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Constructeurs

Philippe Dehennin, Président du Directoire de BMW France.

Publié le 17 juillet 2009

Par Alexandre Guillet
11 min de lecture
"Nous prenons une part importante des besoins du réseau en fonds de roulement par le biais de BMW Finance"Sans chercher à occulter l'ampleur de la crise...
...et les contre-performances actuelles de BMW et Mini en France, Philippe Dehennin se veut résolument optimiste. Confiant dans le plan produits à venir, il identifie un potentiel de croissance sur les segments "particuliers" et "société", ainsi que sur l'après-vente. Explications.

Journal de l'Automobile. Les résultats commerciaux de juin sont plutôt mauvais et BMW et Mini enregistrent respectivement une baisse des ventes d'environ 20 et 18 % sur le 1er semestre par rapport à 2008. Comment expliquez-vous cette contre-performance et le fait que vous soyez la marque Premium allemande la plus touchée ?
Philippe Dehennin. Le recul de la marque BMW, en effet plus net que celui de notre concurrent le plus direct, s'explique par plusieurs raisons. Tout d'abord, nous avons débuté l'exercice 2009 avec un portefeuille moins fourni. Par ailleurs, nous n'avons bénéficié d'aucun effet "nouveauté" significatif. En outre, la comparaison avec 2008 ne nous est guère favorable dans la mesure où nous avons réalisé l'année passée un 1er semestre record. Enfin, on ne saurait oublier la crise dont les effets se font sentir à plein. Nous anticipons une baisse moins forte au 2nd semestre. Depuis le mois de mai, nous reconstituons du portefeuille. Le début du mois de juillet est satisfaisant et nous place au niveau de nos concurrents. Nos actions de marketing fonctionnent, drainant de nouveaux clients et assurant de l'activité dans le réseau. Nous sommes d'autant plus optimistes que de nombreux produits sont sur le point d'être lancés.

JA. Quels produits sont les plus susceptibles de redynamiser votre activité ?
Ph.D. D'ici la fin de l'année, l'introduction de nouvelles motorisations sur les Série 1, Série 3 et X3 portera certainement ses fruits. En octobre, une Série 5 Gran Turismo sera mise sur orbite sur une niche qui n'est occupée par aucun de nos. Enfin, le lancement du X1 porte naturellement de grands espoirs.

JA. A propos de la crise et d'une hypothèse de reprise, quel scénario calendaire retenez-vous actuellement ?
Ph.D. L'espoir d'un retournement rapide de l'économie semble désormais bien incertain. Ni le gouvernement ni les patrons ne croient plus aujourd'hui à une reprise rapide. Cela s'explique principalement par la sortie de crise qui tarde à se profiler aux Etats-Unis. Or ce sont toujours les Etats-Unis qui entraînent l'Allemagne dans leur sillage puis l'Allemagne qui entraîne la France. En outre, le secteur automobile traverse une crise structurelle qui vient encore compliquer la donne. On peut malheureusement craindre une aggravation de la crise. Toutefois, j'ai coutume de dire que c'est la 14e crise que nous traversons depuis la 2nde Guerre mondiale… Chaque crise a duré entre 6 et 18 mois. Cette fois, elle durera certainement 18 mois car il est clair que c'est la plus grave depuis 1974. Comme nous passons de crise en crise, il faut relativiser, garder la tête froide et ne pas sombrer dans le pessimisme. C'est le message que nous envoyons à notre réseau de distribution. D'autant que nous savons que la France surmonte traditionnellement mieux les crises que d'autres grandes économies. Il faut souligner la solidité des banques françaises, la saine résolution des patrons à rester optimistes et les efforts du gouvernement, appropriés aux circonstances.

JA. Vous dites au réseau de rester optimiste, mais concrètement, quel soutien lui apportez-vous en ces temps de forte dégradation des résultats financiers ?
Ph.D. La rentabilité des concessionnaires est fragilisée par la crise, c'est un fait. En tant que concédant, nous devons les accompagner. Pour préserver la capacité d'investissement il faut veiller à ne pas annihiler les bénéfices engrangés lors des précédents exercices. Si la situation est tendue, le réseau demeure solvable. Il affiche une trésorerie saine, notamment grâce aux facilités accordées pour lui permettre de faire face au gonflement des stocks VN et VO. La difficulté d'être rentable à court terme ne remet rien en cause sur le moyen terme et le long terme. Notre réseau en France affiche une rentabilité supérieure à la moyenne européenne.

JA. Dans ce contexte, maintenez-vous encore votre objectif initial de 48 000 ventes et si vous avez fait des ajustements, sur quels volumes portent-ils ?
Ph.D. Nous n'avons pas fait de révision d'objectifs à proprement parler. Nous naviguons à vue, au plus près du réseau, et nous avançons trimestre par trimestre. Ainsi, nous n'avons pas encore d'objectifs pour le 4e trimestre. L'horizon de planification est totalement revu. Pour le 3e trimestre les objectifs sont ambitieux, mais réalistes.

