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Diesel/Essence : une bascule qui change la donne

Publié le 21 avril 2015

Par Benoît Landré
8 min de lecture
La croissance des ventes de véhicules à motorisation essence impacte de plus en plus la structure du marché de l’occasion. Les professionnels doivent s’adapter. Enquête.
Les motorisations essence ont représenté 37,6 % des ventes de voitures sur le premier trimestre 2015.

Les chiffres sont là. En mars, la part des motorisations Diesel ne pesait plus que 59 % des ventes de voitures neuves en France (- 2,2 %), contre 64 % en 2014 et 73 % en 2012. Le basculement en faveur de l’essence est en marche et se confirme chaque mois un peu plus (37,6 % du marché à fin mars). La tendance n’est pas seulement statistique et se confirme également sur le terrain. Les professionnels interrogés sont unanimes. “Dans nos affaires, la proportion des ventes essence a réellement progressé. C’est la résultante de plusieurs combinaisons : des motorisations de très belle facture chez beaucoup de constructeurs, un intérêt tarifaire manifeste à la pompe et la menace d’une restriction d’utilisation des moteurs Diesel dans les grands centres urbains”, analyse Yann Milliez, président du groupe Autoreva, qui représente les panneaux Renault, Mercedes-Benz et Citroën dans l’Yonne, et propose une activité de location courte et longue durée. On peut y ajouter également la croissance des ventes des petits segments ou encore invoquer ces études, qui démontrent année après année que les Français roulent de moins en moins. “Les voitures essence n’ont pas remplacé le Diesel, mais il est évident que la demande est bien plus forte qu’avant. Les choses bougent beaucoup depuis un certain nombre de mois. Nous avons, par exemple, des demandes sur des Golf ou des Qashqai essence, ce qui est nouveau. Le discours médiatique visant à stigmatiser le Diesel a eu son petit effet, surtout en région parisienne, même si les gens ont un peu tendance à confondre les annonces”, remonte Pascal Beaufour, co-dirigeant de VOptimum et Auto-Novéo.

Sur le marché de la seconde main, le basculement est également perceptible, à défaut d’être aussi prononcé. Ainsi, en mars, les VO essence ont représenté 31,4 % des immatriculations, contre 29,8 % sur le même mois l’année passée.

En quête de VO essence

En 2014, les motorisations Diesel ont pesé 68,3 % du marché de l’occasion hexagonal contre 30,5 % pour l’essence. Ces remontées soulèvent plusieurs problématiques. Faut-il revoir absolument son mix de ventes ? Faut-il partir à la chasse aux VO essence ? “Même si nous constatons que les clients nous posent de plus en plus de questions, ils restent encore très attachés aux motorisations Diesel car ils sont amenés à parcourir beaucoup de kilomètres dans notre département”, nuance Roch Rochowicz, directeur de l’enseigne Jacques Bervas Caen-Carpiquet (14), qui ne propose que 6 VO essence pour une offre de 220 véhicules. De fait, l’offre conditionne un peu la demande. Chez le loueur longue durée Arval, qui revend principalement ses VO via sa plate-forme MotorTrade, les motorisations Diesel représentent 90 % de l’offre. Une proportion logique qui “résulte des produits qui ont été mis à la route il y a trois ou cinq ans et qui témoigne également d’une demande encore importante des professionnels en faveur du Diesel, explique Agnès Van de Walle, directrice remarketing VO Arval France. Mais nous constatons également une demande très dynamique des professionnels sur des motorisations essence”. Face à cet engouement qui se confirme pour les VO essence, les distributeurs doivent s’ajuster, revoir la composition de leur stock, leurs approvisionnements… “Nous avons formulé une demande auprès de notre centrale d’achat pour obtenir davantage de produits essence. Concrètement, aujourd’hui, nous ne pouvons pas répondre favorablement à des clients qui recherchent un monospace essence”, reconnaît Roch Rochowicz.

