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Constructeurs

Marc Lechantre, Stellantis : "L’occasion est plus que jamais un axe de développement"

Publié le 31 mai 2022

Par Catherine Leroy
8 min de lecture
Stellantis est l’un des rares groupes automobiles à mettre en avant le véhicule d’occasion dans ses plans stratégiques. Les ambitions du constructeur sont fortes : il doit se positionner comme le meilleur du secteur en remarketing. Le point avec Marc Lechantre, directeur de la division véhicules d’occasion du nouvel ensemble.
Marc Lechantre, directeur de la division véhicules d’occasion de Stellantis.

Journal de l’Automobile : Quelle est la contribution de la business unit véhicules d’occasion aux résultats du groupe Stellantis ?

 

Marc Lechantre : Je ne peux pas vous donner de chiffres. Il y a 10 ans, l’activité perdait un peu d’argent. Il y a 5 ans, après un gros effort de pro­fessionnalisation, elle était à peu près au point mort. Mais depuis 5 ans, elle est devenue stratégique. Nous avons dédié des moyens informatiques, humains et marketing avec Spoticar. Nous sommes passés à une contri­bution significative du VO dans les résultats du groupe. Et c’est d’autant plus appréciable que l’occasion est un facteur de résilience par rapport aux crises du véhicule neuf.

 

JA. Quels sont les objectifs fixés par le groupe dans le plan stratégique Dare Forward ?

 

M.L. : Le plan Dare Forward 2030, pré­senté par Carlos Tavares, prévoit un doublement des ventes (en passant à un volume de 1,6 million d’unités écoulées, NDLR). En 2021, nous avons vendu un peu moins de 700 000 véhicules, un volume plus faible qu’en 2019, compte tenu du contexte. L’important repose sur notre ambition de développer les ventes avec label. Nous voulons faire de Spoticar une enseigne mondiale en la poussant en Europe et en achevant son développement. DS Certified et Alfa Certified, que nous allons prochaine­ment lancer, vont compléter le disposi­tif. Nous devons également poursuivre le développement d’Aramis pour at­teindre un chiffre d’affaires de plus de 6 milliards d’euros d’ici 2030 (contre 1,6 milliard cette année, NDLR). Enfin, le troisième axe pose une amélioration très forte de la contribution du VO aux résultats du groupe.

 

En 2021, nous avons vendu un peu moins de 700 000 véhicules

 

JA. Comment Aramis peut‑il quadrupler son chiffre d’affaires en 8 ans ?

 

M.L. : De deux manières. Déjà, dans les pays où Aramis est présent, le potentiel de croissance existe. En Espagne, il est même énorme d’autant que le marché n’est pas très organisé, avec une distri­bution traditionnelle, très focalisée sur le VO récent et qui a du mal à aller sur les modèles âgés de 3 à 7 ans. En Bel­gique, Cardoen a un gros potentiel de croissance également. Spécialiste du véhicule d’occasion très récent ou du 0 km, la société modifie son sourcing, change de modèle, en créant une usine de reconditionnement à la manière d’Aramis et développe le sourcing CtoB. Et en Grande‑Bretagne, CarSu­permaket est très présent dans le centre et le nord de l’Angleterre, avec un dé­ploiement géographique réalisable. Tous les schémas sont possibles. Enfin, reste l’option de la croissance externe, dont l’avantage est le gain de temps. En­core faut‑il trouver la bonne cible.

 

JA. Quel est le potentiel de croissance en France ?

 

M.L. : En France, il existe une double concurrence avec la distribution tra­ditionnelle et Stellantis & You en fait partie. Mais nous aidons nos réseaux à se professionnaliser et nous observons cette montée en puissance. Aramis a été le précurseur des ventes en ligne avec un stock unique et un affranchissement de la contrainte géographique. Il est aujourd’hui concurrencé par Cazoo et Autohero, qui se développent très vite. Malgré cette concurrence, le potentiel reste énorme avec le CtoC. En France, ces transactions représentent 64 % du marché. Et même en Angleterre où le marché est plus professionnalisé, il est détenu à 40 % par les particuliers.

 

JA. Cette part n’est‑elle pas amenée à se ré­duire avec la montée en puissance de la voiture électrique ?

 

M.L. : Ce sera de plus en plus com­pliqué, c’est vrai. Plusieurs facteurs vont permettre d’alimenter cette pro­gression du BtoC : les vidéos en ligne, le chat avec un vendeur, acheter ou au moins réserver en ligne son véhi­cule, la croissance du financement, y compris sur le VO… Si un client a une bonne expérience avec un vendeur, qui lui propose, en même temps qu’une nouvelle voiture, un financement et la reprise de son an­cien véhicule, c’est plus simple que de gérer seul l’ensemble du processus. Tous ces facteurs poussent au déve­loppement du BtoC.

 

JA. Vous avez récemment pris une part majoritaire dans Stimcar, par le biais de Stellantis & You. Quels sont les re­tours attendus en termes de marge ?

