Lionel Lefrançois, concessionnaire : Au bord de l’amer
...ville typiquement normande située à mi-chemin entre Evreux et Lisieux. Mais tout le monde à Bernay connaît le garage Lefrançois. Et si vous demandez le dit garage, on vous répondra "ah oui, la concession Fiat" ! Seulement voilà, si les couleurs du constructeur italien flottent toujours au-dessus du site, ce n'est plus désormais qu'un atelier agréé, avec option vente VN. "Je suis entré chez Simca en 1955, raconte Lionel Lefrançois. Puis en 1965, je suis devenu agent Fiat pour devenir concessionnaire en 1975". Pendant des années, Lionel Lefrancois remplit son contrat annuel et obtient même quelques distinctions, au plan européen, pour ses bons résultats. Aujourd'hui, tout cela est du passé. "Il n'y a plus de respect pour les distributeurs, nous ne sommes que des numéros !", lance Lionel Lefrançois qui est désormais un agent réparateur agréé, chez qui le distributeur de Dreux dépose des VN. Les derniers volumes de ventes enregistrent 22 VN en deux mois. "La politique de plaques des constructeurs ne fait pas le jeu de la proximité : Caen est à 70 km d'ici, Rouen à 60 km ! Vous vous rendez compte pour ma clientèle !", regrette Lionel Lefrançois.
En effet, en 2005, Fiat France l'informe qu'il doit déposer le panneau. "Sous le prétexte que mes locaux ne sont pas aux normes européennes, il me manquerait trois véhicules dans mon hall, la porte d'entrée ne serait pas du bon côté… Bernay, c'est 10 000 habitants ! Alors face à la qualité des prestations que nous servons ici depuis trente ans, le bernayen, les normes européennes, lui, il s'en moque ! Il leur préfère la disponibilité, la proximité ! Vis-à-vis de mon personnel, par respect pour ma clientèle, j'eusse aimé être racheté. Qu'un repreneur digne de ce nom, et partageant des valeurs humaines, pérennise ce showroom et mes ateliers. Le groupe Guez de Rouen semblait intéressé par la reprise de mon affaire, mais n'offrait aucune garantie en ce qui concerne le maintien de mon personnel dans l'entreprise. J'ai mis fin à la transaction : pas question pour moi de mettre sur le carreau des collaborateurs de longue date, la majeure partie est à mes côtés depuis plus de vingt ans !"
"J'aimerais sortir par la grande porte et non par l'issue de secours de l'atelier".
Fiat Auto France, dans un courrier du 21 mars 2005 et signé Paul Barrocas, directeur des ventes Fiat VP-Lancia, rassure l'agent bernayen par une formule sans équivoque : "Vous pouvez être assuré de la très grande attention que nous portons à votre dossier afin que nous trouvions un dénouement rapide et conforme à votre situation personnelle". Sa situation personnelle, c'est un âge qui le place parmi les "vieux de la bielle" et un statut d'artisan ! Et oui, Lionel Lefrançois n'a pas offert le statut de société à son entreprise. "C'est une erreur sans doute, mais je ne pensais qu'au travail, à ma passion pour la vente, pour Fiat, je ne pensais pas qu'après plus de 30 ans de carrière chez Fiat, l'on me laisserait mourir tranquillement, histoire d'attendre que je parte de moi-même, à moindre coût. Et surtout, je ne me doutais pas que ce serait le silence radio de la part de Fiat France. C'est une drôle de manière de traiter son réseau, non ? Cela m'attriste. Depuis que j'ai été viré (sic) en septembre dernier, je n'ai pas reçu un seul coup de fil de Fiat pour savoir comment avance mon dossier. Cela m'embête de tirer le volet sans indemnité ! J'aimerais sortir par la grande porte. Ne pas vendre mes locaux uniquement pour la pierre. Ça mérite mieux !" Mais pas question pour l'ex-concessionnaire bernayen de mettre sa liberté d'action commerciale au service d'une autre marque : "Cela fait 40 ans que je fais du Fiat, je ne vais pas virer ma cuti maintenant, confie-
t-il. Quant à faire de l'occasion, il ne souhaite pas non plus se lancer dans "l'aventure" du VO. "C'est trop périlleux", explique-t-il. Dernièrement Lionel Lefrançois se limitait à ses reprises, une centaine dans l'année. Il aimerait trouver un repreneur, un pro de l'auto, vente et réparation, qui profiterait des 460 m2 d'ateliers, des 1 000 m2 de l'ensemble, du matériel existant, de l'emplacement idéal dans le centre de Bernay (près d'un hypermarché très fréquenté, donc profitant d'un large parking gratuit), d'un personnel formé et compétent ! Autrement dit, il y a tout pour se lancer et réussir ici ! Avis à ceux qui voudraient y développer un panneau.
D'une voix bousculée par l'émotion, Lionel Lefrançois soupire : "Je ne pensais pas finir comme ça". L'agent semble se soucier davantage de sa clientèle et son personnel que de lui-même ! Ah, encore une chose, Lionel Lefrançois a 73 ans !
Philippe Briand
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