Règlement d'exemption : que signifie l'assouplissement dans les échanges d'informations apporté par la Commission européenne ?
Dans une modification de ses lignes directrices accolées au projet de règlement d’exemption, la Commission européenne a décidé d'alléger les contraintes pour les fournisseurs. En effet, celle-ci n’évoque plus le seuil de 10 % de part de marché des fournisseurs et distributeurs pour bénéficier de l’exemption lors des échanges d’informations. Cette évolution ne préjuge pas pour autant du projet que Bruxelles doit présenter à la fin du mois d’avril ou début du mois de mai, pour remplacer l’actuel règlement 330/2010 au 1er juin 2022.
Cette modification concerne le sujet des ventes directes réalisées par les constructeurs, dit distribution duale. Dans la première version de ses lignes directrices, publiées en juillet 2021, la Commission évoquait des seuils de parts de marché pour continuer à bénéficier de l’exemption du règlement européen.
Que devient le seuil de 10 % de part de marché ?
Un premier seuil, comme l’explique le cabinet Vogel, table sur une part de marché cumulée de 10 % maximum sur le marché local pour que tous les aspects d’un accord de double distribution soient exemptés. Un second compris entre 10 % de part de marché cumulés en local et 30 % sur le marché national, sauf pour les échanges d’informations.
Or, dans sa dernière publication, ce sont bien ces échanges d’informations qui font l’objet d’un amendement de la part de la Commission. "Les constructeurs se sont emparés du sujet mais l’automobile n’est pas le seul secteur concerné", éclaire Me Bourgeon, avocat spécialisé dans le droit de la distribution. "Il ne faut pas oublier que ce règlement s’applique également aux secteurs faisant appel à une distribution basée sur la franchise, où les échanges d’informations entre franchiseurs et franchisés sont essentiels."
Pour autant, ces nouvelles lignes directrices restent assez obscures et ne disent pas clairement que ce seuil de 10 % soit annulé. Ainsi comme l’indique le cabinet Vogel : "A notre sens, la rédaction des nouveaux paragraphes des lignes directrices donne à penser que la distribution duale est exemptée de façon générale jusqu’à 30 % de parts de marché et que le premier seuil de 10 % a disparu."
Un flou que Me Mihailov, avocat du CEGAA (Conseil européen des Groupements d’Agents de l’Automobile), comprend comme une annulation pure et simple : "Le 4 février, la Commission a publié une proposition d’amendement qui semble emporter la renonciation pure et simple au seuil des 10 % accordant désormais le bénéfice de l’exemption aux échanges d’informations qui sont nécessaires à l’amélioration de la production ou de la distribution." Pour ce dernier, la Commission a remplacé un critère objectif (10 % de parts de marché) par deux autres complètement subjectifs : la nécessité et l'utilité. Or, la crispation est totale sur le sujet des bases de données client des distributeurs.
Si le cabinet Vogel, proche des constructeurs automobiles, explique que "sans échanges d'informations entre fournisseur et distributeur, il ne pourrait pas y avoir de relation verticale de distribution", Me Mihailov, de son côté précise que "les données relatives aux clients sont autorisées dans certains cas, de sorte que le critère demeure flou et entretient l'insécurité juridique."
Liste de d'informations nécessaires
D'autant que la Commission indique une liste d'informations, mais non exhaustive, susceptibles d'être échangées sans rien enlever à l'exemption :
- les informations techniques relatives aux produits ou services contractuels
- les informations relatives à la production, l'inventaire, les stocks, les volumes de ventes, les préférences clients
- les informations relatives aux prix de vente des produits
- les informations relatives aux prix de revente recommandés ainsi que les informations relatives aux prix auxquels l'acheteur revend le produit
Liste de d'informations non nécessaires
A contrario, la Commission donne quelques exemples d'informations dont les échanges ne sont pas nécessaires pour améliorer la production ou la distribution :
- Les informations relatives aux prix futurs effectifs auxquels le fournisseur ou l’acheteur vendront les produits ou services contractuels en aval
- Les données clients spécifiques, y compris des informations non agrégées relatives à la valeur et au volume des ventes par client, ou des informations qui identifient des clients, à moins que dans chaque cas de telles informations soient nécessaires pour permettre au fournisseur ou à l’acheteur d’adapter les produits ou les services contractuels aux besoins du client ou pour fournir des services de garantie ou d’après-vente
Selon Me Mihailov, "le projet de lignes directrices postule que, sauf exception, l'échange d'informations s'inscrirait par nature dans la poursuite de gains d'efficience, minorant l'hypothèse qu'il poursuive des objectifs moins vertueux, aux dépens des concurrents. L'actualité laisse à penser que l'appropriation des fichiers clients des distributeurs paraît aller de pair avec la résiliation de la totalité des distributeurs, préalable à leur réintégration partielle, l'opération emportant par conséquent l'éviction de nombre d'entre eux."
Enfin, Me Bourgeon de son côté estime que les exemples d'informations nécessaires sont plutôt "laxistes", alors que les informations non-nécessaires "ne sont pas assez restrictives".
La Commission européenne a relancé une consultation publique ciblée supplémentaire sur les orientations proposées concernant l'échange d'informations dans le cadre de la double distribution, qui seront ajoutées aux lignes directrices verticales. Les parties prenantes devaient faire parvenir leurs observations avant le 18 février 2022. voici celles de Me Mihailov pour le CEGAA et celle du cabinet Vogel.
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