Quelles sont les marques dont les internautes parlent en Europe ?
Nous étudiions, dans une précédente édition du Journal de l’Automobile, comment les investissements publicitaires du secteur automobile avaient évolué, sur la base des résultats de l’enquête de Kantar Media. Contrairement aux croyances populaires, Internet ne se révélait pas un Eldorado pour les investisseurs, mais un canal qui tend, doucement, à gagner de l’importance dans la stratégie des marques. Face à ce média, tous les constructeurs ne sont pas égaux. Pourtant, ils devraient y accorder une grande attention. Pourquoi ? Car c’est le seul média dont on peut mesurer tous les paramètres, ou presque.
Si le Net est entré dans les mœurs outre-Atlantique, en Europe, personne n’avait jamais encore pris la peine de l’étudier en profondeur. Un exercice auquel s’est prêté eBuzzing, la plus grosse plate-forme d’hébergement de blogs en Europe. “Nous avons traité 50 millions de publications, sur 3 millions de sources et plusieurs centaines de millions de mises à jour de statuts sur les réseaux sociaux, afin d’analyser avec la plus grande précision ce qui pouvait être écrit en ligne au sujet des marques”, présente Frédéric Montagnon, co-fondateur et directeur stratégie d’eBuzzing. Une enquête intitulée “L’automobile et les médias sociaux”, qui a couru sur les huit premiers mois de 2011 et pris en considération les cinq principaux marchés (français, anglais, allemand, italien et espagnol).
Première constatation, les marques sont globalement prophètes en leur pays, à en croire les activités des internautes. En France, Renault arrache 17 % des parts de voix, devant un quatuor, relégué à 6 %, composé de Peugeot, Mercedes, BMW et Ferrari. En Allemagne, les constructeurs nationaux trustent les rangs de tête, à commencer par BMW qui, cependant, n’élève ses parts qu’à 11 %. Idem en Italie, où Fiat (21 %) et Ferrari (11 %) survolent la masse de constructeurs. Un chauvinisme dont ne font pas preuve les internautes espagnols et britanniques, qui parlent davantage de Ferrari et Mercedes. “La marque à l’étoile est d’ailleurs la seule à monter sur le podium dans chacun des pays”, note Frédéric Montagnon. Elle ne parvient néanmoins jamais à s’imposer. En conséquence de quoi, elle pointe à la quatrième place au classement général européen, dans les rétroviseurs de Renault et Ferrari, ex aequo (9 %), et Fiat (8 %).
Au-delà de cette simple énumération de statistiques, il faut comprendre ce qui donne une telle impulsion aux marques. “Clairement, le sport et l’image haut de gamme sont des vecteurs de croissance pour la notoriété”, relève le responsable d’eBuzzing. D’où le fait que Ferrari fasse jeu égal avec la puissance marketing de BMW et Mercedes. La marque italienne est surtout citée pour son écurie de Formule 1 (Royaume-Uni) ou pour son pilote vedette, Fernando Alonso (Espagne).
Photos et vidéos ont les faveurs des internautes
Ceci étant convenu, comment justifier l’insolente réussite de Renault ? Certes, le constructeur est l’un des plus gros investisseurs en termes d’achat d’espaces publicitaires, mais cela ne fait pas tout. L’étude tend à démontrer que le Français a appris à maîtriser le Web. Un espace virtuel où, pour rappel, sur une population de 42 millions d’individus, 40 % regardent au minimum un site automobile par mois, et que 95 % de cette sous-portion est familiarisée avec les réseaux sociaux et la notion de partage (contre 75 % des internautes en moyenne), d’après Nielsen-Mediamétrie. “Or, Renault a intégré le concept de publicité virale dans sa stratégie”, se félicite Frédéric Montagnon, qui intervient ponctuellement pour le constructeur. “Sur Internet, le buzz n’existe pas de lui-même, il faut le créer”, déclare-t-il. Et à ce jeu, la marque est très forte, il n’y a qu’à prendre la campagne “Renault, la qualité version française” pour s’en convaincre. On y trouve tous les ingrédients du succès : en plus de l’humour, Renault a su réagir relativement vite sur un fait d’actualité (en l’occurrence, une publicité concurrente), sous forme de vidéo, soit le format en vogue sur Internet, qui se partage et s’échange. “Reste ensuite à placer le message auprès des bonnes personnes sur Internet, les hyper spécialistes et les influenceurs, qui le relayeront. Il faut être capable de toucher 500 000 personnes en moins de trois jours.”
