempère un troisième.

Quand la grêle aggrave le surstock

Dans les halls, les forces de vente s'activent face à une baisse des volumes qui semble varier de 10 à 30 % selon les sites. "La situation tend à repartir à la hausse depuis la mi-juin", rassure un responsable. Pourtant, les stocks s'accumulent et mettent les trésoreries à la peine. Une situation qui découle bien sûr des tensions sur le marché, mais qui résulte également de divers programmes de déstockage qui se sont succédé dans le réseau. Les "Pack M et Pack M+", déployés en novembre dernier par Nicolas Wertans, puis "Birdie" en début d'année, "Birdie Bis" ensuite, puis les derniers en date, le programme "Club", puis "Club 1" lancés récemment. Si les distributeurs ont suivi leur constructeur initialement, beaucoup d'entre eux commencent à le regretter. Les conditions de financement et de soutien du constructeur paraissaient en effet alléchantes, et pour tout dire, difficiles à refuser. On parle notamment de conditions de financement attractives de 300, voire 360 jours. Mais le constructeur a approvisionné ses distributeurs sur la base de ses objectifs et les ventes ne suivent pas. Problématique, quand on sait que de nombreux distributeurs possèdent encore des véhicules issus du programme Pack M et M+ de l'an dernier. La panique semble gagner certains distributeurs. On évoque de 4 à 6 mois de stocks. "Le souci est que le constructeur a traditionnellement tendance à être dans le déni jusqu'au moment où il ne peut plus esquiver", explique-t-on. L'attitude de la marque inquiète aujourd'hui certains opérateurs. D'autant plus qu'est venu s'ajouter un événement malheureux dont le réseau se serait bien passé. Une grande partie des véhicules que les distributeurs se sont engagés à reprendre dans le cadre des différents programmes n'a pas été livrée directement en concession, mais stockée par le constructeur sur une aire de stockage en Alsace. On parle de 2 000 à 3 000 véhicules. Problème, la météo a joué un bien vilain tour à la marque. Ce parc a en effet été grêlé de manière très importante et les véhicules ne sont plus livrables en l'état. "Nous avons déjà du mal à vendre certains véhicules et quand nous y parvenons, nous ne pouvons pas les livrer", déplore un concessionnaire. Et si BMW s'est engagé à remettre les voitures touchées en état, le rythme des réparations ne permet pas de satisfaire la plupart des opérateurs. "La majorité des clients auraient voulu être livrés avant l'été. Ce ne sera pas le cas et ça commence à devenir un problème", nous explique l'un d'entre eux.

A en croire un investisseur, les tumultes sont tels qu'au sein du groupement des concessionnaires lui-même, l'agitation se fait ressentir. "Manque de transparence" pour certains, "d'opposition" pour d'autres, mais aussi parce que le bureau du groupement aurait eu tendance à suivre un peu trop docilement les injonctions du constructeur au sujet de ces derniers programmes. Aujourd'hui, "deux tiers du réseau refusent de cotiser au groupement", annonce ainsi un opérateur. "Historiquement, le groupement des concessionnaires BMW n'a jamais été fort, notamment à cause de ces dissensions récurrentes", nous explique-t-on. Une situation dont semble bien s'accommoder le constructeur.

Une activité après-vente contrastée

De la même manière qu'à la vente, les distributeurs balancent entre amour et désaffection au sujet de l'après-vente. A écouter le réseau, BMW fait carton plein en atelier. "Irréprochable", reconnaissent-ils de concert. Le service technique est salué pour sa réactivité et sa compétence, au même titre que les équipes de formation. Malheureusement, "il n'y a pas de réelle politique commerciale à ce poste", se plaint un distributeur. "J'en ai parlé à la direction, elle abonde dans mon sens, sans m'apporter de réponse concrète, comme ci pour l'instant tout était focalisé sur le VN. C'est dommage car il s'agit d'une source de profit éprouvée". Malheureusement, l'insatisfaction ne s'arrête pas là. L'absence d'offres de réserve d'argent semble peiner le réseau. "La seule solution à ma disposition est d'encaisser des chèques différés", raconte un distributeur. Aujourd'hui, le constructeur allemand a décidé de travailler à la rentabilité de ce levier avec le programme Earn : un système informatique d'évaluation et d'optimisation de l'activité. Mais l'informatique pose précisément problème. "BMW n'a jamais imposé de DMS. Résultat aujourd'hui, c'est le bordel. Surtout quand on est multimarque !", détaille un opérateur. "Cela part dans tous les sens", lance un autre. "Les procédures administratives sont souvent lourdes", regrette-t-il encore. Les coûts et le fonctionnement de l'informatique seraient ainsi montrés du doigt.

Mini plébiscitée

Le groupe BMW est contesté en ce qui concerne ses méthodes de communication. La marque est connue. Ces produits, reconnus. Mais le message ne paraît pas être le meilleur. "Il faut mieux expliquer, mieux vendre nos technologies de pointe dans les publicités", réclament les responsables marketing, qui souhaiteraient voir les qualités de l'Efficient Dynamics mises davantage en valeur. Le budget alloué, confirmé par chacun d'eux, s'élève à 530 euros/VN. "Compte tenu de la situation économique, un sacrifice pourrait être provisoirement fait en réduisant de 20 % ces obligations", avance un responsable. "Mais quel est le budget communication minimum ?", lui rétorque un confrère convaincu de l'importance de marteler le consommateur.

Chez Mini, la méthode fait également débat, car celle-ci est basée sur les objectifs annuels. En 2009, les distributeurs ont ainsi cotisé sur une base de 18 000 VN. Or, la marque terminera, selon ces derniers, à 16 000 unités, tout au plus. Comment récupéreront-ils le trop versé ? Certains s'en inquiètent, d'autres s'en offusquent. Mais le développement de la marque par le constructeur recueille de larges suffrages. En sus des volumes, la citadine rapporte en effet de l'argent, avec 5 % de remise maximum sur la berline et à peine 2 % sur la Cabrio. "Une Mini ne se brade pas !", se réjouit un grand faiseur.

Toutefois, la prudence semble rester de mise. "Nous n'avons aucune lisibilité à long terme sur la feuille de route", se plaignent certains. "En peu de temps, on nous a demandé de bâtir des sites exclusifs, alors que la marque pouvait rester sous le même toit que BMW", renchérissent d'autres. D'autres concessionnaires abondent au contraire dans le sens du constructeur : "Des prospects n'osent pas entrer dans le hall à cause de BMW. En séparant les deux entités, on facilite l'accès. Les volumes vont en faire les bénéfices", nous explique l'un d'entre eux. "Les showrooms séparés, c'est la meilleure façon de continuer à développer les deux marques et bénéficier de l'allongement des deux gammes", poursuit un autre. Dans le réseau, personne ne contestera par exemple la politique produit adoptée, et encore moins l'arrivée de la One 75 et de la One D 90 qui élargissent les horizons. "Il ne faut plus envisager la marque comme un complément mais comme une entité à part entière", défend-t-on. Mini se révèle, en effet, être la "bonne surprise" en laquelle le réseau veut croire… et investir.

Gredy Raffin et David Paques

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