Benjamin Reillat, InterVO : devenir incontournable comme Amazon
JA. Il y a tout juste un an, vous avez fait le pari de prendre la succession de votre père, Jean-Michel Reillat, à la tête du groupe InterVO. Quels sont les atouts à faire valoir ?
Benjamin Reillat. Mon père m'a transmis la passion d'un secteur automobile que j'adore. Mon parcours de formation a été marqué par des études et des expériences dans le monde du commerce en ligne avec des passages chez de grandes entreprises. J'ai ensuite fondé Full Adgency, une agence de publicité car le web marketing est mon autre grande passion. J'ai la chance de pouvoir les conjuguer. D'ailleurs, je travaille en coulisse depuis longtemps pour InterVO puisque j'ai conduit la première phase de digitalisation. La vitrine en ligne et la possibilité de réaliser des réservations sont des projets auxquels j'ai participé. Starterre nous avait beaucoup inspiré à l'époque.
JA. C'était une première phase. Il faut aller plus loin désormais. Quelle est l'ambition ?
BR. En effet, nous avons compris que le stock, c'est le nerf de la guerre. Pour cette raison, nous allons lancer une marketplace. Les flux de nos fournisseurs pourront être exposés et accessibles à nos clients professionnels. Ainsi, nous passerons de 600 à 1 600 véhicules disponibles à la vente, dès 2021. Nous monterons à 3 000 VO, en 2022 et à terme le catalogue doit compter à 5 000 produits.
JA. Concrètement comment cela se met-il en place ?
BR. Dans ce système, nous traitons des listes de partenaires. Une fois connecter à notre plateforme en API, ils ouvrent les flux. A l'autre bout de la chaîne de valeur, avec la nouvelle interface Mon Stock Auto, les marchands auront un moyen de passer commande et de gérer les transactions. Il y a un véritable enjeu de maîtrise du temps réel pour garantir la réservation et éviter les frustrations.
JA. Il y a également un enjeu de sécurité dans ce secteur où la fiabilité reste utopique…
BR. C'est aussi vrai, effectivement. Raison pour laquelle la marketplace d'InterVO ne sera pas ouverte au tout venant. Nous ne travaillerons qu'avec des fournisseurs historiques que l'on peut certifier, tandis que les nouveaux entrants seront méthodiquement évalués avant de recevoir les autorisations.
JA. Cela aura-t-il un impact sur les prix ?
BR. Nous allons essayer de les maintenir au niveau actuel. Je crois que cette place de marché est surtout une formidable opportunité d'approfondir notre catalogue. A titre d'exemple, nos fournisseurs vont nous permettre de disposer à nouveau d'un volume conséquent de modèles Renault après une période de relative disette.
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JA. Quelle ambition nourrissez-vous ?
BR. Le digital doit devenir un facilitateur dans la vie de nos clients professionnels. D'ailleurs, nous venons en parallèle d'internaliser le pôle logistique. De fait, nous disposons désormais de toute l'information dans nos systèmes et pouvons renseigner nos partenaires plus aisément. InterVO doit devenir incontournable comme l'est Amazon dans le monde de la grande consommation.
JA. Voilà pour le futur, mais quels ont été les chiffres de vente en 2020 ?
BR. InterVO a réalisé 3 200 ventes. L'année a été difficile. Les deux mois de suspension d'activité ont eu un impact conséquent sur le chiffre d'affaires qui s'est nettement effrité. Pourtant, nous avons réussi à réaliser 8 millions d'euros de CA sur un seul mois, après le premier confinement, ce qui constitue notre record. L'ensemble du groupe a totalisé 5 600 ventes lorsque l'on ajoute l'enseigne Auto Malin.
JA. Parlons justement d'Auto Malin, le panneau sous lequel vous vendez à particulier. Il se dit que vous êtes désormais à Beauvais (60). Cette rumeur est-elle fondée ?
