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Distribution

Décollage raté pour le VO

Publié le 29 septembre 2011

Par Benoît Landré
7 min de lecture
Déjà instable depuis janvier, le marché de l’occasion affiche depuis le mois de juin des performances ralenties. Annoncé florissant en début d’année, il a attaqué le second semestre avec un visage plutôt moribond. Des incertitudes structurelles mais aussi conjoncturelles demeurent. Dès lors, l’atterrissage s’annonce compliqué.
Les groupes qui disposent d’une forte trésorerie parviennent à tirer leur épingle du jeu dans cette bataille des approvisionnements.

Les belles promesses du marché de l’occasion se sont-elles déjà envolées ? On l’attendait conquérant face à un marché du VN en perte logique de vitesse. 2011 année VO, soufflaient de nombreux interlocuteurs. Les prévisions tablaient sur une hausse de 3 à 5 %. Les constructeurs, les organismes de financement ou encore les garantisseurs étaient d’attaque pour surfer sur cette embellie tant attendue. Après huit mois d’activité et l’entame de ce dernier virage de l’année, force est de constater que les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes.

La faute à qui, à quoi ? Aux produits, insuffisants, conséquence logique de l’assainissement massif des constructeurs et des loueurs face à la crise, qui ne permettent pas de répondre à la demande qui, elle, semble se maintenir. “Nous nous étions basés sur un marché en hausse de 3 % en janvier. Nos ventes affichent une belle progression sur le segment des véhicules d’occasion de un à deux ans, mais nous nous attendions cependant à ce que le marché de moins d’un an explose davantage. Le mois de juillet nous a beaucoup pénalisés. La tendance n’est pas si préoccupante dans le sens où la demande est là, le marché étant essentiellement victime de problèmes de sourcing”, confirme Christophe Durand, directeur VO de Renault.

“Nous retrouvons les mêmes tendances que l’an passé, à savoir un manque de véhicules sur le segment des VO récents. Par ailleurs, les constructeurs ont augmenté le prix de vente de leurs VO et les voitures neuves restent attractives malgré la fin de la prime à la casse. Par conséquent, nous avons dû rogner sur les marges de certaines ventes, analyse pour sa part David Rairolle, directeur des activités VPN au sein du groupe Sipa. Nous avions prévu de faire un bon premier semestre et nous sommes dans les clous. Nous nous attendions à un troisième trimestre compliqué et il l’est. Sur nos deux filiales VPN, le bilan est mitigé avec une baisse de nos volumes de 5 à 10 %. La vente de voitures dites “0 km” nous a clairement sauvés depuis janvier. Au final, 2011 est une année compliquée qui nous oblige à être encore plus présents, vifs et exigeants.”

Des assainissements trop massifs ?

Les principaux pourvoyeurs de VO n’auraient-ils pas alors assaini leur parc avec un peu trop de vigueur au point de s’en mordre aujourd’hui les doigts ? Beaucoup de constructeurs, comme Volkswagen (voir p. 46), reconnaissent manquer actuellement de produits pour répondre à une demande massive de leur réseau. Dans ce contexte de pénurie, ce sont surtout les marchands indépendants qui font grise mine. “Les constructeurs ont actuellement tendance à fermer la porte aux négociants. Nous trouvons qu’ils vont un peu fort. Ils s’engouffrent sur le segment des VO plus âgés, qui répond certes à leur besoin actuel, mais qu’ils ne maîtrisent pas totalement car cette typologie de véhicules ne s’inscrit pas dans leur philosophie”, regrette Thierry Corolleur, directeur associé de la société Varades Automobiles (44).

Une observation partagée par David Rairolle : “D’un côté, les constructeurs se sont efforcés d’assainir leur stock et de fermer le robinet tout en recommandant à leur réseau d’investir dans le VO récent qui représente une source de rentabilité. Résultat, aujourd’hui, ils sont incapables de leur fournir des produits. Par conséquent, pour tenir leurs promesses vis-à-vis de leurs distributeurs, ils ferment la porte aux marchands. Ils sont souvent très contents de nous trouver dans les périodes plus difficiles pour eux, il ne faudrait donc pas qu’ils nous oublient maintenant.”

