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Distribution

Jaguar Land Rover : en route vers la transformation

Publié le 16 octobre 2023

Par Christophe Bourgeois
7 min de lecture
Si les distributeurs Jaguar Land Rover ont connu une belle rentabilité en 2022, ils s’avèrent assez inquiets pour les années à venir. En cause notamment, la baisse de leurs marges unitaires, la politique commerciale du constructeur et la réduction du nombre d’investisseurs.
Jaguar Land Rover
Le réseau Jaguar Land Rover a vu ses marges divisées par deux. ©AdobeStock

Contrat d’agent chez Jaguar, diminution importante des marges unitaires chez Land Rover, réduction des points de vente, autant de sujets qui ont quelque peu perturbé les relations entre le constructeur et son réseau. Mais un semestre plus tard, la situation semble s’être apaisée. Du moins en partie.

 

Il faut dire que le réseau a réalisé de belles performances. Il a enregis­tré une rentabilité de 2,1 % en 2022, en progression de 0,5 point, contre seulement 0,5 % en 2020. Et ce, en dépit d’immatriculations en chute libre.

 

En 2022, Land Rover n’a mis à la route que 4 372 voitures, en baisse de 28,1 %, dans un marché toutes marques confondues en contraction lui-même de 7,8 %. Et chez Jaguar, cela n’a guère été mieux. Les immatriculations ont atteint péniblement les 1 093 unités, également en forte baisse de 36,4 %.

 

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Bref, des résultats très éloignés des ambitions initiales de 8 500 voitures voulues par la filiale française. "Dans un contexte de pénu­rie de semi-conducteurs, il s’agissait d’un volume inatteignable", glisse le réseau. "Nous avons manqué de produits, reconnaît Philippe Robbrecht, pré­sident et directeur exécutif de Jaguar Land Rover France. Mais aujourd’hui, les usines ont quasiment retrouvé leur volume d’avant crise, ainsi que leur mix de production, ce qui nous permet de répondre, du moins en partie, à la forte demande pour le Defender et le Range Rover Sport."

 

Deux modèles qui sé­duisent les clients français. La filiale tricolore est d’ailleurs très confiante sur la carrière commerciale du De­fender. "Sur la précédente génération, nous en vendions environ 500 par an avec un panier moyen de quelque 50 000 euros. Avec le modèle actuel, nous prévoyons d’en commercialiser 1 500 par an avec un panier moyen compris entre 60 000 et 80 000 euros", poursuit-il.

 

Panier moyen en hausse

 

Car à l’instar de la politique tarifaire du Defender, Land Rover connaît une forte augmentation du panier moyen. "Avant le Covid, il était chez nos concessionnaires de 60 000 euros, présente Philippe Robbrecht. Conséquence du déploiement de notre plan stratégique Reimagine lancé en 2021 (lire l’encadré ci‑dessous), il est aujourd’hui de 85 000 euros sur l’en­semble de notre portfolio."

 

Cette forte montée en gamme s’ac­compagne d’une nouvelle politique de marques chez Land Rover. "Nous mettons en place des maisons de marque, explique Philippe Robbrecht. Cohabitent ainsi en silo Range Rover (qui regroupe actuellement les modèles Range Rover, Range Rover Sport, Ve­lar et Evoque), Defender et enfin Dis­covery (avec Discovery et Discovery Sport)."

 

Une lecture qui peut paraître confuse au premier abord mais qui trouve son origine dans la notoriété des produits. "Lorsque nous faisons des études auprès de nos clients, ces derniers s’identifient très fortement à leur modèle, plus qu’à la marque Land Rover, notamment les possesseurs de Defender et de Range Rover", sou­ligne le dirigeant.

 

Une stratégie dans laquelle le réseau peine à s’y retrou­ver. Surtout avec la clientèle du Dis­covery ou de l’Evoque, plus éloignée de celle traditionnelle du Range ou du "Def’". "Avec l’Evoque (qui, fin août, représentait la deuxième vente de la marque, NDLR), nous sommes ici sur une clientèle premium et clai­rement pas sur le luxe", glisse un concessionnaire. Les clients ne sont pas sensibles à cette approche par marque, observe un autre opérateur.

