Skyworth, le constructeur chinois aux immatriculations qui interrogent

Octobre 2024. Au salon de Paris, parmi les constructeurs chinois, une marque inconnue du grand public attire l’attention : Skyworth. Sa date de création reste floue : 2021 selon le site chinois spécialisé Gasgoo, 2017 selon le site internet français de la marque.
Skyworth, connue également sous le nom de Skywell, est la marque de Skywell New Energy Automobile Group Co. Ltd, une filiale basée à Nanjing (Chine) du groupe Skyworth, spécialiste dans la fabrication de télévisions et de produits électroniques grand public depuis la fin des années 1980.
Il ne s’agit pas de la première incursion du groupe dans l’automobile. Skyworth détient en effet, depuis 2000, Nanjing Golden Dragon Bus, un constructeur d’autobus dont les produits sont commercialisés quasi exclusivement en Asie.
Principalement active sur son marché domestique, la branche automobile de Skyworth fait figure d’outsider au sein d’un paysage chinois saturé de près de 150 marques. Et avec des résultats très limités. Selon les informations d'Inovev, la marque peine en effet à s'implanter.
En 2022, elle avait commercialisé 16 600 véhicules, 17 000 en 2023, pour chuter à 8 000 en 2024 et finir probablement à seulement 3 000 voitures d'ici la fin de l'année 2025. Un volume à comparer aux quelque 23 millions de véhicules écoulés sur le marché chinois en 2024.
Un SUV électrique sur le segment D
En France, Skyworth est présente via un importateur, Skyworth France. Un seul modèle est commercialisé, le K, baptisé EV6 sur son marché domestique. Ce SUV électrique du segment D est proposé à partir de 42 900 euros. Fait inhabituel pour l’arrivée d’une nouvelle marque, le constructeur n’a organisé aucun essai presse à ce stade.
L’importateur annonce pourtant un programme produit ambitieux. Sur son site Internet figure la distribution future d'une compacte électrique, la Q, annoncée autour des 22 000 euros, un utilitaire électrique, le Hongtu, une berline haut de gamme, la CE11, et un nouveau SUV, le H-TI, présenté comme hybride rechargeable.
Un discours en décalage avec la réalité du marché. Sur les huit premiers mois de 2025, selon les AAA Data, Skyworth n'a immatriculé que deux voitures ! Ce n'est qu'à partir de septembre que les volumes évoluent : 110 Skyworth K, puis 356 en octobre et 140 en novembre pour atteindre un total de 608 immatriculations. Un volume qui interroge.
Car à fin novembre, Skyworth France ne disposait d’un réseau constitué que de deux distributeurs : Chavot Automobiles à Mâcon (71) et le groupe Alessandria à Chambéry (73). Ces deux acteurs ont acheté chacun trois Skyworth K et l'un d'entre eux en a vendu un seul à lui-même. Depuis début 2025, aucune voiture n’a été enregistrée auprès de clients particuliers.
Toutes les immatriculations ont été réalisées via des canaux professionnels : 240 en ventes à société, 140 pour les loueurs longue durée, 180 pour les loueurs de courte durée et 48 en véhicules de démonstration.
Sur le seul mois d’octobre, à part 6 voitures enregistrées en véhicule de démonstration*, les 350 autres ont été immatriculées par plusieurs sociétés de location créées le même mois, et toutes enregistrées dans le Nord (59) au nom de Michaël Fitoussi, qui n’est autre que le président de Skyworth France.
Ces structures ont été créées sous la forme de SASU avec un capital social très limité. Ce schéma soulève des interrogations quant aux modalités de financement mobilisées, au regard des investissements habituellement requis pour l’acquisition d’une flotte de plusieurs centaines de véhicules, dont le montant peut atteindre plusieurs dizaines de millions d’euros.
Des immatriculations en location
Cette stratégie surprend d’autant plus que Skyworth a toujours eu la velléité de s’appuyer sur un réseau de distribution physique. Plusieurs experts s’étonnent de cette approche. "Excepté sur le canal des véhicules de démonstration, immatriculer des véhicules via une ou plusieurs sociétés de location pour ensuite les commercialiser dans un réseau n’est pas une pratique très courante", résume diplomatiquement l’un d’entre eux. Sollicitée, la marque n’a pas souhaité répondre à nos questions.
Cette pratique rappelle d’une certaine manière celle que l’importateur de feu Aiways, Car East France, avait mise en place pour lancer la marque. En 2020, le groupe Filippi Auto, détenant le panneau Hertz en Corse, avait acquis une centaine d'U5 pour, selon nos informations, "une bouchée de pain", dans le but d’électrifier sa flotte. À une différence près, Aiways, du moins à ses débuts, ne voulait pas s’appuyer sur un réseau de distribution traditionnel.
Un partenariat financier non actif
La situation est d’autant plus surprenante que Skyworth avait annoncé en juillet 2024 avoir signé un partenariat financier avec CA Auto Bank, pour la France et d’autres pays européens. "Ce partenariat a pour but d'accompagner le développement de la marque et de ses distributeurs, de financer les offres de locations longues durées ainsi que le VO futur", nous avait indiqué à l’époque Mathieu Guillotin, aujourd’hui directeur général de Skyworth France. Mais la société de financement nous a précisé que "le partenariat avec Skyworth en France n’est jamais devenu opérationnel".
Selon nos informations, la marge unitaire nette sur la vente d’un Skyworth K est de 3 000 euros. "Ce n’est en soi pas mauvais, mais cela ne peut être qu’un petit complément à l’activité", explique un distributeur qui a l’habitude de travailler avec des constructeurs chinois. "Le manque d’après-vente est également un vrai problème pour ces nouveaux entrants."
Conscient de son manque de notoriété, l’importateur a pris une agence de communication pour renforcer sa visibilité sur les réseaux sociaux, via de courtes vidéos en images de synthèse accompagnées de voix off générées par intelligence artificielle. Le site internet français, profondément remanié mi-décembre, ne mentionne toutefois aucun réseau de distribution, si ce n’est un onglet invitant à devenir distributeur.
Deux points de vente opérationnels sur 80 annoncés
Skyworth annonce pourtant la nomination prochaine de 80 points de vente, principalement auprès de petites structures familiales, voire d’agents de marque. Une mise en œuvre qui semble prendre beaucoup plus de temps que prévu. L'ambition avait déjà été annoncée lors du salon de Paris il y a plus d’un an.
À l’échelle européenne, la présence de Skyworth reste marginale. La marque dispose d’un site internet en Pologne, aussi succinct que le site français. Selon Inovev, la marque a écoulé environ 800 véhicules à fin novembre 2025 sur l’Europe élargie, soit près de 25 % de ses ventes en Chine.
Dans le détail, la France concentre 608 immatriculations, devant la Turquie (280), le Royaume-Uni (27), l’Espagne (10) et la Finlande (3). Malgré ses résultats très maigres, Skyworth a annoncé qu'il sera présent au salon de Bruxelles au mois de janvier 2026.
*Quatre par le groupe Espace 3, concessionnaire Nissan à Rennes (35), une par Ajaccio Nord Automobiles, distributeur Citroën à Ajaccio (20) et une par Victor Hugo Automobiles, concessionnaire Honda à Nantes (44).
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