JA. Des objectifs ambitieux en pleine crise et avec deux mois d'été traditionnellement creux : comment comptez-vous vous y prendre ?
Ph.D. Nous avons travaillé sur des offres promotionnelles très intéressantes qui seront déployées tout l'été. Il s'agit de créer du trafic sur les lieux de vente et de le capter, principalement via des offres très attractives sur les véhicules en stock. Par ailleurs, tout le monde -chez nous et dans le réseau - restera beaucoup plus actif en août pour bien exploiter ce mois et multiplier les animations.

JA. A Genève, vous nous disiez qu'il existait une marge de progression pour BMW en France et des volumes à aller chercher : confirmez-vous et quels segments visez-vous prioritairement ?
Ph.D. Le segment des particuliers est un énorme gisement pour BMW comme pour Mini. Par bonheur, le renouvellement du portefeuille produits et les futurs nouveaux modèles sont très orientés vers cette cible. Nos concessionnaires mettent aussi en œuvre de très gros efforts d'acquisition sur ces clients particuliers. Les grands comptes représentent eux aussi un gisement important. Grâce à nos performances environnementales, qui génèrent des avantages fiscaux, à nos valeurs résiduelles fortes, et à l'attrait de la marque, nous avons de belles perspectives devant nous. Le niveau de service du duo BMW-Mini est très fort en France, les études en témoignent. Nous devons capitaliser et faire fructifier cet atout avec plus de force qu'auparavant. Développer nos marques passe par un juste dosage entre arguments rationnels et émotionnels. Dans cet esprit, nous lancerons dès septembre une nouvelle campagne de communication grand public qui exalte la marque BMW comme encore jamais elle ne l'a été.

JA. A propos de valeurs résiduelles, on parle aujourd'hui du retour d'environ 5 000 véhicules issus du programme Pass Lease dans le réseau. Des véhicules aux tarifs hors marché, d'environ 3 000 euros… Comment aider le réseau à absorber ce nouveau problème ?
Ph.D. Nous n'avons aucune inquiétude majeure. Le VO était une préoccupation en début d'année, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. Le réseau a bien travaillé, en adaptant son offre et nous l'accompagnons dans ce sens. Le taux de financement promotionnel de 2,9 % via BMW Finance est particulièrement efficace. Nous soutenons également nos concessionnaires au niveau du packaging des offres. L'ensemble de ces efforts permet de bien absorber le dépositionnement relatif des stocks.

JA. Le premier programme de déstockage Birdie avait été apprécié par le réseau, mais le 2nd que vous lancez actuellement suscite beaucoup plus de réserves : comment l'expliquez-vous ?
Ph.D. Il faut comprendre la complexité du métier de constructeur. Les investissements courent sur le très long terme, les coûts fixes sont considérables, il faut garnir les capacités de production, avec en arrière-plan l'enjeu des emplois. Or l'activité de vente d'automobiles est cyclique. Soit vous gérez des délais de livraison soit vous gérez des stocks. Pénurie ou surplus, c'est le réseau de distribution qui joue le rôle d'amortisseur. Nos concessionnaires sont aujourd'hui à gérer des stocks. Nous suivons cette situation de très près car nous savons que leur capacité à les absorber est limitée. Ils ont fait leur devoir et nous n'attendons pas d'eux qu'ils s'engagent au-delà. D'autant qu'il ne faut pas casser la pompe de réapprovisionnement.

JA. En somme, diriez-vous comme Monsieur Ratton que si tension il y a, elle se situe plus entre distributeurs et partenaires financiers qu'entre distributeurs et constructeurs ?
Ph.D. Les banques font partie intégrante de cette crise. Et je m'étonne du peu d'empressement de quelques banquiers à accompagner leurs clients dans cette période difficile… En ce qui nous concerne, nous assurons une part des besoins en fonds de roulement par le biais de BMW Finance. Mais personne, pas plus nous-mêmes que les concessionnaires ne peuvent faire sans les banques. Je les invite à ne pas abandonner les industriels et les commerciaux que nous sommes au milieu du gué. Je pense aux lignes de crédit et aux crédits d'investissement nécessaires. Il faut se souvenir qu'en dehors des périodes de crise, il y a de grands moments de bonheur rentable avec l'automobile…

JA. D'un point de vue commercial, que pouvez-vous vraiment attendre des Série 7 et X6 ActiveHybrid ?
Ph.D. Ces modèles font déjà référence sur leur segment en version thermique. Avec l'hybridation, le gain de consommation sera supérieur à 15 %. C'est une nouvelle concrétisation de nos efforts pour réduire la consommation et les émissions. Au plan commercial, dès lors qu'il s'agit du très haut de gamme, les volumes additionnels en France ne seront pas très importants. De quelques centaines d'unités. En revanche, ces versions hybrides seront beaucoup plus pénétrantes sur d'autres marchés, aux Etats-Unis notamment. Pour beaucoup d'acheteurs, ActiveHybrid voudra dire deux fois plus de plaisir de conduire pour deux fois moins de consommation par rapport aux modèles américains correspondants.

