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Distribution

Les voitures d’occasion, une denrée très rare en Espagne

Publié le 23 octobre 2009

Par Benoît Landré
7 min de lecture
Dans un contexte encore délicat, les professionnels espagnols assistent actuellement à une pénurie assez importante de voitures d'occasion. Bien que freinées actuellement par cette situation, les exportations continuent de faire tourner...
...le marché du VO ibère.

A l'occasion de la dernière édition du salon de l'occasion de Madrid en juin, les organisateurs insistaient sur la hausse des ventes de VO au détriment du neuf avec un ratio qui affichait 1,6 VO pour 1 VN sur les premiers mois de l'année 2009 contre 1,4 VO vendu pour 1 VN en 2008. C'était avant l'instauration de la prime à la casse. Depuis le VN a un peu repris des couleurs. Après 31 mois de chute, les ventes de voitures neuves à particuliers ont rebondi en juin et ne cessent depuis de grimper (+ 18 % en septembre à 77 374 unités). Sans aide gouvernementale, le marché de l'occasion, lui, continue de souffrir. Et pour les sociétés spécialisées dans l'export, la difficulté est la même dans les autres pays. "Nous voyons des remises de 4 500 euros sur des VN : par conséquent, le VO récent n'est plus du tout dans le marché, observe Oscar Fuentetaja, directeur commercial pour l'export dans la société IberCarLease. Il y a actuellement en Espagne un gros litige entre les banques et certains loueurs qui pose un problème puisque ces derniers refusent de rendre les véhicules. D'autres ont décidé d'allonger les contrats de six mois à 1 an du fait de la crise. Dès lors, il y a actuellement en Espagne une pénurie de VO récents et les seuls véhicules de ce segment que nous trouvons sur le marché sont des VD. Et du fait de cette pénurie, ces modèles ont pris de la valeur", expose-t-il. Fondée en 1996, IberCarLease travaille depuis son origine avec les professionnels français et possède plus de 250 VO en stock sur ses sites de Madrid et de Barcelone et réalise en moyenne 300 VO par mois. Ces dernières années, la société avait fait du VO de 12 à 18 mois le cœur de son activité. "Nous avons dû ajuster nos achats et nos ventes sur des VO plus âgés. Dès le début du deuxième trimestre, nous avons commencé à commercialiser des VO de 2007 et de 2006. Nous vendons aujourd'hui les mêmes voitures qu'en 2008. Ce changement nous a aussi obligés à revoir nos sources d'approvisionnements et nous regardons ce qui se passe du côté des banques et des saisies ou des enchères", confie Oscar Fuentetaja.

Des ventes entre particuliers inexistantes

Pendant la crise, le marché de l'occasion espagnol a survécu et continue de vivre au rythme des exportations, notamment vers la France, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique ou encore les pays de l'Est. Nombreux sont les professionnels français à s'alimenter de l'autre côté des Pyrénées auprès de sociétés spécialisées dans l'export. Sur le plan national, une taxe de 4 % imposée lors des transactions de VO entre particuliers donne une certaine mainmise aux professionnels sur le marché de l'occasion. "Les seuls acteurs du vrai VO en Espagne sont les négociants indépendants", souligne Oscar Fuentetaja. Parmi les gros faiseurs nationaux, on retrouve des entreprises telles que CanalCar, spécialisée dans le VO à particuliers et basée à Madrid, Yamovil ou encore Vidal Motor qui commercialise des utilitaires. "La force de ces sociétés est qu'elles proposent des crédits sur 6 ans, voire 8 ans", indique le dirigeant. En Espagne, chaque vente de VO à particuliers doit s'accompagner d'une garantie d'un an minimum.

