...du groupe n'a donc somme toute que très peu de temps pour s'inventer un manuel de survie. Warning…
"C'est la dernière chance pour Seat en tant que marque, il ne serait pas raisonnable de voir les choses autrement", a récemment lâché James Muir, président directeur général de Seat. Le Board du groupe Volkswagen a donné cinq ans à la marque pour sortir du rouge et se remettre en ligne avec les objectifs du plan 2018. L'un des objectifs assignés à la marque "espagnole" est d'atteindre les 800 000 ventes en 2018. Soit plus du double que ce qu'elle réalise aujourd'hui… En effet, en 2009, la marque a vendu 336 683 véhicules. Et la tendance n'est pas favorable, puisque Seat avait enregistré 369 457 ventes en 2008 et 408 720 en 2007. Certes la crise peut être avancée pour expliquer la dégradation de ces performances car comme chacun sait, l'Espagne, premier marché de la marque pour des raisons historiques, s'est littéralement effondrée sous son effet. Mais le problème réside dans le fait que l'Espagne mettra beaucoup de temps à sortir de la récession, les récentes annonces de José Luis Rodriguez Zapatero, chef du gouvernement, en témoignent. Bref, par rapport au délai fixé par Martin Winterkorn, la direction de Seat sait donc qu'elle ne pourra pas bénéficier d'un rebond de son marché de prédilection.
Le mythe de "l'Alfa Romeo espagnole" a fait long feu
Dès lors, l'opération survie s'annonce ardue. Peu enclin au défaitisme, James Muir évoque pourtant plusieurs axes susceptibles de remettre la marque sur de bons rails. Tout d'abord, en dépit de l'introduction des Exeo berline et break sur le segment D courant 2009, il envisage de recentrer la marque sur ses segments-cibles, c'est-à-dire des véhicules de taille plus modeste et la déclinaison de la Up s'annonce dès lors décisive. Pour l'heure, l'Ibiza demeure incontournable, pesant plus de la moitié des ventes de la marque, tandis que sur le segment C, la Léon devrait bénéficier d'un vaste élargissement de gamme pour pouvoir prétendre à un volume de 200 000 ventes contre environ 70 000 aujourd'hui, comme l'affirme Ian Fletcher, analyste chez IHS Global Insight. Par ailleurs, James Muir souhaite reconfigurer Seat dans une charte identitaire très latine, un ADN oublié par certains modèles récents. L'objectif est de séduire une clientèle plus jeune, notamment par des valeurs de sportivité dont les premiers atours ont été dévoilés avec le concept IBE. Si l'idée est sans conteste recevable, le mythe de "l'Alfa Romeo espagnole" a fait long feu et le business-modèle de l'italienne n'est pas forcément un exemple… Cependant, il est clair que Seat doit impérativement mieux se distinguer de Volkswagen et Skoda. En outre, James Muir compte aussi retoucher son réseau européen pour le densifier dans certaines grandes villes, sans pour autant augmenter le nombre de ses distributeurs. Il table aussi sur une meilleure pénétration sur le marché des entreprises, mais l'ultimatum posé par le groupe ne semble pourtant pas de nature à rassurer de nombreux acheteurs.
En fait, selon Ian Fletcher, il s'agit tout simplement de savoir "si la reconstruction de la marque est possible dans un délai qui apparaît relativement court". Sachant que l'an passé, la marque a quadruplé ses pertes (339 millions d'euros contre 78 millions en 2008 et encore 110 millions de pertes au 1er T 2010) et que des plans de réduction des coûts ont déjà été mis en place, la marge de manœuvre apparaît ténue.
Martorell, triste symbole de la sur-capacité de production d'une industrie
Certes le Gouvernement joue le jeu de la perfusion, Miguel Sebastian, ministre du Commerce et du Tourisme, ayant débloqué 100 millions d'aides l'an passé. Certes la puissante région de Catalogne fait de même, consciente que la marque représente 30 000 emplois directs et indirects et que son indice de facturation jouit d'un effet multiplicateur de 1,57 pour la région selon une étude Idescat-Esade. Mais cela ne saurait suffire. Le site de Martorell demeure un épineux problème et s'affiche comme un triste symbole de la sur-capacité de production dans l'industrie automobile. 301 287 véhicules sont sortis de l'usine l'an passé contre 370 293 en 2008 et 398 704 en 2007. Le site n'est plus exploité qu'à 60 % de ses capacités. L'implémentation de l'Audi Q3 importe pour le groupe, mais ne change pas fondamentalement la donne pour Seat. On peut aussi rappeler qu'en l'espace de cinq ans, plus de 2 000 emplois ont été détruits, l'effectif s'établissant à 10 369 salariés à fin 2009.
"Seat souffre d'un problème de hiérarchie au sein du groupe Volkswagen"
Reste donc le levier commercial pour sauver la marque. Ian Fletcher n'est guère optimiste car à ses yeux, la marque étant exclusivement dépendante de la zone Europe, rien de réjouissant ne s'annonce à l'horizon, au-delà de la dépression espagnole. Une planche de salut consisterait à prendre d'assaut les BRIC, mais les projets de développement en Asie et en Amérique du Sud ont été gelés et le groupe a d'ores et déjà pris son envol sur ces marchés avec un trident Volkswagen-Skoda-Audi aussi complémentaire que compétitif. C'est sans doute d'ailleurs la principale question concernant la viabilité de la marque à l'avenir : le groupe compte-t-il a minima lui assurer les conditions de sa survie ? D'aucuns chuchotant déjà sur une hypothétique cession à un acteur desdits nouveaux entrants… La même interrogation se pose sur les énergies alternatives. Or l'unité de recherche de Martorell (quelque 900 ingénieurs) semble isolée et la constitution d'un réseau d'universités et d'entreprises partenaires et la participation au projet national Cenit Verde apparaissent marginales à l'échelle d'un groupe mondialisé. Pour Ian Fletcher, "Seat souffre d'un problème de hiérarchie au sein du groupe Volkswagen. Et dans un ensemble de marques aussi fortes qui sont développées simultanément, seules les plus performantes peuvent survivre". En attendant, James Muir doit peaufiner son plan produits et annonce qu'il faut débrider l'esprit d'initiative et les compétences dans l'entreprise.
Top 5 des ventes mondiales 2009 de Seat
1/ Ibiza 170 833 2/ Leon 64 447 3/ Altea XL 18 835 4/ Altea 13 331 5/ Exeo 12 |
Photo : Le nouveau plan produits, annoncé comme un retour assumé à la sportivité, de la marque sera déterminant pour relancer des ventes en net repli. A terme, la déclinaison espagnole de la Up pourrait permettre à Seat d'atteindre les objectifs fixés par le groupe.