"Le segment des VO récents devrait encore reculer"
JOURNAL DE L'AUTOMOBILE. Quel regard portez-vous sur l'exercice écoulé ?
ERIC BATAILLE. Le marché de l'occasion est un marché de particuliers, et ces derniers sont particulièrement sensibles à la conjoncture et à leurs prévisions futures. Les indicateurs de l'Insee démontrent bien, d'ailleurs, la corrélation entre le marché de l'occasion et la conjoncture. L'un des grands enseignements du marché automobile en 2013 est que les ventes à clients finaux n'ont jamais été aussi basses, puisqu'il s'est vendu 1,380 million de VN et de VO de moins d'un an à particuliers, contre 1,9 million en 2009. Le segment des VO récents a lourdement chuté l'an passé alors que les produits de plus de 5 ans continuent de tirer leur épingle du jeu, ce qui reflète également une période de crise.
JA. Le segment des VO récent souffre depuis plus de deux ans des remises excessives sur le neuf. Faut-il s'attendre à un rééquilibrage des prix cette année ?
EB.A fin novembre, le prix des VN était déjà en progression de 2,1%. Du fait de la hausse de la TVA et des remises qui devraient commencer à être moins généreuses, les tarifs des voitures neuves vont continuer de remonter cette année. Mais le segment des voitures d'occasion récentes n'en sera pas pour autant plus attractif car l'écart de prix va rester faible. Auparavant, le VO de moins d'un an représentait l'achat malin. Il s'agissait, par exemple, du deuxième véhicule de la famille. Le comportement d'achat a radicalement changé en quelques années. Les Français achètent un véhicule par nécessité et beaucoup moins par plaisir.
L'acheteur de VN continuera de porter son dévolu sur un véhicule neuf tandis que l'acheteur d'un VO de moins d'un an se positionnera plus volontiers sur un produit plus âgé, ou reportera son achat.
JA. Le durcissement du malus et la hausse de la TVA vont-ils impacter les ventes de VO ?
EB. Oui, cela aura un impact sur les segments des VO de 3 à 5 ans et de plus de 5 ans, en particulier sur les segments moyens et supérieurs, qui seront les plus soumis au malus sur le marché du neuf.
JA. Quels vont être les principaux enjeux pour les professionnels du VO en 2014 ?
EB. L'un des enjeux importants sera d'adapter le mix produits à la demande, ce qui implique de bien identifier la clientèle et, surtout, d'afficher les bons prix. Les professionnels se doivent désormais d'utiliser les outils proposés sur le marché, qui assurent une vision immédiate et localisée des tarifs. Ils doivent se demander en permanence s'ils ont bien le bon stock par rapport à la demande. Dans le domaine de la grande distribution, on distingue ce que l'on nomme le "fonds de rayon", qui désigne des produits "top-seller" qui répondent à la demande du marché, des articles promotionnels et des coups ponctuels qui correspondent à des opportunités. Mais la politique d'approvisionnement d'un distributeur ne doit pas reposer sur ces opportunités.
En France, il existe encore trop cette mentalité qui consiste à penser que "tant que j'ai pas baissé le prix de mon véhicule, je n'ai pas perdu d'argent". Il y a encore des voitures qui sont surévaluées dans les stocks. Dès lors, la rotation s'en ressent. Elle devrait se situer entre trente et quarante jours en moyenne, et nous en sommes encore loin. Ensuite, il est indispensable d'aller chercher les clients via tous les outils de communication qui existent. Les bons vendeurs sont ceux, par exemple, qui scrutent les entrées ateliers afin d'anticiper une vente future, et donc une potentielle reprise.
JA. Un rebond du marché VN est attendu et surtout espéré. A quoi faut-il s'attendre pour le VO ?
EB. Je vois un marché 2014 étale à l'an passé, autour de 5,3 millions d'unités, avec toutefois quelques changements structurels. Le segment des produits de moins d'un an devrait encore reculer, et avoisiner les 400000 unités (-4,8%). En 2013, le marché des loueurs courte durée a chuté de 12%, et cette baisse devrait perdurer en 2014 car les constructeurs réduisent leur vente vers ce canal. Nous devrions assister à une légère érosion des produits de 1 à 5 ans. L'an passé, le marché de la location longue durée a baissé de 5% et la pénurie de VO sur ce segment devrait continuer ces prochains mois. C'est un problème pour les concessionnaires, qui réalisent leurs meilleures marges sur ces produits. Enfin, nous devrions observer une hausse d'environ 1% des transactions de VO de plus de 5 ans, qui devrait se situer autour de 3,5 millions d'unités. Ce segment sera l'amortisseur du marché de l'occasion.
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.