+ 4,9 % sur cinq mois, + 1,4 % sur huit mois

Pourtant, le départ était plutôt prometteur. En mars, le marché enregistrait une huitième variation positive consécutive, portant ainsi la progression sur le premier trimestre à + 4,1 %, soit un total de 1,37 million d’immatriculations, très proche des volumes d’avant crise. Une remontée essentiellement tirée par la performance des voitures d’occasion récentes (moins d’un an), en souffrance depuis trois ans, et la bonne tenue des ventes de voitures de plus de cinq ans.

Les indicateurs étaient donc au vert. Les professionnels du VO confiaient, plutôt unanimes, que le début d’exercice était bon. Actuellement, ils sont tout aussi unanimes pour convenir que le marché va moins bien, certains n’hésitant pas à parler de mini-crise du VO. La forte hausse de 17,1 % enregistrée au mois de mai (en raison de trois jours ouvrables de plus qu’en 2010), établissant la progression du marché à + 4,9 % sur cinq mois, n’était finalement qu’un trompe-l’œil. Le gros coup de mou est arrivé en juin et juillet. “Le commerce VO est à la rue depuis deux mois pour tous les professionnels”, déplorait déjà, en juillet, Jean-Michel Reillat, dirigeant d’Inter VO.

63 % des immatriculations ont plus de cinq ans

Si les chiffres du mois d’août, en très légère hausse de 0,5 %, à 415 772 unités, ont permis d’enrayer la chute estivale, le marché de l’occasion est toujours convalescent. Pour preuve, même le marché des voitures neuves, lui aussi en forte baisse depuis mai, a repris du poil de la bête en août avec une remontée de 3,2 %. Avec 3 637 562 voitures immatriculées au cumul des huit premiers mois, soit une progression de 1,4 % par rapport à la même période l’an passé, le bilan comptable reste positif, mais décevant.

Avec 309 000 unités immatriculées depuis janvier, le segment des VO de moins d’un an affiche une belle progression par rapport à 2009 (+ 20,5 %) et 2010 (+ 9,2 %), mais a également perdu de la vitesse ces derniers mois puisqu’il pointait en hausse de + 16,1 à fin mai. “Le marché a surtout été tiré par le segment des VO de plus de cinq ans qui représente à ce jour 63 % des immatriculations, observe Eric Bataille, directeur général de DrivePad. C’est véritablement le segment des VO de un à trois ans, celui des distributeurs et des marchands, qui souffre le plus avec une baisse de 8,2 % sur huit mois. Depuis janvier, il a cumulé 492 000 immatriculations contre 535 000 en 2010 et 567 000 en 2009 sur la même période. Le marché souffre d’un manque de véhicules sur cette tranche d’âge du fait de l’allongement des contrats des loueurs longue durée en 2009, dont les produits alimentent davantage aujourd’hui le marché des VO de trois à cinq ans qui, lui, est en progression.”

Interrogations structurelles et conjoncturelles

A quatre mois de la fin de l’exercice, le flou persiste quant à l’évolution du marché. “Normalement, nous devrions voir arriver d’avantage de produits sur le dernier trimestre”, entrevoit, optimiste, David Rairolle. “Nous retrouvons actuellement une situation que nous avons connue en 2008 avec une cannibalisation entre le VO et le VN qui affiche actuellement des prix faibles. Et il y a fort à parier que les constructeurs et leur réseau accentuent leurs promotions pour contrer la baisse des ventes de VN, sans oublier que les distributeurs devront faire des volumes pour toucher leur prime de fin d’année. Le marché des VO récents pourrait dès lors accuser le coup. Les professionnels devront donc bien jongler entre le VN et le VO, et auraient tout à intérêt à se positionner sur les produits de plus de quatre ans car il y a une demande”, juge Eric Bataille.

Mais à l’attaque de ce dernier virage décisif, ce n’est plus seulement la structure du marché qui inquiète, la conjoncture également. “Nous sommes actuellement dans une configuration où c’est véritablement la conjoncture et donc la confiance qui vont jouer. Si les ménages venaient à déporter leurs achats et si les financements viennent à manquer, la progression du marché des voitures de plus de cinq ans, qui attire des clients au budget plus restreint, pourrait alors s’en trouver également ralentie”, informe Eric Bataille, qui voit un marché qui devrait se situer autour de 5,4 et 5,43 millions d’unités en 2011, soit une progression de 0,5 à 0,8 % par rapport à 2010. Loin des prévisions enthousiastes de début d’année.

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