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Distribution

La rentrée de tous les défis pour les plateformes de remarketing

Publié le 25 septembre 2024

Par Gredy Raffin
10 min de lecture
Le marché européen des voitures d’occasion rebondit en 2024. Les plateformes de remarketing profitent de cette reprise, mais de nouveaux enjeux se présentent à elles. Entre transition énergé­tique et globalisation des activités, des décisions stratégiques devront être prises.
Remarketing voitures d'occasion
Les voitures électriques créent des tensions chez les spécialistes du remarketing. ©Le Journal de l'Automobile

Beaucoup le savent : le plus dur n’est pas la chute, mais l’atterrissage. Après avoir atteint un point bas bien trop pro­fond pour ne pas provoquer de casse, le marché des voitures d’oc­casion remonte. Palier par palier. Peu de chances qu’il retrouve tout de suite – si ce n’est un jour – les sommets des années 2019 et 2021. Mais il n’empêche que les indi­cateurs sont meilleurs et annon­ciateurs de lendemains moins anxiogènes pour les entrepreneurs.

 

Les statistiques éditées par AAA Data en attestent. Au premier semestre 2024, tous les canaux de vente de véhicules d’occasion ont pris du volume. Au total, 2,693 millions de VO ont changé de propriétaire. Un score qui reste inférieur à celui de 2022, quand 2,73 millions d’échanges avaient été comptabilisés, mais en pro­gression de 3,1 % par rapport à l’an passé.

 

Dans ce total semestriel, les enseignes ont écoulé plus de 1,04 million d’unités auprès des particuliers, soit 4,5 % de plus qu’en 2023, pour revenir à 10 000 unités de retard par rapport à 2022. Les transactions de gré à gré n’ont pas connu un tel rebond. Après la chute de 4 % en 2023, elles ont à peine regagné 0,4 %, à 1,286 million d’unités.

 

Confiance pour la rentrée

 

Dans ce contexte plus à leur avan­tage, les professionnels se sont équi­pés. Tout du moins, ils n’ont pas rechigné à faire commerce entre eux. Bien plus que lors des deux der­niers exercices en date. Après avoir terminé le premier semestre avec moins de 99 000 ventes de VO en BtoB en 2022, le marché français est monté à 117 626 unités en 2023.

 

Cette année, AAA Data a recensé plus de 117 600 mouvements (+13,7 % sur un an). Les grandes plateformes de remarketing en ont profité à plein. Les directions ne cachent pas leur satisfaction à l’heure du bilan intermédiaire. Cela est vrai à l’échelle française comme européenne.

 

Au siège de Berlin, le PDG et cofondateur d’Auto1 Group, Christian Bertermann, parle "d’un deuxième trimestre vraiment solide, porté par l’accroissement de la de­mande". À tel point que le spécia­liste allemand du remarketing a aug­menté la cadence de 17 % à 166 300 VO entre avril et juin.

 

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Même discours pour Jean‑Roch Piat. Le patron de BCAuto Europe, qui vient d’achever un premier trimestre dé­calé historique, croit fermement se diriger vers une année record. "Nous avançons sur un rythme de croissance sensible, commente‑t‑il. Nous devrions enchaîner avec un deuxième trimestre dynamique. Rai­son pour laquelle la stratégie repose actuellement davantage sur une course au volume qu’une volonté d’augmenter la marge unitaire."

 

D’une manière générale, les acteurs du remarketing de voitures d’occa­sion se montrent confiants. Pour la plupart, la rentrée devrait bien se passer, selon toute vraisemblance. "Les indicateurs nous forcent à croire que le pire est derrière nous, abonde Pierre Barthelemy, pré­sident de VO 360. Les clients cu­mulent entre 110 et 115 commandes par mois et nous devrions donc rem­plir l’objectif de 1 500 voitures re­vendues en 2024."

 

©Le Journal de l'Automobile

 

Certains émettent plus de réserve. "Face au flou qui entoure la période, je m’abstiens de toute projection", déclare Tristan Rubis, fondateur de la plateforme Entre Marchands Auto. Il préfère se concentrer sur le lancement d’une application destinée à aider les utilisateurs à réaliser des reprises avec un système de cota­tion et de chiffrage sur la base de photos. "Notre application doit trouver un intérêt aux yeux des MRA et des indépendants. En auto­matisant bien des choses sur notre plateforme, nous avons le temps et l’énergie de nous concentrer sur ces professionnels pour leur apporter des réponses", évoque le dirigeant avignonnais.

