Le groupe de Bernard Hayot entre en zone de turbulences médiatiques
Les nuages s'amoncellent au-dessus du Groupe Bernard Hayot (GBH). L'empire martiniquais fondé et présidé par Bernard Hayot a fait l'objet d'une enquête menée par nos confrères du quotidien Libération. Celle-ci tend à démontrer que l'entreprise la plus puissante des territoires d'outre-mer fait preuve d'une opacité qui masque des pratiques commerciales répréhensibles.
En s'appuyant sur la coopération d'un collaborateur comptant parmi les 170 plus hauts cadres du groupe, nos confrères expliquent avoir pu consulter des documents financiers internes tenus habituellement secrets. Au cœur du sujet publié le 9 janvier 2025, il y a la branche automobile de GBH. Celle qui représente environ 40 % du chiffre d'affaires global, estimé à plus de 4,5 milliards d'euros.
Selon les éléments compilés, un système de verrouillage de la chaîne de valeur permettrait au groupe de distribution d'appliquer des taxes et des marges commerciales difficiles à justifier ou nettement supérieures à la tendance en France métropolitaine. "Ces attaques instrumentalisent notre groupe. Elles sont infondées et approximatives, sans considération pour nos salariés, nos clients et nos fournisseurs", a rétorqué dans un communiqué le groupe ultramarin.
Des prix jusqu'à 45 % au-dessus de la moyenne
En détenant plus de 50 % des parts du marché de la vente à particulier, la branche automobile du groupe GBH profiterait de sa position hégémonique. Elle réaliserait ainsi, à titre d'exemple, des marges nettes comprises entre 18 et 28 % sur la distribution de marques telles que Renault, Dacia et Hyundai. Des niveaux à rendre jaloux les concessionnaires de l'Hexagone.
Surtout, les sites internet n'affichent pas clairement les tarifs des véhicules neufs inscrits aux catalogues. Ce que nous avons pu constater également. Une disposition qui se doublerait d'une méthode de dissimulation aux yeux des constructeurs des prix pratiqués et des marges dégagées. Ainsi, GBH aurait plus de latitude pour facturer jusqu'à 45 % de plus que les distributeurs en métropole, alors que les frais d'acheminement et les droits de douanes n'impactent initialement que de 15 à 20 % les montants.
Dans sa réponse au quotidien, le groupe de Bernard Hayot a souligné que "la forte contrainte sur les marges a provoqué de grandes difficultés financières ces dernières années chez de nombreux acteurs de ce marché. Si on ajoute l’arrivée des nouveaux constructeurs chinois, et les nombreux cas de redistribution de portefeuilles de marques décidées par les constructeurs, on ne peut que constater que le marché n’est absolument pas figé, mais bien au contraire extrêmement dynamique et concurrentiel".
La direction omet toutefois de mentionner, comme l'indiquent les documents partagés par le cadre à la source, que des filiales du groupe facturent des frais divers (logistique, stockage, assurance…) aux concessions. Celles-ci répercutent les sommes sur le bon de commande des clients. Les bénéfices augmenteraient alors pour GBH. Raison pour laquelle des lanceurs d'alerte ont exigé de l'entreprise qu'elle présente des comptes consolidés et non plus limités au seul périmètre de la holding comme depuis 2018.
Des marges spectaculaires à l'après-vente
Mais la vente de voiture n'est pas le seul domaine mis en cause. L'entretien et la distribution de pièces de rechange sont aussi dans le viseur. En s'impliquant sur toute la chaîne de valeur de l'après-vente automobile, GBH a la mainmise sur le consommateur. Le groupe triplerait le niveau de marge par rapport aux standards de la métropole.
"L’entreprise finance entre trois et cinq mois de stock pour les voitures neuves et entre trois et six mois de stock pour les pièces de rechange, cela n’existe pas dans l’Hexagone, soutient le groupe dans son communiqué. Les marges pratiquées dans les Doms sont les mêmes que celles constatées à l’international pour des opérateurs qui sont à la fois importateurs et distributeurs".
GBH a toujours cultivé la discrétion. Cette mise en lumière n'a rien pour lui plaire. Dans un contexte de lutte contre la vie chère aux Antilles, le groupe qui règne de surcroît sur le secteur de la grande distribution fait l'objet de nombreuses critiques depuis des mois. Entré dans cette nouvelle tempête médiatique, il va devoir batailler pour sauver son honneur face aux accusateurs.
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