Regain d'intérêt nécessaire des concessionnaires pour le VO

"La mentalité des espagnols est de conserver un véhicule très longtemps, le temps de possession est plus long qu'en France ou en Allemagne. Et quand ils changent, c'est pour acheter un VN", poursuit le responsable. De fait, la politique des concessionnaires espagnols est largement axée sur la vente de voitures neuves et, en règle générale, seuls les VO qui bénéficient de la garantie constructeurs ont droit de cité sur les parcs. Mais la donne semble avoir changé depuis quelques mois. "Auparavant, les filiales qui reprenaient un VO les revendaient automatiquement à marchands à prix coûtant. Ils n'hésitaient pas à reprendre un VO à n'importe quel prix uniquement pour favoriser la vente d'un VN. Seulement, avec la crise, et devant la pression des constructeurs qui craignaient de voir disparaître des concessions, des distributeurs se sont mis à travailler le VO pour gagner de l'argent. Aujourd'hui, nous assistons à une professionnalisation et à une rigueur grandissante pour l'expertise des VO chez les distributeurs. Ils sont plus vigilants et ne font pas la reprise s'ils n'ont pas la certitude qu'un marchand de leur réseau reprendra le véhicule derrière", souligne Oscar Fuentetaja. "Compte tenu du contexte et de la pénurie de véhicules, les concessionnaires ont compris qu'ils avaient tout intérêt à revendre directement leurs VO à particuliers plutôt que de les revendre à marchands et ne rien gagner dessus", constate pour sa part Jean-Marie Piallasse, gérant de la société Wagendas, basée à Alicante.

La problématique des retours de location

Autre particularité que présente le gérant ibère : entre 70 % et 100 % des véhicules de location sont sous-loués par les constructeurs. "Ces derniers ont voulu contrôler le marché des buy-backs pour une question d'image mais aussi pour éviter les dérives lors de la revente des voitures de location", explique Oscar Fuentetaja. Mais là aussi, certains semblent vouloir changer leur fusil d'épaule. "Le revers de la médaille pour certains constructeurs, comme Seat, est qu'ils récupèrent leurs buy-backs, mais qu'ils ne sont pas du tout organisés ni professionnalisés pour les revendre. Ils ne sont pas assez familiarisés avec l'exportation. Résultat, dès qu'ils ont des VO en retour de location, ils s'en débarrassent à n'importe quel prix et cela fait d'ailleurs bien les affaires de quelques négociants français. Par conséquent, je pense que Seat va être obligé de vendre ces véhicules aux loueurs pour ne pas avoir à gérer ses buy-backs et continuer à perdre de l'argent", conclut-il.

ZOOM

Ils ont dit...

• Jean-Marie Piallasse, gérant de la société Wagendas, spécialisée depuis 1999 dans la vente de VN et de VO : “Depuis juillet, notre activité VO a fortement baissé. Le mois de septembre a été très calme et nous sentons une légère reprise depuis deux semaines. Nous ne sommes pas mauvais, seulement le marché est compliqué et notre activité est en retrait de 10 à 15 % par rapport à la même période en 2008. Nous avons dû baisser toutes nos commissions. Le gros problème actuellement en Espagne est que nous n’avons pas de produits d’occasion et le peu de voitures que nous trouvons sont très cher. Les sociétés de location n’ont pas racheté de véhicules et ne revendent sur le marché que des vieux VO hors de prix. Et nous ne souhaitons pas nous éloigner de notre cœur de cible qui est le VO récent encore sous garantie constructeur. Depuis l’instauration de la prime à la casse en Espagne, nous achetons les voitures 500 e de plus. Dès lors, nous nous retrouvons en concurrence avec des marchés comme l’Italie, l’Allemagne ou encore l’Autriche qui proposent des prix compétitifs”.

• Jean-Charles Cortes, co-gérant de la société Auto ACBC, implantée à Barcelone et Madrid et spécialisée dans la vente de VO en Europe (50 % des ventes avec la France) : “Les banques ne renouvellent pas les lignes de crédit aux loueurs qui, par conséquent, remettent en service leurs VO auxquels nous n’avons plus accès. Nous assistons également à une raréfaction du matériel en neuf car les usines tournent moins. Nous avons l’avantage de travailler avec 1 500 distributeurs sur plusieurs marchés en Europe et nous sommes positionnés sur tout type de produits, plutôt sur du VO faiblement kilométré en Allemagne, en France ou avec le Nord de l’Europe et des VO fortement kilométrées en Europe de l’Est. Nous sentons que les marchés français et allemands remontent la pente depuis quelque temps. Nous travaillons beaucoup actuellement avec les pays de l’Adriatique. Par ailleurs, les autres marchés sont stationnaires. Pour nous, le bilan reste très positif puisque nous avons bénéficié en début d’année du problème des banques qui regorgeaient de produits et qui ont fait appel à nous pour exporter ces voitures. Depuis, les parcs se sont vidés et par conséquent les banques remontent les prix des véhicules”.

Photo : Oscar Fuentetaja, directeur commercial pour l'export dans la société IberCarLease.

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