S'abonner
Distribution

Les franchises dans la distribution, ça coince

Publié le 26 février 2010

Par Benoît Landré
7 min de lecture
Les tentatives de création de réseaux de franchisés pour la vente de voitures ont souvent avorté. Cette approche qui a pourtant fait ses preuves dans bien des domaines rencontre davantage de difficultés à pénétrer le...
...secteur de la distribution automobile. Explications.

"Il y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes". C'est ainsi que l'on pourrait résumer les tentatives de création de réseaux de franchises dédiées à la distribution automobile en France. Souvent éphémères, difficilement pérennes, ces initiatives se sont révélées très rapidement infructueuses en France dès lors que les moyens et la rigueur se révélaient insuffisants pour répondre aux attentes des adhérents. Ce sont précisément les deux facteurs qui ont eu raison de la société Auto Center Import qui s'est lancée en 2005, à Rennes, dans le commerce de véhicules importés d'Europe. L'analyse du marché réalisée entre 2001 et 2004 par les trois initiateurs du projet, "spécialisés dans le montage de réseaux de franchisés", n'aura donc pas porté ses fruits malgré l'adhésion rapide de 12 franchisés. "Ils sont certainement experts dans la création de réseaux, ils étaient d'ailleurs plein de bonne volonté au départ mais nous nous sommes rendus compte très vite qu'il s'agissait uniquement de belles paroles. Derrière, cela ne suivait pas", raconte d'ailleurs un ancien franchisé breton.

Face au durcissement du marché et des politiques adoptées par les constructeurs, le réseau de franchisés Auto-Eclerc, dédié à la vente de VN, a compté jusqu'à trente membres avant de péricliter ces derniers mois. Aujourd'hui, la société dont le siège est basé à Trappes ne s'articule plus qu'autour d'un point de vente et de deux franchisés. "En proposant des rabais de - 30 % sur certains modèles, les constructeurs ont scié la branche sur laquelle nous nous étions positionnés. L'approche que je souhaitais adopter ne répond plus aujourd'hui au contexte de la distribution automobile. Internet a pris le pas et nous réfléchissons à une autre façon de pénétrer ce marché", justifie Michel Leclerc, fondateur de la société indépendante Auto-Eclerc.

La problématique du sourcing et des services

Pourquoi donc la distribution automobile est-elle si hermétique au principe de la franchise qui fait pourtant les beaux jours des marchés de la location, des services liés à la voiture ou encore de l'immobilier ? Si la puissance des constructeurs et de leurs réseaux de distribution peut expliquer l'absence de gros réseaux de franchisés indépendants spécialisés dans le VN, ce système n'est pas beaucoup plus visible dans le marché de l'occasion. "La vente de véhicules fonctionne depuis longtemps de la même façon et il faut croire que cela convient à tout le monde", intervient Xavier Morvan, fondateur du réseau Distinxion qui fait figure d'exception dans le paysage automobile. "Il faut distinguer la franchise de la licence de marque qui est l'approche que nous avons adoptée. Dans la franchise pure, le réseau a une obligation de consommer au moins 70 % de produits chez la société mère. Et mon idée était de créer et développer un réseau qui offre une liberté d'achats aux adhérents", précise Xavier Morvan. "J'ai l'impression que le problème de fond inhérent à cette démarche réside dans le fait que les services apportés par ces franchises sont trop faibles. D'autre part, ces réseaux qui savent généralement très bien communiquer se sont vite heurtés à un problème de sourcing. Et le succès d'une franchise dépend de sa capacité d'achats. Pour qu'un tel projet réussisse, il faut un gros marchand derrière et il n'y en a pas tant que ça aujourd'hui", soulève pour sa part Patrick Chiron, directeur adjoint des études et du Conseil chez Eurostaf.

