Thibaud Carissimo, Briocar et Bodemer : "La période est difficile pour toute la distribution, digitale ou non"
Quel est impact a la crise du coronavirus sur l’activité du site Briocar ?
Avec 80 % de trafic en moins sur notre site pendant les 10 premiers jours de confinement, et une baisse similaire en termes de contacts, clairement, la période est difficile pour l’ensemble de la distribution automobile, digitale ou non. Cette baisse de fréquentation provient bien sûr d’un repli du trafic naturel alors que nous constatons un arrêt plutôt net des recherches des clients. Ceux que nous avons au téléphone nous informent d’ailleurs que leur projet d’achat est reporté, pour la plus grande majorité, après la crise. Les clients et prospects n’ont de toute façon aucune utilité d’un véhicule pendant le confinement. Mais ce recul de la fréquentation du site provient aussi d’une forte diminution du budget de campagne Adwords.
Les ventes sont-elles totalement l’arrêt ?
Etre digital nous permet de continuer une activité commerciale VO, là ou les concessions automobiles sont, hormis les permanences entretien et dépannage, à l’arrêt complet. Nous avons gardé une part restreinte de nos effectifs active chez Briocar via le télétravail, un mode de fonctionnement qui se prête bien à une entreprise 100 % digitale. Notre objectif est de gérer la partie administrative des dossiers réalisés avant et pendant le confinement, mais aussi d’être prêt à répondre à la demande dès la fin de ce dernier. Nous réalisons environ entre 20 et 25 % du volume hebdomadaire enregistré avant l’entrée en confinement. Ces ventes sont générées par des clients qui sont ravis d’avoir le temps de chercher leur véhicule et pour qui le délai de disponibilité n’est pas un problème, étant donné que nos transporteurs sont à l’arrêt et qu’il nous est impossible de livrer le véhicule à domicile.
Cette crise pourrait-elle donner une impulsion à la vente sur le web ?
Les automobilistes, à la recherche d’un rapport qualité / prix compétitifs et prêts à faire un achat sur le web - s’ils ont l’assurance de la qualité et de la sécurité -, sont de plus en plus nombreux, depuis deux ans chez Briocar. Cette typologie de clients va forcement augmenter, cela va dans le sens de l’histoire, sans compter que le cadre juridique très protecteur qui régit la vente de véhicules par internet par rapport à un achat chez un concessionnaire est un vrai argument. Nous n’avons pas de crainte sur la pérennité du modèle. Et le redémarrage des ventes sera selon moi beaucoup plus significatif sur internet que dans les showroom. Même si, pour des raisons de pouvoir d’achat, ce rattrapage ne sera pas immédiat, mais progressif, et interviendra selon moi au cours des 3 et 4e trimestres. La crise du coronavirus et la psychose induite ne provoqueront pas un retournement du marché en faveur du digital, mais pourraient en revanche créer une forte accélération du modèle digital et séduire encore plus d’automobilistes.
Comment préparer la sortie de crise?
Nous travaillons beaucoup, comme tous les distributeurs j’imagine, sur le plan d’action à appliquer à la rentrée. Notre préparation de véhicule est quasi stoppée mais l’ensemble du stock commandé avant la crise, reste sur place, prêt à être livré à la fin du confinement. Le gros challenge sera donc de pouvoir reprendre l’activité au plus vite pour proposer un temps de livraison convenable pour les clients ayant commandé juste un peu avant ou pendant le Covid. Sans oublier les véhicules à préparer lorsque l’activité reprendra. La réouverture sera donc très soutenue, nous avons d’ailleurs déjà convenu d’un renforcement ponctuel des équipes de préparation, via des prestataires avec lesquels nous travaillons.
En concessions, quelles sont les mesures adoptées pour maintenir un niveau minimum de prises de commandes ?
Outre les activés de mécanique et de dépannage autorisées, nous avons maintenu, au niveau des ventes, un pôle digital afin de répondre aux clients qui nous envoient des demandes, de fixer des rendez-vous en vue de la fin du confinement, mais aussi des essais de véhicules neufs. Il n’y a toutefois pas de possibilité de réaliser des ventes. Nous continuons également une activité de ventes à professionnels, pour les sociétés qui continuent de tourner et dont les contrats de leasing prennent fin.
N’est-ce pas dans ces périodes compliquées qu’il serait tentant de dupliquer le modèle digital Briocar pour Bodemer ?
On peut effectivement regretter que le site internet Bodemer n’ait pas la maturité et ne dispose pas de la même architecture technique que Briocar qui permet de faire reprendre un véhicule, d’en choisir un nouveau, de le réserver via un acompte, le financer, et signer le bon de commande en ligne. Il est vrai qu’actuellement, avec un site comme Briocar, nous aurions pu maintenir un certain niveau de commandes. Le test de Briocar s’avère concluant avec des ventes en constante hausse, des parts de marché conquises auprès d’une population, à échelle nationale, qui ne serait pas venue en concession. Toutefois, les ventes en ligne n’apportent pas la même rentabilité que celles réalisées en concession.
Et pour quelle raison, selon vous ?
On peut mettre en cause des ventes de produits périphériques moindres : le taux de financement s’affiche par exemple de 2 à 4 fois plus faible que dans les concessions automobiles, ce qui engendre clairement une perte de rentabilité. Cette plus faible pénétration du financement sur les ventes en lignes provient de la concurrence des offres de financement très compétitives proposées par les agences bancaires, mais aussi par le fait que la population qui achète son véhicule sur le web a déjà, majoritairement, son financement déjà bouclé. La vente sur internet peut être aussi destructrice de valeur dès lors que, si nous voulons vendre, il faut être sur un très bon rapport qualité / prix, si ce n’est être le moins cher. En clair : la vente en ligne n’est pas le nouvel eldorado, car les marges obtenues ne sont pas les mêmes que celles en concessions et les frais fixes, dont ceux de manutention et de transport, sont élevés.
Quelle conclusion en tirez-vous ?
Aujourd’hui l’équation de la rentabilité n’est pas résolue pour le groupe, c’est pourquoi je suis très réservé sur la possibilité pour une petite structure de se lancer dans l’aventure qui demande des besoins en fonds propres énormes. Il faut être prêt à perdre pendant plusieurs années certaines sommes.