“Ecrire une nouvelle histoire pour le groupe Bernard”
JA : Pourquoi cette ouverture de capital ?
JPB : Depuis quelques années, je cherchais une solution pour pérenniser le groupe. Je n’ai aucune intention de me retirer. Mais l’investissement d’un partenaire financier partageant nos valeurs nous était indispensable pour nous ouvrir de nouvelles perspectives et écrire une nouvelle histoire pour le groupe. C’est le message que j’ai fait suivre à mes collaborateurs. Aujourd’hui, nous avons environ 2 400 employés. Ils sont dans le groupe parce qu’ils ont confiance en notre stratégie.
JA : Aucune intention de vous retirer…
JPB : Pas du tout. Disons que mes enfants ne se destinent pas forcément à reprendre la main et que, moi-même, ne suis pas en position de confier le bébé. Ce n’était ni un impératif, ni une contrainte financière. Mais, si j’étais constructeur, j’hésiterais à donner plus de responsabilités à un distributeur qui vient de passer la soixantaine. Je suis un passionné et depuis plus de trente ans que je dirige le groupe, j’ai toujours cherché à construire quelque chose. J’ai eu beaucoup de projets. Certains ont réussi. D’autres non. Cette ouverture de capital est vraiment l’opportunité d’étendre nos possibles. Je suis assez excité par ce que nous sommes en train de réaliser.
JA : Par le passé, vous avez déjà procédé à des ouvertures du capital…
JPB : Tout à fait. Mais c’était dans le cadre de restructuration et jamais plus de 16 ou 17 %. J’ai d’ailleurs racheté l’ensemble des titres en 2010. Une fois que l’entrée d’Alcopa sera validée, après accords de la DGCCRF, de Bruxelles, mais également des autorités polonaises, pays dans lequel nos deux groupes sont présents, il n’y aura que deux actionnaires.
JA : Sous quelle forme cette ouverture de capital est-elle réalisée ?
JPB : Ce n’est pas une prise de participations croisées. Le groupe Alcopa va prendre 34 % du capital du groupe Bernard pour partie par une cession de titre, puis par une augmentation du capital de 16 millions d’euros. C’est impactant. Cela nous donne clairement les moyens de nous engager dans une stratégie offensive.
"L’idée est de devenir une alternative à PGA Motors"
JA : Pouvez-vous nous en dire plus sur le groupe Alcopa ?
JPB : C’est une société avec une gouvernance familiale. Ce qui m’importait. Si la famille Moorkens, propriétaire du groupe Alcopa, et nous, nous sommes rapprochés, c’est d’ailleurs parce que nous partageons un certain nombre de valeurs. Ils sont basés à Anvers et présents dans l’importation d’automobiles, via leur filiale Alcadis qui traite plus de 70 000 véhicules par an entre la Belgique, le Luxembourg, la Suisse, les Pays-Bas, l’Allemagne et la Pologne. Leur filiale Modis gère une activité “distribution” qui pèse 25 000 VN par an. Ils sont par ailleurs impliqués dans l’importation de deux roues en Europe et en Afrique du Sud, dans l’immobilier, puis dans le mobilier de bureau.
JA : C’est donc la rencontre de deux poids lourds de la distribution européenne…
JPB : Le groupe Alcopa, qui compte 2 500 employés, prévoit un chiffre d’affaires de 1,6 milliard d’euros pour 2012. Mais c’est aussi un groupe très bien capitalisé avec des fonds propres d’environ 600 millions d’euros. Le groupe Bernard a quant à lui vendu 33 350 VN en 2010 et enregistré un chiffre d’affaires d’environ 1 milliard d’euros. Ce n’est donc pas anodin. Mais l’essentiel est que nous partagions la même vision. J’ai connu Dominique Moorkens il y a quatre ans parce que, déjà à l’époque, je souhaitais adopter une stratégie européenne du type PGA Motors.
JA : C’est donc vers le modèle PGA que vous souhaitez tendre ?
JPB : Je suis admiratif de ce qu’a fait Pierre Guénant, du développement de Christian Klingler et du travail de Claude Fréret. Ce sont des gens brillants. Pour nous, en effet, l’idée est de devenir une alternative à PGA Motors. Je pense qu’aujourd’hui, un constructeur ne peut être qu’intéressé par le profil de notre groupe.
JA : Ce rapprochement implique-t-il des évolutions dans votre organisation ?
JPB : Modis sera présent au Conseil d’Administration du groupe Bernard avec trois sièges sur les 8 qui composent le CA. Il s’agit de Frédéric Heymans, membre du CA d’Alcopa, Benoît Dejean, CFO de Modis, puis de Jean-Pierre Laurent, administrateur indépendant. Une personne de qualité qui a assuré la transformation des succursales Renault avant de quitter le constructeur en décembre dernier. Ce rapprochement est aussi une histoire d’homme. Le groupe Alcopa est dirigé par François Hinfray, ancien directeur du commerce Monde de Renault. Ce sont des personnes que je connais de longue date et qui vont nous aider à définir une vraie stratégie de développement.
"L’objectif est de nous développer en France"
JA : Dans les faits, qu’est-ce que cela va changer au niveau opérationnel?
JPB : Le groupe Bernard devient la “Business Unit” de Modis, la filiale Retail du groupe Alcopa. Modis n’a donc pas vocation de faire des acquisitions de distributeurs en France. En revanche, le groupe Bernard, oui. C’est même le but de la manœuvre. L’objectif pour nous est, en effet, de nous développer en France. Il est un peu tôt pour en parler, mais nous avons aujourd’hui les capacités de réaliser quelques rachats.
JA : Quels seront les terrains de jeux de Modis et du groupe Bernard ?
JPB : Je ne suis plus dans l’état d’esprit de contrôler la zone Rhône-Alpes-Bourgogne-Franche-Comté sur laquelle nous officions aujourd’hui. Disons que notre nouvelle logique géographique est de nous étendre sur toute la frontière Est de l’Hexagone. De la Suisse à la Belgique, en passant par l’Allemagne et le Luxembourg.
JA : Ces évolutions bougeront-elles les lignes au niveau de votre portefeuille de marque ?
JPB : J’ai de très bonnes relations avec les marques. On peut imaginer être sollicités par d’autres que je ne représente pas encore aujourd’hui. Dans les mois et années qui viennent, les schémas qui existent aujourd’hui risquent d’être contrariés. La structure n’a rien de figé. Ce ne sont pas les opportunités qui vont manquer. C’est même plutôt l’excès d’opportunités qui pourrait nous poser problème.
JA : Quels sont les premiers retours des constructeurs que vous représentez ?
JPB : Les constructeurs sont agréablement surpris. La plupart ne s’y attendaient pas. Ils savent que nous sommes plus que jamais prêts à passer cette période délicate, mais également de nous inscrire dans la durée. Car au-delà de ça, nous nous positionnons clairement, et à juste raison, comme une vraie force de proposition.
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