Rupert Stadler, président du directoire d'Audi AG et membre du conseil de surveillance du groupe Volkswagen
Journal de l'Automobile. Par rapport à l'an passé, votre discours sur le véhicule électrique se fait plus volontaire et avec e-tron, vos développements s'intensifient : quelles sont les raisons de ce changement ?
Rupert Stadler. Les choses n'ont pas tant changé que cela pour nous. Nous avons accéléré nos efforts via e-tron, mais cela ne s'est pas fait en un claquement de doigts et, en fait, notre stratégie suit son cours. En tout état de cause, c'est le marché qui dictera ses règles et si demande il y a, nous aurons des offres adaptées.
JA. Néanmoins, les prévisions relatives au marché du véhicule électrique laissent apparaître des deltas très significatifs : quand Carlos Ghosn parle de 10 % du marché total à horizon 2020, le Professeur Winterkorn table sur 1,5 % ! Au nom d'Audi, de quelle estimation vous rapprochez-vous ?
RS. Je dirais que nous sommes volontiers plus proches des prévisions les plus prudentes. Car concrètement, on parle tout de même de coûts très significatifs. Et le ROI (retour sur investissement) est à surveiller de très près car l'exercice peut se révéler très périlleux. Mais je le répète, si la demande se manifeste, nous saurons répondre. Au juste prix, pour les clients comme pour nous, c'est sans doute sur ce point que se situe le principal challenge. Sous un angle plus stratégique, nous déploierons une démarche top-down, déjà éprouvée par le passé. C'est pour cette raison que notre premier produit sera une sportive haut de gamme, destinée à des clients aisés.
JA. Le développement du véhicule électrique semble renforcer le rapprochement entre industriels et Etats, rapprochement déjà prégnant sous la contrainte de la crise, est-ce une bonne chose ?
RS. Là n'est pas la question. La problématique du développement du véhicule électrique renvoie forcément à un couple Industrie/Etats. L'enjeu des infrastructures n'en est qu'un exemple. D'une manière générale, l'important consiste à trouver les bons accords pour éviter toute distorsion du marché.
JA. Avec e-tron qui fait d'ores et déjà écho à une gamme assez large, comptez-vous construire un label ou une marque à part entière comme certains concurrents l'étudient aussi ?
RS. e-tron, ce sera un label, sur le même modèle que TDI ou Quattro. Pour la marque, ce sera tout simplement le symbole de la traction électrique.
JA. Un mot sur les véhicules hybrides : confirmez-vous que vos offres porteront sur des solutions hybrides essence et non hybrides Diesel ?
RS. Tout à fait, en l'état actuel de nos programmes, notre offre est focalisée sur des solutions hybrides essence.
JA. Durant la présentation des résultats du groupe, vous avez clairement laissé entendre que la crise n'était pas encore terminée, qu'entendez-vous par là ?
RS. En dépit de ce qu'on peut parfois entendre depuis quelque temps, nous estimons effectivement que le secteur automobile n'est pas encore sorti de la crise. D'un point de vue global car il existe de très grandes différences selon les marchés et les régions du monde.
JA. Au cours de la conférence, vous avez aussi souvent fait référence à l'impact négatif des taux de change. Or on a le sentiment que lorsque l'euro est faible, les industriels se plaignent, mais qu'il en va de même lorsque l'euro est fort… Quel est votre euro idéal ?
RS. Il n'y a malheureusement pas d'idéal sur la question des taux de change et sur l'euro. Et malheureusement, nous ne contrôlons rien dans ce domaine et sommes obligés de nous adapter.
JA. A la lecture de vos résultats, on note une croissance de vos volumes en Chine mais aussi une légère rétraction de votre part de marché. Voyez-vous le verre à moitié vide ou à moitié plein ?
RS. Nous sommes clairement satisfaits par nos performances en Chine. Nous y avons enregistré une forte croissance l'an passé en réalisant 40 000 ventes supplémentaires. Un résultat d'autant plus significatif que nos concurrents directs n'ont affiché qu'environ 28 000 ventes supplémentaires. Dès lors, le léger recul de notre part de marché s'explique par deux facteurs : d'une part l'historique du marché sur lequel nous sommes implantés depuis longtemps et sur lequel nous partons donc de haut ; d'autre part, l'explosion du marché des petites et moyennes voitures qui modifie mathématiquement le jeu des parts de marché pour une marque comme la nôtre.
JA. Les constructeurs français mettent en avant que le coût du travail et par extension la production locale sont plus viables en Allemagne qu'en France, qu'est-ce que cela vous inspire ?
RS. Les constructeurs français nous jalousent sur ce point ??? Pourtant, en Allemagne, le coût de la main-d'œuvre est très élevé, c'est tout simplement le plus élevé d'Europe…
JA. Pour conclure, le Professeur Martin Winterkorn pourra prochainement faire valoir ses droits à la retraite et à propos de sa succession à la tête du groupe, votre nom est souvent mis en avant, notamment en Allemagne : est-ce une mission qui vous plairait ?
RS. Je suis actuellement à la direction d'Audi et nous nous sommes fixé des objectifs à un horizon 2020. Ce sont ces objectifs qui m'importent aujourd'hui.
Photo : "La problématique du développement du véhicule électrique renvoie forcément à un couple Industrie/Etats, l'essentiel consistant à trouver de bons accords pour éviter toute distorsion du marché", affirme Rupert Stadler.
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.