...des réseaux s'accommodent tant bien que mal de la situation actuelle.
Lors d'un précédent reportage de l'autre côté des Pyrénées, nous avions regardé comment les grands réseaux de distribution espagnols se préparaient à l'important rendez-vous d'octobre 2003. Force est de constater que, plusieurs mois plus tard, le statu quo est de mise. La "concentration à vitesse accélérée" annoncée par Juan Arevalo, ancien directeur (remplacé par Javier Rodriguez Heredia) de la Faconauto, association des concessionnaires espagnols, n'a eu lieu qu'à doses homéopathiques. Néanmoins, les filiales des marques françaises et de certains autres généralistes ont pris les devants pour reprendre en Espagne les méthodes appliquées dans l'Hexagone. Mais si certaines caractéristiques se rapprochent des nôtres, il reste encore beaucoup à faire. Après une année 2001 record (1,436 million d'unités), le marché VP 2002 a subi un net coup d'arrêt, enregistrant une baisse de - 6,5 %, à 1,331 million d'unités.
Un marché espagnol, dominé par les Français et Seat, qui reste un paradis pour les constructeurs
C'est devenu une vieille habitude, une nouvelle fois les constructeurs français
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Rentabilité des concessionnaires espagnols
272 En millions d'euros, les bénéfices réalisés par l'ensemble des concessionnaires espagnols sur l'année 2002, un chiffre en recul de 34,28 % par rapport à l'année précédente. Les bénéfices avaient, en effet, atteint la somme totale de 413 millions d'euros.
1,3 % La rentabilité moyenne avant impôts des réseaux espagnols en 2002. Une année auparavant, cette rentabilité moyenne des concessionnaires espagnols était de 1,9%. > |
ont outrageusement dominé le marché espagnol. Pour Renault (168 072 immatriculations), se retrouver en tête en Espagne est tout sauf un hasard. Depuis plus de vingt ans, la marque française domine la hiérarchie, position que seul Ford est venu lui contester, une unique fois, en 1995. Les seconde et troisième marches du podium sont occupées par Citroën et Peugeot (respectivement 148 300 et 146 500 immatriculations). Enfin, Seat, régional de l'étape, se retrouve régulièrement bien placé (quatrième constructeur avec 143 420 immatriculations) dans un classement où les grandes marques généralistes, excepté Renault au-dessus du lot, se retrouvent dans un mouchoir de poche du deuxième au septième rang. Quant aux prévisions concernant l'année 2003, elles ne sont guère encourageantes. La Faconauto table sur un marché VP en recul de 4,17 %, à 1,28 million d'unités, un des plus bas niveaux qu'ait connu l'automobile espagnole depuis des années. De son côté, l'Aniacam (association espagnole regroupant les importateurs d'automobiles) est encore plus pessimiste puisqu'elle prévoit une baisse des immatriculations de 5 %.
"Les chiffres du marché espagnol sont gonflés en raison des immatriculations sur parc pratiquées par certaines marques, mais aussi à cause des activités de leasing et du secteur de la location qui faussent les données", avait déclaré
German Lopez Madrid, président de l'Aniacam, au printemps dernier, ce qui avait provoqué un certain malaise alors que le nouveau règlement européen occupait déjà tous les esprits. Après une pauvre année 2002, le triste panorama qui s'annonce cette année ne donne guère d'occasions aux réseaux de concessionnaires espagnols de se réjouir. Les différents réseaux ont dû jongler entre les faibles performances et la mise en place des nouveaux contrats européens.
Les réseaux espagnols fragilisés avant le mois d'octobre
La concentration du marché a non seulement affecté les chiffres d'affaires, mais aussi la rentabilité
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Emploi en Espagne
115 557 c'est le nombre de personnes travaillant dans les réseaux primaires
29 532 c'est le nombre d'employés des réseaux primaires en charge de l'activité VN
45 030 c'est le nombre de personnes travaillant dans les réseaux secondaires
Source : Faconauto |
moyenne des concessionnaires. Celle-ci, qui était de 1,9 % en 2001, est tombée un an plus tard à 1,3 %.