 

Baisse des marges

 

Au-delà de cette démarche marke­ting qui laisse donc songeurs certains investisseurs, la politique de la ré­munération n’est toujours pas passée auprès des concessionnaires. "La marge totale, fixe et variable, a été divisée par deux, lâche un distributeur, soit de 15 à 7,5 %." Et malgré les nombreuses protestations du re­groupement des concessionnaires européens, le constructeur est resté droit dans ses bottes.

 

La raison d’une telle stratégie ? Le prix fixe, sans re­mise, à l’instar de ce qui existe sous le contrat d’agent commissionnaire bien que Land Rover soit toujours sous contrat de concessionnaire. "La dif­férence entre le premium et le luxe est la remise, glisse un distributeur. Vous ne négociez pas un produit de luxe." Encore faut-il que le client perçoive que le produit acheté est un produit de luxe.

 

"En contrepartie, nous avons réduit une partie de leurs charges", tient à rappeler Philippe Robbrecht. Le constructeur prend, en effet, en charge le portage des stocks, la digi­talisation du parcours client, ainsi que le marketing afin que la relation entre la marque et le client soit uniforme et cohérente dans tout le réseau.

 

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Les événements Range Rover House en sont le parfait exemple. "En par­tenariat avec les concessionnaires, nous avons invité des clients et prospects à vivre une expérience inédite dans un univers doté des codes du luxe, ex­plique Philippe Robbrecht. L’objectif est de renforcer le lien avec nos clients et d’inscrire la marque dans ces nouveaux codes."

 

Autre source de chagrin, la volonté de réduire le nombre d’investisseurs. Actuellement, le réseau français est composé de 71 points de vente déte­nus par 34 investisseurs. "Nous avons effectivement pour ambition de réduire le nombre d’investisseurs dans le but de leur donner les moyens de proposer une meilleure qualité de service en adé­quation avec notre nouvelle image", précise Philippe Robbrecht.

 

Et d’ajou­ter : "Dans cette stratégie, nous allons effectivement quitter certains territoires et je comprends que cela inquiète notre réseau, mais nous vivons actuellement une période de transition et comme toute période, elle peut s’avérer difficile pour certains." D’autant plus que cette refonte du réseau s’accompagne d’un autre changement. À partir de 2025, Jaguar se positionnera comme une marque de l’ultraluxe, à l’instar de Bentley, et sera 100 % électrique. Pour accompagner cette transformation, Jaguar passera sous contrat d’agent.

 

En attente de résultat

 

"En ce moment, c’est un peu ˝wait and see", résume l’un des distributeurs à propos de toutes ces transformations. "Nous avons effectivement connu une bonne rentabilité, mais qui a été calculée selon les anciennes marges", rappelle un distributeur. "Et avec le redémarrage des outils de production et les stocks qui ont tendance de nou­veau à augmenter, quelle va être la si­tuation dans les semestres à venir ?", questionne un autre.

 

"Land Rover joue une partition difficile, poursuit un troisième. Nous avons un énorme tra­vail à faire auprès de nos clients pour les faire changer d’univers, passer du pre­mium au luxe." Si le réseau est assez confiant sur les produits, il reste plus prudent sur la fiabilité, "bien que cela se soit grandement amélioré", recon­naissent les distributeurs et surtout concernant l’après-vente.

 

Un message qui semble avoir été en­tendu par le constructeur. "Mes ob­jectifs sont simples : travailler avec un réseau rentable et avoir une clientèle satisfaite de nos produits et de nos ser­vices", résume Philippe Robbrecht. Les distributeurs et les clients vont‑ils suivre cette profonde transformation voulue par le constructeur ?

 

 


Plan Reimagine : vers le luxe et au-delà

 

En 2021, alors sous la direction de son ancien dirigeant, Thierry Bolloré, Jaguar Land Rover présente sa nouvelle stratégie de développement Reimagine. Dans les grandes lignes, ce plan prévoit de modifier le positionnement des deux marques avec Land Rover non plus dans l’univers haut de gamme, mais celui du luxe. De son côté, Jaguar sera 100 % électrique à partir de 2025 et monte d’un cran pour concurrencer Bentley. Dans le détail, Land Rover doit ac­cueillir d’ici 2026 six nouveaux modèles 100 % électriques et "affirmer sa position de leader sur le marché mondial des SUV de luxe". Ce plan produits s’accompagne notamment d'investissements dans le développement d’une pile à combustible et surtout d’"une structure rationalisée au service d’une plus grande agilité et d’une meilleure efficacité opérationnelle".

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