JA. Quel est le rôle exact de la France par rapport au lancement de la E-Mini ?
Ph.D. Le modèle est en test aux Etats-Unis, en Allemagne et au Royaume-Uni. En France, il s'agira d'une présentation au gouvernement, à certains acteurs du marché et à d'éventuels partenaires industriels. La mobilité urbaine est un sujet clé. Pour les villes, notre Président Norbert Reithofer projette clairement BMW Group dans l'univers de la propulsion électrique. La première commercialisation s'envisage à l'horizon 2012/2013.

JA. Tous les acteurs du marché s'activent pour optimiser les centres de profit de l'après-vente : que préconisez-vous au réseau en la matière, notamment les ventes additionnelles et la reconquête du parc ancien ?
Ph.D. Au premier chef, nous sommes la 2e marque en France en termes de qualité après-vente perçue. Il convient déjà de mieux valoriser cette performance aux yeux du grand public. Il nous faut ensuite diminuer les coûts après-vente pour nos clients fidèles tout en augmentant nos recettes globales en captant des segments du parc qui ne fréquentent pas encore notre réseau de concessionnaires. Cela réclame de gros efforts pour être compétitifs. Nous développons par ailleurs notre offre pièces et notre support pour les réparateurs indépendants qui continueront à gérer les BMW les plus anciennes. Vis-à-vis de nos clients fidèles le développement de notre chiffre après-vente passe également par l'élargissement de notre offre de services : vente et stockage de pneus hiver, smart body repair, réparation d'éclats de pare-brise, etc. Bref, nous travaillons sur deux axes : conquérir des clients qui nous croyaient souvent trop chers et proposer de nouveaux services à nos clients réguliers. Enfin, la commercialisation d'accessoires se développe à travers de bons packages, des prix adaptés et des promotions saisonnières.

JA. Malgré cette navigation à vue conditionnée par la crise, poursuivez-vous le pilotage de chantiers à long terme, au-delà des produits s'entend ?
PhD. Oui et notre priorité actuelle demeure notre stratégie parisienne. Paris est une ville compliquée pour l'automobile. Nous souhaitons que nos représentations parisiennes soient aux meilleurs standards européens. Cela ne peut pas se faire du jour au lendemain et nous avançons à petits pas. La crise est venue compliquer nos plans, ceux de nos concessionnaires et ceux d'investisseurs potentiels. Par ailleurs, nous voulons être sûrs de faire les bons choix. Dans un tout autre ordre d'idée, BMW entend devenir un acteur clé de la sécurité routière. Au-delà de la communication, nous pourrions envisager de l'investissement en parfaite entente avec le gouvernement et les collectivités locales.

JA. Quel positionnement doit avoir BMW et Mini à l'avenir ?
Ph.D. BMW doit être la première marque sportive Premium authentique dans le respect de la sécurité routière et de l'environnement. Et Mini rester la marque urbaine la plus excitante du segment Premium.

JA. Pour conclure, êtes-vous toujours favorable au renouvellement du Règlement 1400/2002 ?
Ph.D. La Commission européenne semble avoir réduit sa vigilance sur les questions clés qui concernent l'automobile, sauf sur les questions d'emploi qui font l'objet d'une vigilance accrue.
Nombreuses sont les parties prenantes qui reconnaissent que le secteur a besoin de stabilité. Dès lors, si les constructeurs eux-mêmes ne font pas volte-face, et si les autres parties prenantes veulent elles aussi inscrire la stabilité dans la durée, le renouvellement du Règlement ne présente aucun inconvénient majeur. Des corrections trop importantes généreraient une grande perte d'énergie et donc d'efficacité pour nos affaires.

Curriculum vitae

Nom : Dehennin
Prénom : Philippe

Philippe Dehennin est depuis février 2009 président du directoire de BMW Group France. Agé de 53 ans, de nationalité belge, il a débuté sa carrière en 1987 chez BMW Belgique comme directeur des ventes puis directeur commercial. En 2001, il est nommé président de BMW Group Belgique et Luxembourg. Philippe Dehennin est diplômé de la George Washington University et titulaire d'un Executive Master en General Management de l'Ecole de Commerce Solvay à Bruxelles. Il parle couramment français, néerlandais, anglais et allemand.

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