"La perte de rentabilité est la conséquence de la concurrence toujours plus élevée, de la pression de l'offre et des stocks accumulés par un marché en récession, mais également de la réduction, d'un point en moyenne, des marges opérationnelles des concessionnaires", s'est inquiétée la Faconauto. Quant au chiffre d'affaires global réalisé par les concessionnaires espagnols, il a atteint, au cours de l'année 2002, 20 793 millions d'euros. Les bénéfices des concessionnaires atteignent un total de 271,583 millions d'euros, loin derrière ceux réalisés un an auparavant (- 34,28 %) qui étaient de 413, 255 millions d'euros. Une chute des bénéfices qui arrive au moment même où le secteur se prépare à appliquer le nouveau règlement européen. En d'autres termes, les concessionnaires sont à la veille d'une nouvelle ère, fragilisés aussi bien par la mauvaise santé de l'économie que par les restructurations orchestrées par les différents constructeurs.
Des inquiétudes concernant l'avenir de nombreux concessionnaires espagnols
Ces dernières années ont laissé apparaître la relative vulnérabilité des réseaux. Le secteur s'en trouve particulièrement touché : en 2002, 62 concessionnaires et 1 048 agents, soit 11,7 % du total, ont fermé leur porte. En 2001, il y avait déjà eu le départ de 139 concessionnaires. "Il est évident que toutes ces fermetures ne sont pas forcément dues au nouveau règlement européen, mais celui-ci y est pour beaucoup", explique Juan Antonio Sanchez Torres, président de la Ganvam (voir entretien). Des chiffres qui pourraient augmenter cette année encore. L'inquiétude est si grande et le mystère autour du nouveau règlement européen si opaque que, comme certaines autres autorités, la Faconauto affirme que "40 % des concessionnaires espagnols ne savent pas encore de quoi leur avenir sera fait". La Faconauto lance d'ailleurs une pierre dans le jardin des constructeurs : "La plupart d'entre eux annoncent ici et là qu'ils comptent sur tout le monde tout en ajoutant une liste de standards dont l'application représente un investissement minimum de 300 000 euros pour un concessionnaire. Il est clair que certains ne pourront pas réunir cette somme vu le contexte économique actuel." Il n'est alors pas étonnant que les politiques de filialisation soient devenues courantes ces derniers mois de l'autre côté des Pyrénées. De 143 filiales opérationnelles en 2001, les constructeurs sont passés à 217 à travers toute l'Espagne. Parmi les adeptes de cette politique, retenons notamment Volkswagen et Audi qui ont respectivement ouvert 20 et 11 filiales en 2002 alors que ces deux marques n'en possédaient aucune l'année précédente. Entre 2002 et 2003, certains réseaux ont appliqué plus que d'autres le processus de concentration, à la manière de ce qui s'était passé en France ces dernières années. Ainsi, le réseau Renault a vu, en l'espace de deux ans, le départ de 60 de ses concessionnaires.
Des réseaux aux politiques différentes
Avec 106 opérateurs en Espagne, le réseau obtient aujourd'hui, loin devant tous les autres, le meilleur ratio immatriculations/concession du pays avec 1 585,88 véhicules neufs commercialisés par site.
