Jean-Claude Puerto (Ucar) et Carlos Gomes (Cosmobilis) : "L'expertise de la location courte durée est essentielle"
Journal de l'automobile : Jean-Claude Puerto, quelles ont été les motivations qui vous ont poussé à céder votre entreprise Ucar ?
Jean-Claude Puerto : Je suis à un âge où il est important de pourvoir assurer la pérennité de l'entreprise. C’est aussi une rencontre avec Jean-Louis Mosca (NDLR : président de Cosmobilis). Nous nous sommes rendus compte que nous avions la même perception de l’évolution de la mobilité. Nous avons eu la conviction que nous pourrions aller plus vite ensemble.
J.A. : Carlos Gomes, que va vous apporter Ucar et comment ce rachat va venir compléter l’offre de Cosmobilis ?
Carlos Gomes : Nous sommes dans le cadre d’un changement majeur de marché de l’automobile, de la mobilité et nous cherchons à diversifier notre business. Nous sommes partis d’un groupe de distribution performant (BYmyCAR) mais notre vison est que la diversification vers la mobilité était nécessaire. Depuis deux ans, nous l'avons décidé. Et d'ailleurs, nous l'avons annoncé avec d'autres axes de développement comme l’internationalisation. Mais sur ce point, ma vision n’est pas celle de devenir un agrégateur mais bien un opérateur, de construire des offres. Et pour cela, dès le départ, il était très clair pour nous qu’il nous fallait une brique d’une société unissant la connaissance et l’expertise de la location de courte durée. C’est à partir de là que nous pourrons construire les offres de la mobilité du futur. C’était très clair pour nous. Et c'est la raison pour laquelle nous avons toujours opté pour une acquisition et non par un développement en interne. Nous aurions pu le faire. Mais obtenir cette expertise nous aurait demandé beaucoup plus de temps. Et nous sommes dans un marché avec des règles très particulières, qui bouge très vite. Et nous souhaitons être plutôt en tête de ce mouvement. Et c’est la raison pour laquelle nous avons jugé que cette partie du business était plus fondamentale que d’autres. De plus, Ucar est une entreprise très particulière. Elle connait des succès qui nous ont fait dire que c’était la bonne réponse pour nous et au bon moment.
J.A. : Est-ce que cela veut dire que la mobilité sous forme d’abonnement, ou avec de plus en plus de flexibilité, ne peut être maîtrisée que par des loueurs de courte durée ?
J-C. P. : Si la flexibilité est une valeur importante, le savoir-faire d’un loueur de courte de durée est indispensable. Quand un client décide de ramener la voiture au bout de 3 ou 4 mois, le coût pour l'opérateur est très élevé. Si on ne maitrise pas ce savoir-faire, cela remet en question l’intérêt des offres flex.
J.A. : Cela veut-il dire que la manière dont vous allez réorienter les offres de financement et de mobilité vont se faire à l’aune de la LCD ?
C.G. : Qui peut le plus peut le moins et comme le dit Jean-Claude, le plus difficile dans notre profession, c’est la location d’une voiture sur 24 heures. A trois ans, le système est très simple. On met la voiture dans la rue, avec un financement. Le client passe trois fois dans l’atelier et tout va bien. En revanche, la gestion pratiquée par les équipes d’Ucar est l’activité la plus complexe. Donc Ucar est la clé de voûte de nos offres de mobilité de demain. C’est à partir de là que nous allons construire. Car c’est l’expertise la plus complète, la plus robuste, la plus intégrale pour pouvoir se permettre cette évolution.
J.A. : Comment allez-vous exploiter le savoir-faire d’Ucar, au niveau des concessions BYmyCAR ?
J-C. P. : Des concessions BYmyCAR sont déjà équipées dans le cadre de programme pour lequel nous intervenons pour des constructeurs. Et donc nous poursuivons le travail avec la discipline du constructeur sans changement. Sur les autres concessions, nous réfléchissons avec les équipes sur la meilleure manière d’intégrer l'offre Ucar. Cela peut être l’installation d’un corner ou tout simplement un cobranding. En réalité, le nouveau consommateur veut du One-stop shopping et cherche un acteur qui va pouvoir résoudre l’ensemble de ses problèmes. Nous avons besoin des savoir-faire de la concession, du financement, de la location courte durée, de l’assureur... pour créer ces offres. Derrière se pose la question de la marque mais nous nous donnons quelques jours pour répondre à cette question.