BR. Elle l'est, je confirme. En janvier dernier, le groupe a racheté le fonds de commerce de Cars 2000-1, un distributeur historique de la ville. A lui seul, ce point de vente présente un potentiel de 1 600 immatriculations annuelles et un chiffre d'affaires de 18 millions d'euros environ, contre 10 millions d'euros pour chacun de nos deux premiers sites, à Mérignac (33) et Mantes-la-Jolie (78). Ce n'est pas anodin, car son débit de VO permet de renforcer le poids de la centrale d'achat.
JA. Quels sont les plans pour ce site ?
BR. D'abord, nous souhaitons consolider les activités et nous assurer que nous sommes capables de maintenir les cadences. Nous changerons le nom par la suite, mais cela doit se faire en douceur vis-à-vis de la clientèle locale et du personnel.
JA. De quoi cet investissement est-il le nom ?
BR. Nous avons les moyens de nos ambitions et Cars 2000-1 était une belle opportunité dans notre plan de développement qui considère à la fois les projets de croissance externe et ceux de croissance organique. Le cas de Beauvais nous a convaincu du modèle que nous imaginions, à savoir de nous implanter dans des villes de taille moyenne, où la concurrence des enseignes multimarques s'avère moins forte. Nous pourrions miser systématiquement sur la croissance organique, mais force est d'admettre que la démarche est plus longue.
JA. Racheter est une chose, mais qu'apportez-vous aux commerces que vous reprenez ?
BR. La puissance digitale. Très clairement cela sera différentiant pour les équipes en place. Dans cette logique et pour servir nos propres intérêts évidemment, nous avons développé des outils d'aide à la décision à distance. Notre pôle d'ingénieurs a édité une application pour présenter les véhicules en vidéo et partager le film ensuite avec la communauté. Une application qui fonctionne dans les deux sens et donne la possibilité aux points de vente de réaliser des reprises sans se déplacer.
JA. Comme le veut la tendance, faites-vous de la reprise un axe stratégique ?
BR. Oui, très clairement. Dans 70 % des transactions, le client nous demande une estimation de reprise. Être capable de répondre favorablement et d'absorber ces flux devient une obligation. A côté, nous réalisons des rachats cash sans condition d'achat. Cela représente environ une vingtaine d'opérations mensuelles sur les trois sites. Nous allons monter en régime et doubler ces cadences. Ce qui nécessite un outillage adapté.
JA. Après s'être dit tout cela, comment voyez-vous les mois à venir ?
BR. Pour être honnête, je suis curieux de voir la situation dans six mois. C'est compliqué car nous restons dépendants de décisions prises au sommet de l'Etat et de retards de livraison des véhicules liés aux pénuries de composants. Je pense que 2022 ne sera pas beaucoup plus simple. Mon expérience professionnelle m'a préparé à la gestion des effets de montagnes russes et c'est une chance.
JA. Votre père n'est pas bien loin. Pouvez-vous nous toucher un mot de sa nouvelle entreprise, Loca Malin ?
BR. Lui et moi sommes convaincus du fait que la notion de mobilité prendra plusieurs formes chez les consommateurs. Nous réfléchissons donc à tous les moyens de déplacement individuel. Il a créé Loca Malin pour proposer des solutions de location courte et moyenne durée auprès des particuliers et des TPE-PME. Nous pouvons être fiers de son travail car il vient d'obtenir son sésame pour l'aéroport de Bordeaux-Mérignac. Il aura son comptoir avec tous les autres loueurs et les véhicules seront stockés à proximité du terminal. Il finalise une implantation similaire à l'aéroport de Beauvais. Chez InterVO, nous y voyons l'opportunité d'alimenter les listes de véhicules d'occasion, car nous aurons la primeur du choix étant donné que Loca Malin fonctionne sans organisme financier et sera donc propriétaire des véhicules exploités.
JA. Un lien privilégié à exploiter plus fortement, non ?
BR. Nous nous laissons le temps, mais d'ici deux ans, il est question d'intégrer Loca Malin à notre structure.