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L'Eldorado de la production automobile
L'autre grande particularité du paysage automobile espagnol reste la multiplicité de sa production. Pas moins de onze constructeurs différents ont choisi l'Espagne pour y localiser des sites de production. En 2002, la production totale espagnole a atteint 2 855 239 unités dont 81,5 % ont été exportées (soit 2 327 199 véhicules). |
Le réseau Nissan s'est également concentré en passant de 141 à 109 opérateurs. Ford fait aussi partie de ceux qui ont réduit les opérateurs du réseau primaire (- 12). En revanche, son réseau secondaire est passé de 677 à 1 305 agents, devançant les réseaux secondaires des marques Renault (899) et Citroën (1 025). D'autres en ont aujourd'hui terminé avec la mise en place de leurs réseaux : c'est le cas notamment de Volkswagen, Peugeot ou Citroën, qui n'ont pas ou peu connu de résiliations au sein de leur réseau. Magda Salarich, directrice de Citroën Espagne, expliquait récemment :
"Nous ne prévoyons ni d'augmenter ni d'accroître notre réseau, mais seulement de nous approcher du niveau moyen de 1 000 VN/concession." En ce qui concerne Seat,
Juan Baselga Calvo, directeur de Seat Espagne, nous confiait lors du dernier Salon de Barcelone :
"Notre réseau est composé de 182 investisseurs pour près de 600 points de vente, tous exclusifs, et dont toutes les concessions respectent les nouvelles normes visuelles. Nous sommes en place et nous nous attelons désormais à améliorer la rentabilité du réseau, ce qui est aujourd'hui notre priorité." Si pour les grandes marques généralistes qui dominent le marché espagnol l'heure est à la concentration ou au statu quo, d'autres ont, en revanche, choisi le chemin inverse. Fiat, qui a connu les mêmes périodes troubles en Espagne qu'en France, avec une part de marché aujourd'hui à 3,04 %, a décidé de reconquérir le territoire perdu en nommant de nouveaux opérateurs. Actuellement composé de 96 investisseurs, le réseau Fiat devrait en compter 120 d'ici la fin de l'année. Un chiffre qui pourrait passer à 140 en 2004 pour finalement atteindre 160 à l'horizon 2005, comme l'a récemment indiqué
José Ramón Soriano, administrateur délégué de Fiat Auto Espagne. De son côté, le réseau Chrysler va intégrer DaimlerChrysler Espagne. Jusque là, la marque était importée par le groupe Bergé. Ainsi 60 des 71 concessionnaires (85 % du volume de la marque) qui constituent le réseau Chrysler intégreront-ils un nouveau réseau au cours d'une période de transition qui devrait s'étendre jusqu'en 2004.
Une tension palpable entre les réseaux et les constructeurs
On l'aura compris, rien n'est encore figé chez notre voisin espagnol. Avant l'été, Joan Pla, P-dg de Quadis, premier groupe de distribution en Espagne (35 000 VN), affirmait que "90 % des contrats de concessionnaire sont toujours sans signatures", reflétant ainsi l'esprit de confusion qui règne en Espagne. Une confusion qui amène aussi une certaine tension. A quelques jours de la mise en application du nouveau règlement, la Faconauto a menacé les constructeurs automobiles de dénoncer les contrats, jugés irréguliers, devant la direction générale de la concurrence espagnole. L'organisation syndicale estime que "les constructeurs abusent de leur position dominante. Ainsi, 86 % d'entre eux ont résilié les contrats de distribution, arguant de la nécessité de les adapter à la nouvelle réglementation. Or, leur souci était de ne pas perdre le contrôle de cette distribution". D'après Faconauto, 45 marques sur 50 ont outrepassé les grandes lignes du règlement. Pour l'instant, seules des marques comme Citroën, Honda, Toyota Mercedes et BMW en ont terminé avec leur réseau et sont aujourd'hui prêtes. La nécessité d'un véritable dialogue entre représentants des réseaux et constructeurs s'impose désormais. Tout reste à faire.
Tanguy Merrien
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Les grands groupes espagnols
Nous n'avons pu nous procurer une liste où figurent les grands groupes de distribution espagnols avec leurs volumes de ventes et chiffres d'affaires. Des informations à "caractère confidentiel" en Espagne, nous a-t-on dit. Néanmoins, Ferdinand Fellner, président de Mitsubishi France mais aussi Espagne, nous a confiés : "Il n'existe pas de groupes de distribution aussi importants qu'en France. Leurs tailles ne sont pas comparables. Le premier de la hiérarchie, le groupe Quadis, commercialise 35 000 VN par an autour de Barcelone. Le deuxième, le groupe Sanchez, ne distribue que 15 000 VN à Séville." Pour Renault, la première marque distribuée, les grands opérateurs ne dépassent pas les 10 000 VN : Easa (filiale à Madrid, 10 000 VN), Auser Concept (Barcelone, 6 500 VN), Dibauto (Baléares, 4 400 VN), Gaursa (Bilbao, 4 000 VN), Eacasa (filiale Barcelone, 3 400 VN). |