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Distribution

Jean-Roch Piat, BCAuto Europe : "Nous assistons à la tempête presque parfaite"

Publié le 28 août 2024

Par Gredy Raffin
5 min de lecture
Fort de son expérience des cycles automobiles, le président de BCAuto Europe voit dans la situation actuelle un cas exceptionnel. Pour Jean-Roch Piat, les nombreuses révolutions en cours poussent toujours les professionnels de la vente automobile à se réinventer. Des enjeux auxquels la place de marché de voitures d'occasion n'échappe pas non plus.
Jean-Roch Piat BCAuto Europe
Jean-Roch Piat, président de BCAuto Europe. ©Le Journal de l'Automobile-Mélanie Robin

Le Journal de l'Automobile : Quel regard portez-vous sur la teneur du marché en Europe ?

Jean-Roch Piat : Entre les essors conjugués de la location avec option d'achat, des modèles électriques, des marques chinoises et l'augmentation des taux, il y a une succession de mouvements. Nous assistons à la tempête presque parfaite. La période, dangereuse en quelque sorte, provoquera des changements sur le marché des voitures d'occasion.

 

J.A. : Que dénoncez-vous ?

J.-R. P. : Avant, il y avait une complexité qui était simple à intégrer dans les stratégies. Maintenant, tout devient compliqué à lire, à l'instar des systèmes de taxation et d'aide à l'achat.

 

J.A. : Au centre du jeu, il y a souvent les véhicules électriques. Qu'observez-vous de votre fenêtre ?

J.-R. P. : Il y a des pays qui demandent plus de véhicules électriques. C'est notamment le cas du Danemark qui augmente ses importations. Il y a aussi la Roumanie qui, depuis peu, en réclame de plus en plus et l'Ukraine, où un besoin émergent nous invite à investir. L'Est est une nouvelle Europe de 20 pays à couvrir.

 

Nous avons aussi pris le parti d'organiser des ventes thématiques, notamment dédiées aux Tesla

 

J.A. : Considérez-vous BCAuto Europe comme en ordre de marche pour relever ces défis ?

J.-R. P. : Grâce à notre expérience dans le nord de l'Europe, notre entreprise s'est structurée. Les équipes et la logistique sont prêtes. La bataille du VE s'annonce extrêmement difficile. Nous nous devons d'avoir plus de véhicules issus de la LOA ou du leasing sur notre plateforme de remarketing. Les professionnels vont l'exiger afin de pouvoir formuler des offres locatives à leurs clients.

 

J.A. : Le marché est cependant encore timide sur le plan des statistiques ?

J.-R. P. : C'est assez vrai. Je n'ai pas les statistiques françaises en tête, mais nous l'observons sur notre version allemande de la plateforme. Les véhicules électriques y composent 8 % de l'offre, alors que la demande est évaluée à 5 %. À court terme, nous voyons le nombre de VE d'occasion doubler sur la plateforme, sous l'effet des accélérations des restitutions. La demande montera quant à elle à 9 % à peine, à moyen terme.

 

J.A. : Quelle mesure prendre pour éviter le crash ?

J.-R. P. : La réponse est multiple. Dans l'immédiat, nous devons miser sur les pays nordiques et le Portugal pour absorber une partie de l'offre. Un autre chantier plus long consiste à sensibiliser et éduquer nos 24 000 acheteurs européens. Nous avons aussi pris le parti d'organiser des ventes thématiques, notamment dédiées aux Tesla. Elles ont eu le don de faire tomber les frontières : 47 % des VE sont exportés, tout en motivant des ventes locales.

 

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J.A. : Qu'en est-il des marques chinoises ?

J.-R. P. : Leur place chez nous est assez considérable eu égard à leur ancienneté. J'en veux pour preuve que leur pénétration sur notre place de marché avoisine les 2 %, alors que leur part de marché en Europe flirte avec les 3 %. Notre accord avec Lynk&Co entretient cette dynamique. Nous voyons aussi des MG Motor arriver, car un premier cycle se termine et une vague de voitures fait l'objet de reprise.

 

J.A. : Que faut-il avoir en stock pour performer ?

J.-R. P. : Nous allons régulièrement à la rencontre des utilisateurs de notre place de marché pour se faire une idée plus précise. Ils nous demandent des voitures sans défaut pour raccourcir le délai de mise en vente. Mais au fond, l'un des problèmes à résoudre touche au budget des acheteurs. Les banques se méfient de l'automobile et coupent des lignes de crédit. En conséquence, les électriques haut de gamme, à la rotation lente, sont de plus en plus boudées. À la place, les diesel ont tendance à repartir de l'avant, car leur valeur est moins volatile. Nous devons donc réfléchir à des solutions pour aider les distributeurs.

 

Nous orientons nos efforts davantage sur les volumes que sur la marge unitaire

 

J.A. : En juillet dernier, Stellantis a annoncé le lancement de Spoticar Trade, une plateforme BtoB. Comment réagissez-vous à cette initiative ?

J.-R. P. : Ma réflexion portera sur les constructeurs d'une manière générale. Il est facile pour eux d'ajuster leur position en fonction des cycles de pénurie et d'abondance de voitures d'occasion. Dans le cas de Stellantis, l'initiative Sporticar Trade a tout de logique en cette période où les volumes s'envolent. Le VO est comme l'eau, il s'écoule sur les marchés les plus rémunérateurs. Spoticar Trade donne un moyen de contrôler et de vendre plus de services. L'avenir nous dira si l'idée était la meilleure, mais en prenant soin des acheteurs, ils deviennent des rivaux sérieux.

 

J.A. : Quelles sont vos ambitions chez BCAuto Europe dans ce contexte mouvant ?

J.-R. P. : Nous avons un plan pour doubler de taille. Cela passe par la constance et la diversité de l'offre proposée sur la place de marché. Nous pouvons, en plus, nous inspirer de pure-player majeurs du VO à particulier. Ainsi, nous proposerons aux grands groupes de distribution, qui n'arrivent pas à créer des surfaces commerciales suffisantes, d'être livrés au bon moment et d'animer une stratégie.

 

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J.A. : Sous quel signe se place la rentrée de septembre ?

J.-R. P. : L'été a été très actif. Il venait à la suite d'un premier trimestre décalé suffisamment en croissance pour établir un record. Nous serons prudents et confiants pour cette rentrée. BCAuto Europe devrait vivre un bon deuxième trimestre. Nous orientons nos efforts davantage sur les volumes que sur la marge unitaire, afin de signer un exercice historique.

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