Un appât du gain risqué

Des bases essentielles que confirme d'ailleurs Xavier Morvan : "Le réseau Distinxion n'aurait jamais pu se développer sans l'existence de Saint-Herblain Automobiles, c'est une évidence. De la même manière, Saint-Herblain Automobiles n'aurait jamais connu un tel niveau de développement sans Distinxion", reconnaît-il. Avant de poursuivre sur les conditions nécessaires au déploiement d'un réseau de franchisés : "Tous ceux qui ont essayé à un moment donné de bâtir un réseau de franchisés pour gagner de l'argent ont vite échoué. Dans une telle démarche, on n'a pas la récompense avant d'avoir fait le travail. Pour s'engager dans cette voie, il faut des moyens importants, il faut accepter d'investir beaucoup d'argent au départ, il faut un savoir-faire et surtout la philosophie. Le monde de la franchise répond à une tout autre mentalité que le secteur automobile traditionnel. Enfin, pour pérenniser son réseau, il faut effectivement le sourcing, le service, la qualité…".

Vers des réseaux de marques franchisés ?

Toutefois, cette approche ne semble pas pour autant condamnée ou vouée à l'échec dans la vente de voitures. "Nous n'avons jamais eu autant de demandes de candidatures pour rejoindre le réseau", indique d'ailleurs Xavier Morvan. Des initiatives demeurent. Comme nous le révélions en début d'année, le groupe SIPA va procéder dans les prochaines semaines au déploiement de son enseigne VPN en France sous la forme d'un contrat de licence. "Il y a déjà eu beaucoup d'effets d'annonces par le passé quant au lancement de réseaux multimarques qui n'ont pas abouti. Ainsi, lorsque nous irons voir nos futurs partenaires, nous leur proposerons un projet concret, solide, qui a du sens et qui repose sur une offre de VN et VO récent multimarques", expliquait David Rairolle, directeur des activités VPN.

Le réseau indépendant Démarque Auto, créé en 2009, a déjà convaincu 15 distributeurs à ce jour selon un contrat de franchise. Marc Detourbet, le fondateur de l'enseigne, est convaincu par la philosophie qui anime son approche : "J'ai pris le parti de laisser mes franchisés se développer et gagner de l'argent plutôt que de m'enrichir moi-même très vite en prenant à la gorge mes adhérents. Le deuxième facteur de réussite à mes yeux repose dans le fait, et ce quel que soit le contrat, que le chef d'entreprise doit rester le patron chez lui", détaille le dirigeant qui a été récemment approché pour exporter son projet dans d'autres pays. "Nous sommes à l'aube d'une redistribution des cartes dans le commerce de véhicules et je suis convaincu qu'il existe une place pour un réseau basé sur la relation de proximité entre un client et son représentant de Démarque Auto", ajoute Marc Detourbet.
Cette "redistribution des cartes" pourrait également se matérialiser avec la mise en place de réseaux de franchisés par les constructeurs eux-mêmes, qui n'ont jamais dissimulé leur intérêt sur cette forme de distribution. "Je crois savoir que certains y pensent de façon sérieuse, lâche d'ailleurs, sans plus de précisions, Xavier Morvan. Selon l'évolution du contrat européen en 2010, il n'est pas exclu que les constructeurs investissent ce terrain qui constitue une approche différente du commerce automobile. Il ne faut pas oublier qu'il y a quelques années, Volkswagen était venu au salon de la franchise", rappelle-t-il.

ZOOM

Distinxion vise les 100 distributeurs en 2010

Le réseau de distribution Distinxion qui compte en ce début d'année 80 points de vente enregistrera sept nouveaux adhérents en mars. Xavier Morvan s'est fixé pour objectif de fédérer 100 représentants à mars 2011, barrière symbolique à partir de laquelle le dirigeant devrait accélérer le déploiement européen de son enseigne. "Le plus dur est de bien choisir le partenaire et nous avons à ce jour 4 à 5 partenaires qui sont prêts à nous suivre dans certains pays européens. Mais je souhaite pour l'instant privilégier le bon développement de l'enseigne en France", souligne le dirigeant. Pour rappel, l'adhésion dans le réseau implique un droit d'entrée de 18 000 euros et les distributeurs doivent verser une cotisation de 75 euros par voiture au titre de la communication ainsi qu'un forfait Internet mensuel de 94 euros. Au global, cela représente un budget mensuel de 1 000 euros.

Photo : La société Démarque Auto qui a pris ses quartiers à Salon de Provence (13) a tissé en 2009 son réseau de franchisés sur plusieurs départements français.

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

Laisser un commentaire

cross-circle