 

Chez Arval France, Christophe De­livet se veut plus disert. Le direc­teur des actifs automobiles pointe "l’incertitude que fait naître le mar­ché des voitures neuves, dont les prix au catalogue ne cessent de monter, et qui rend tout exercice de projection bien difficile à ce stade". À fin juin, le loueur longue durée avait déjà renvoyé autour de 50 000 voitures vers des professionnels par les différents canaux à sa disposi­tion. "Cette très bonne performance nous permet de baisser globalement les stocks, alors même que les restitu­tions ont bondi au cours des derniers mois", affirme Christophe Delivet.

 

Plus d’offres de véhicules électriques que de demandes

 

Des restitutions qui seront de plus en plus teintées des conditions de marché post-crise sanitaire. Autre­ment dit, des véhicules davantage électrifiés comme le veut la ten­dance de fond et parfois démunis de certains équipements, ainsi que l’avait imposé la phase de pénurie de composants.

 

Pour le directeur des actifs automobiles d’Arval, les véhicules électriques resteront tou­tefois de l’ordre du marginal dans les retours des locations 2024. La poussée interviendra plutôt l’an prochain. Ce qui laisse, assure‑t‑il, encore le temps d’organiser les flux, d’intégrer des outils et de former le personnel, notamment les commerciaux.

 

"Je reste persuadé qu’un PHEV bien utilisé présente un bilan économique et environnemental en faveur du pro­priétaire. Mais cela, il faut savoir l’ex­pliquer pour que le véhicule trouve un acheteur en bout de chaîne", illustre-t-il.

 

D’ailleurs, Arval accélère sur un nouveau type de contrats de loca­tion. Dans une forme de conver­gence des intérêts, le loueur pro­pose de plus en plus de PHEV en deuxième cycle de vie à des TPE/PME. Ces dernières y trouvent un avantage budgétaire d’environ 20 % par rapport aux VN, grâce à un prix d’acquisition moindre et des mécanismes d’optimisation fiscale. 3 000 voitures, dont une majorité de PHEV, auraient ainsi repris la route.

 

Les acheteurs s’adaptent au marché et font preuve de prudence vis‑à‑vis des électriques Christophe Delivet, directeur des actifs automobiles chez Arval France

 

Expérimenté dans le domaine des voitures électriques en fin de cycle, Jean‑Roch Piat rappelle que BCAuto Europe s’est structuré grâce aux pays nordiques, consommateurs de VE. Il confie néanmoins que "maintenant, il faut avoir des retours de LOA ou de leasing dans le panel pour s’aligner avec le marché". À défaut de sta­tistiques précises pour la France, il cite celles de l’Allemagne, soulignant qu’à ce jour, les VE d’occasion re­présentent 8 % de l’offre de la plate­forme de remarketing outre‑Rhin, alors que la demande peine à dépas­ser la barre des 5 %. "Et comme les restitutions se font plus rapidement, il y a un effet d’accélération du temps. Ce qui nous impose un défi, celui de gérer le doublement de l’offre à court terme", expose le président de BCAuto Europe.

 

Nouvel entrant dans la partie avec Oveo, une société aidant les conces­sionnaires à l’optimisation du re­marketing, mais fin connaisseur des ressorts du système, Stanislas Pey­celon rejoint Jean‑Roch Piat dans son analyse sur le manque d’adéqua­tion entre l’offre et la demande. "À l’époque, je travaillais pour Renault, raconte‑t‑il, et après l’affaire du Die­selgate, les constructeurs ont voulu lever le pied sur les motorisations thermiques. Certains des collabora­teurs savaient qu’ils commettaient une erreur, car les consommateurs ne tourneraient pas aussi vite la page des moteurs thermiques."