 

M.L. : Le premier avantage d’avoir un reconditionnement piloté ne se calcule pas en termes de coût ni de marge, mais plutôt au niveau des délais et de la qualité. Notre pre­mière attente est donc une amélio­ration du délai et la stabilisation de la qualité. Et dans notre cas, ce qui est un coût pour Stellantis & You est un gain pour Stimcar, mais tout cela reste dans le groupe. C’est le même raisonnement qui a été fait pour Aramis avec son usine. Faire appel à l’extérieur fait perdre une solution de marge. Pour Stellantis, notre inté­rêt est de maîtriser les opérations de reconditionnement, puisque nous disposons des pièces. Nous visons des délais de moins de 6 jours pour le reconditionnement.

 

JA. Comment déployez‑vous la stratégie VO sur les marques ex‑FCA du groupe Stellantis ?

 

M.L. : La fusion se passe de façon très facile et dans un état d’esprit positif. Le déploiement de nos méthodes est plus rapide pour ces marques que dans le cas d’Opel par exemple. Au moment du rachat d’Opel, le sujet était presque inexistant. Il a fallu accomplir un travail de prise de conscience de l’importance des canaux de vente… FCA avait ces mêmes pratiques mais le problème était identifié avant la fusion. Désor­mais, les marques ex‑FCA ont toutes intégré la modification de business model de pricing power, contrôle des canaux de vente, réduction des canaux tactiques et maîtrise du mix avec une stratégie vis‑à‑vis des loueurs. Quant aux stocks, ils ont été considérablement réduits. Le niveau actuel est identique entre les marques ex‑FCA ou ex‑PSA : il n’y a plus de différence.

 

On souhaite aller jusqu’à la vente en ligne complète avec le réseau en Espagne et en France d’ici la fin de l’année

 

JA. Quel est le calendrier d’intégration du label Spoticar ?

 

M.L. : Nous avons commencé le dé­ploiement du label, en France, en Es­pagne, en Belgique et en Italie. Déjà 200 points de vente ex‑FCA arborent les couleurs de Spoticar. C’est un chantier sur lequel nous allons beau­coup accélérer en 2022.

 

JA. Est‑ce la même stratégie dans d’autres régions du monde ?

 

M.L. : Le déploiement géographique est plus compliqué. Nous sommes sur des marchés avec des positions différentes. Aux USA, depuis la crise de 2008, les constructeurs ne s’en­gagent plus sur des buy‑backs. Nous sommes dans des réalités complète­ment opposées à ce que l’on connaît en Europe, où les loueurs rendent les voitures aux constructeurs. L’Amé­rique latine fonctionne aussi sur un autre modèle. Nous avons donc identifié des priorités pour dévelop­per cette approche de label, partout où cela fait sens. Aux USA, au Bré­sil, dans d’autres pays d’Amérique latine, nous commençons par notre stratégie de buy‑back. Mais, point positif : le financement, qui a été ré­organisé en Europe, puis à nouveau intégré aux USA, va nous simplifier la vie. Sur d’autres marchés comme en Turquie, par exemple, Spoticar fonctionne très bien. Le site turc se positionne même dans le top 3 mon­dial derrière la France et l’Italie.

 

JA. Ne peut‑on pas imaginer de grands centres physiques Spoticar avec toutes les marques du groupe ?

 

M.L. : Bien sûr et d’ailleurs, nous avons intérêt à proposer des solutions à nos distributeurs. Dans certains pays, on ne s’interdit rien.

 

JA. Quelle est votre stratégie en matière de vente en ligne concernant le véhicule d’occasion ?

 

M.L. : Le monde de l’occasion est déjà fortement digitalisé. Stellantis a mis l’accent sur les ventes en ligne, pour les véhicules neufs. De ce fait, nous avons moins accéléré sur le VO, sachant que nous avions Aramis. Nous avons mis en place la réservation en ligne qui est opérationnelle en France, en Allemagne, en Espagne et en Bel­gique. En toute transparence, cela fonctionne plus ou moins bien, car il faut être capable d’informer le client de la disponibilité réelle du véhicule. Or, cette information dépend du sys­tème de gestion du concessionnaire. C’est un vrai sujet d’organisation pour les réseaux, notamment d’un point de vue humain avec des vendeurs spéci­fiques et un enjeu de transformation. Nous avançons sur le sujet en parallèle du financement avec la signature du contrat, l’autorisation en ligne… On souhaite aller jusqu’à la vente en ligne complète avec le réseau en Espagne et en France d’ici la fin de l’année. En Belgique, Stellantis & You propose déjà cela.

 

JA. Le véhicule d’occasion sera‑t‑il intégré dans le futur contrat d’agent ?

 

M.L. : Aujourd’hui, les contrats portent sur les véhicules neufs et les opérateurs ont une licence Spoticar. Dans la nouvelle distribution, il y aura des contrats retailers VN, mais celui de Spoticar ne va pas nécessai­rement changer. C’est plutôt un mes­sage de stabilité. Mais il est vrai qu’il est de plus en plus difficile de gagner sa vie sur le VN, donc il va falloir aussi investir sur le VO qui sera, plus qu’avant, un axe de développement pour la distribution.

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