C.G. : C’est un point important. Tout d’abord, je tiens à repréciser que ce n'est pas BYmyCAR qui rachète Ucar mais bien Cosmobilis. Car pour notre activité de distribution automobile, nous fonctionnons avec les règles du jeu que chaque constructeur nous impose, comme tous les autres distributeurs d’ailleurs. Il faut que cela soit très clair et cela ne peut pas être différent. Il n’y aura pas de mélange des genres. Mais notre groupe Cosmobilis se diversifie. Nous ne sommes pas qu’un groupe de franchise de marque. Nous avons d’autres activités et la mobilité en fait partie.
J.A. : Ucar s'est positionné depuis plusieurs années déjà sur les valeurs de l'autopartage. Est-ce une position qui va se poursuivre ?
J-C. P. : Nous nous sommes "associés" sur des valeurs communes, celles d’une automobile respectueuse de l’environnement et socialement accessible. Nous sommes tous très sensibles à ce qui est en train de se passer dans les ZFE (Zones à faibles émissions). Près de 12 millions de voitures vont être empêchées de pénétrer dans ces zones. Or, nous aimons l’automobile et nous supportons mal la manière dont elle est parfois traitée. Même si nous sommes conscients qu’il faut apporter des solutions nouvelles pour redorer le blason de la voiture dans la cité. Et évidemment le partage va jouer un rôle important dans cette redistribution des cartes. C’est une partie complexe, car ce qui est difficile, ce n’est pas de partager une voiture mais bien de la partager en toute sécurité. Nous allons développer avec acharnement le partage dans nos offres.
C.G. : Dans ce monde, qui change plus rapidement que prévu, et qui n’est plus black and white, toutes les transformations sont en train de s’accélérer, y compris celles qui sont imposées par la règlementation et qui font que les voitures ne seront plus accessibles à tout le monde. L’idée même de la mobilité populaire, qui était en vigueur dans les années 60 à la genèse de la Fiat 500, de la 2CV, de la 4L, où tout le monde voyageait en voiture, n’est plus possible. La voiture neuve ne sera plus accessible à tout le monde, puisque son coût, par les effets induits du changement de motorisation, de CO2, de la connectivité, des systèmes de sécurité va augmenter. Nous sommes à l’évidence obligés de trouver des solutions pour qu’une partie de la population puisse continuer à garder sa mobilité. Pour cela, il faut faire différemment et trouver des réponses concrètes, pragmatiques, rapides pour ces personnes qui ne pourront plus se déplacer. Le partage de la voiture sera une très belle réponse si toutefois, celui-ci peut se faire en toute sécurité. Mais il y aura aussi d'autres réponses, différentes en fonction de la région. L’Europe sera le terrain privilégié de cette nouvelle mobilité.
J.A. : Le financement est un axe essentiel de la mobilité. Quel sera votre partenaire? Le Crédit Agricole qui est monté au capital de Cosmobilis à la fin de l'année 2021 ?
C.G. : Une fois le calendrier d’intégration d’Ucar réalisé, nous aurons à cœur de mettre en œuvre un plan d’action dans les 90 jours. Les thèmes du financement font parties intégrantes de ce plan et évidemment, le montage a pu se réaliser car nous avions plusieurs cordes à notre arc, pour porter les actifs et permettre une opération d’échelle. Le Crédit Agricole est un actionnaire stratégique et il aura son mot à dire. Mais c’est dans le cadre de notre gouvernance et tout est ouvert à ce stade.
J.A. : Votre offre de mobilité s'abrite sous le nom de Goa. Intégrez-vous sous ce pilier votre activité dédiée aux flottes d'entreprises, appelée Fleetway ?
C.G. : Nous n'avons pas encore communiqué sur l'intégralité de notre dispositif. Les choses viendront en leur temps mais Fleetway est un business à part entière puisque c’est un courtier qui s’adresse aux PME. C’est une entité qui travaille avec les opérateurs pour proposer la meilleure solution (en termes de financement et de modèle de véhicule) avec des commerciaux sur le terrain. Goa, de son côté, est une marque de mobilité que nous avons créée, qui se veut européenne, voire mondiale et qui pose nos offres d'abonnements. Mais il faut encore un peu de patience pour en savoir plus.
J.A. : Quel sera le développement du réseau Ucar dans le giron de Cosmobilis ?
J-C. P. : Le plan de développement, tel que prévu par Ucar et présenté à la Bourse, est complètement validé dans nos travaux de pré-accords avec Cosmobilis. Mais notre option est d'accélérer ce développement.
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