A en croire encore l’étude conduite par eBuzzing et l’analyse faite sur le terrain, les marques ont, sur Internet, un contenu qui gagne en maturité, mieux réfléchi sur le plan qualitatif. “On ne parle d’ailleurs plus de publicités, mais de contenus de marque”, note à ce titre Frédéric Montagnon, qui tient à souligner que toutes les pistes n’ont pas encore été explorées. Les internautes sont à la recherche d’une information différente de ce que l’on peut voir à la télévision ou entendre à la radio (visite d’usine, de laboratoire de recherche, de centre de design…).
Facebook. Une énigme pour la plupart des acteurs de l’industrie automobile. “Depuis deux ans, on observe une profonde mutation, remarque-t-on chez eBuzzing, et 80 % des informations proviennent de personnes que l’on côtoie par le biais de ces nouveaux médias ou de suggestions générées par des algorithmes.” Avant de s’y lancer, il faut avoir des choses à dire et ce, quotidiennement. “Les marques ne font pas encore assez d’efforts pour diffuser des actualités intéressantes”, fustige Franck Montagnon. Entre les révélations, les informations historiques ou les animations et jeux, ce dernier juge qu’il y a pourtant matière à entretenir une relation journalière, à l’instar de Toyota.
Mais où recrute-t-on des fans ? Pour BMW (7,8 millions de fans dans le monde), Ferrari (6,1 millions), Mercedes (5,2 millions), Porsche (2,5 millions) ou Jeep (2 millions), la seule passion des “socionautes” suffit vraisemblablement. Pour ceux dont l’aura est moindre, “il faut trouver les lieux virtuels, les forums, où les gens se rencontrent pour discuter de la marque qu’ils estiment, explique le spécialiste. Ensuite, en croisant toutes les données, à l’aide de technologies appropriées, on dresse un portrait type et on leur propose un discours orienté qui les encouragera à adhérer aux pages des constructeurs”.
Les salons, le coup de boost
eBuzzing s’est penché sur un événement particulièrement générateur de publications sur les sites Internet d’information, les blogs et Twitter : le salon de Francfort. Le jour de l’ouverture de la dernière édition, 8 000 publications ont été enregistrées dans les cinq principaux pays européens. Au cours du mois et demi qui entoure le rendez-vous allemand, ce volume s’est élevé à 70 000, dont 87 % sur Twitter. “Cela est dû à la nature même de ce support qui permet aux auteurs de relayer rapidement des informations à leur communauté”, analyse eBuzzing dans son compte-rendu. “Certaines marques ont particulièrement bénéficié du salon de Francfort pour assurer une présence médiatique forte, évoque encore le rapport. Ainsi, Audi devance ses concurrentes avec 9 % de part de voix. Jaguar et Porsche ont pendant cette période une part de voix bien supérieure à celle qui est la leur le reste de l’année.” En se focalisant sur la France, on note que la marque aux anneaux est toujours celle qui a le mieux profité de l’engouement, avec 11 % de part de voix, devant Mercedes (8 %) et Volkswagen (7 %). A l’inverse, il est clair que l’actualité de Ford n’y a pas connu le même retentissement qu’en Europe (5 % en France, contre 8 % en Europe). Pourtant, la marque mène une politique avant-gardiste sur les réseaux sociaux. Ce qui prouve définitivement que la récurrence de diffusion ne trouve de sens que dans la pertinence, aux yeux des internautes, du message délivré.
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