 

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Et les professionnels de la re­vente de VO le savent aussi. En tous cas, les données adminis­tratives montrent que 88,4 % des 2,693 millions de transactions de voitures d’occasion au premier semestre 2024 concernaient des motorisations thermiques tradi­tionnelles. Alors, certes, les VE (+67,7 % de ventes) et les hybrides (+52,6 % de ventes) ont le vent en poupe, mais dans les faits, leur part de marché dépasse à peine 10 % au cumul. "Raison pour laquelle en dépit de la hausse des recherches pour des VE et des hybrides, en réalité, ce sont les thermiques qui font encore vivre principalement la plateforme", glisse Tristan Rubis. "Les VO diesel tournent rapidement, confirme pour sa part Christophe Delivet, chez Arval. Les acheteurs s’adaptent au marché et font preuve de prudence vis‑à‑vis des électriques, en réponse notamment au contexte fiscal et réglementaire."

 

Entre janvier et juin, un peu moins de 11 500 VE ont été échangés en BtoB en France. C’est 83,6 % de plus que l’an dernier. À titre de comparaison, le même canal a vu passer 33 513 VO à motorisation essence (+23,1 %) et 38 324 VO diesel (‑14,9 %). En ajoutant les 7 691 HEV (+1,8 %) et les 16 707 PHEV (+61,4 %), il ap­paraît clairement que la balance du remarketing VO en BtoB penche encore en faveur des propulsions traditionnelles.

 

À Stellantis, la révolution ?

 

Quoi qu’il en soit, les acteurs ne manquent pas d’imagination. Les initiatives vont bon train. Dans des mouvements que le hasard a voulus des plus synchronisés, BCAuto En­chères et Indicata ont lancé cet été des solutions similaires. Les deux spécialistes du remarketing ont af­firmé, chacun de leur côté, vouloir apporter une réponse aux distribu­teurs qui manquent de visibilité sur les futures valeurs des véhicules.

 

Avec leurs outils respectifs et des pratiques un peu différentes, les deux acteurs du remarketing pro­posent aux distributeurs de partager des informations sur les conditions de vente d’un véhicule neuf afin que les algorithmes estiment des montants de revente sur le marché de l’occasion. Chez Indicata, le sys­tème combine une analyse éditoriale d’indicateurs clés, selon la méthode dite "Steep" (social, technique, éco­logique, économique et politique) et des algorithmes qui pondèrent des effets comme les scandales mé­diatiques, les crises politico‑éco­nomiques ou encore les facelifts. BCAuto Enchères préférant un suivi quasi quotidien de l’évolution.

 

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Mais la principale actualité des der­nières semaines vient de Stellantis. En juillet 2024, le constructeur a lancé Spoticar Trade. Il faut y voir la vo­lonté du groupe, dirigé par Carlos Tavares, de passer à l’échelle supé­rieure en matière de gestion de la recommercialisation des véhicules restitués. En effet, le déploiement de Spoticar Trade débute par toutes les filiales commerciales d’Europe continentale. La première vague concerne donc la France, l’Alle­magne, l’Italie, l’Espagne, le Por­tugal, la Belgique, les Pays‑Bas et l’Autriche. La Pologne suivra dé­but 2025.

 

"À terme, nous souhaitons intégrer également nos importateurs, comme en Suisse", in­dique Xavier Duchemin, vice‑pré­sident de Stellantis en charge des VO. Outre les concessionnaires af­filiés, tous les professionnels y com­pris des distributeurs de marques concurrentes auront accès à la plateforme et pourront formuler des offres. "Nous allons pratiquer tous les modes existants. Il y aura un système d’enchères qui prendra plu­sieurs formes et des achats directs, explique le vice‑président. Nous développons quotidiennement notre savoir‑faire et nous adapterons les méthodes aux cultures des pays."

 

Cela pourrait marquer un tour­nant. Le paysage européen avait davantage l’habitude de voir des constructeurs se rapprocher de spécialistes de l’exercice. Cela a fait le bonheur de BCAuto Europe, de Cars2click ou encore d’Autorola. La démarche de Stellantis est considé­rée comme "logique" par un ob­servateur. "Le volume de voitures à revendre s’envole, ils ont donc be­soin de mieux contrôler les prix et de mieux organiser les flux", ana­lyse‑t‑il. "L’avenir nous dira si Stel­lantis a raison, mais en s’occupant bien plus des acheteurs avec des ser­vices conséquents, ils deviennent des rivaux", rebondit Jean‑Roch Piat.

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