Une demande supérieure à l’offre = des prix qui grimpent

La problématique des prix se pose également. Actuellement, l’offre de VO se compose principalement de produits qui ont été mis à la route à une période où le Diesel se taillait encore la part du lion. Dès lors, la rareté des produits, associée à une demande grandissante, a logiquement poussé à la hausse le prix des voitures de seconde main dotées d’une motorisation essence, en particulier sur le segment des VO de moins de 2 ans. “Je pense que le prix des VO essence a déjà augmenté depuis au moins un an. Aujourd’hui, une Corsa essence de 2012/2013 affiche le même tarif que le modèle Diesel”, indique Roch Rochowicz. Une situation qui perturbe également les habitudes des spécialistes de l’importation et de l’exportation. “Ces dernières années, nous avions pris pour habitude de racheter des VO essence aux professionnels français pour les revendre aux Pays-Bas. Aujourd’hui, nous n’en trouvons plus, car nos fournisseurs ont décidé de conserver ces véhicules. Par ailleurs, nous ne sommes pas compétitifs sur la vente de voitures essence émanant des Pays-Bas auprès des professionnels français”, observe Dirk Van der Werf, dirigeant de la société néerlandaise AB intermédiaires. Faut-il alors commencer à déstocker certains VO Diesel, au risque de perdre de l’argent ? Les valeurs résiduelles de certains modèles sont-elles en péril ? Sur ce point précis, négociants et distributeurs se montrent relativement sereins, et n’observent pas, à ce stade, de baisse des prix ou un allongement des taux de rotation. Toutefois, certains gros marchands réfléchiront peut-être à deux fois, dorénavant, avant de se positionner sur des lots de 50 à 100 modèles Diesel.

Une nécessaire anticipation

S’il convient de ne pas exagérer ce basculement, puisque le Diesel continue de concentrer le gros des demandes, notamment au sein des entreprises qui absorbent une part importante des transactions de voitures neuves en France, il mérite la plus grande attention. En première ligne, les “fabricants de VO”, qu’ils soient constructeurs, loueurs courte et longue durées, sont sur le qui-vive. “Même si nous constatons que les flottes s’ouvrent à une plus grande diversité énergétique, le Diesel continuera d’être prépondérant au sein des entreprises, où les lois de roulage sont plus importantes que chez les particuliers. Pour autant, nous suivons cette problématique de très près afin de calibrer nos valeurs résiduelles futures par rapport au marché des particuliers”, souligne Agnès Van de Walle. De la composition des stocks et du mix de ventes actuel dépendra le business VO de demain. Aussi s’agit-il de ne pas manquer ce tournant. “En France, la durée moyenne de détention d’un véhicule neuf avoisine environ les quatre ans. Par conséquent, les voitures achetées en 2015 se retrouveront sur le marché de la seconde main sur la période 2019/2020. La valeur de ces produits en sera forcément impactée”, soulève Pascal Beaufour. “Dans notre groupe, nous subissons quand même le sourcing, qui se compose essentiellement des reprises sur vente VN et des buy-backs courte et longue durées. Aussi, veillons-nous à mettre à la route un mix essence plus important. D’autant qu’actuellement, sur la courte durée, les prix du marché sont tellement bas que les rentrées sont chères. Il est plus que jamais crucial de mettre les bonnes voitures et les bonnes configurations en location, et de les rentrer au bon moment. C’est vraiment de l’épicerie”, précise Yann Milliez. De l’épicerie de plus en plus fine.

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IL A DIT…

Dominique Allain, directeur général d’Autovista.

“Nous assistons à un décalage très net sur le marché français avec, d’un côté, une baisse importante de la part des VN diesel auprès des particuliers, qui est passée de 73 % en 2012 à 48 % en 2015, tandis que, de l’autre côté, les motorisations Diesel continuent de peser 95 % des ventes en entreprise. Le Diesel reste incontestablement plus économique pour les entreprises en termes de TCO. Ce n’est pas neutre sachant que certains constructeurs commercialisent 40 % de leurs voitures à sociétés. L’impact sur le marché de l’occasion est également sensible et se traduit principalement dans les chiffres sur trois segments. Sur le segment B (citadines), les moteurs essence pèsent 7,7 % des VO à 24 mois, une part qui grimpe à 12,1 % sur les VO de 12 mois. Sur le segment M1 (berline compacte), l’essence, qui représente 1,8 % des VO à 24 mois, pèse 2,9 % du marché des VO à 12 mois. Enfin, sur les petits SUV, la part de l’essence a plus que triplé, passant de 0,4 % sur 24 mois à 1,3 % sur les VO à 12 mois. Certes, cela reste des petits pourcentages, mais qui traduisent nettement ce basculement rapide. Par ailleurs, nous constatons que les valeurs retail à 12 mois sur les VO essence se tiennent bien (70 %), tandis qu’elles baissent pour les voitures Diesel (65 %).

Conclusion : nous observons une tension sur les VO Diesel, en particulier sur les petits segments qui deviennent problématiques du fait d’une demande qui baisse. Si les professionnels ne réajustent pas le prix de ces produits, ils risquent de coller. A l’inverse, nous relevons un manque de VO essence sur le segment M1”
 

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