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Constructeurs

Malheur des uns, bonheur des autres ?

Publié le 23 juillet 2012

Par Thierry Astier
13 min de lecture
Le premier semestre a été relativement agité sur le terrain de la voiture sans permis. Rarement les fortunes n’auront été aussi diverses d’une marque à l’autre ! Au jeu des groupes, pour le moment DrivePlanet a repris l’avantage sur Aixam-Mega. Et un “petit nouveau” ne manque pas de faire parler de lui : Renault et son “OVNI” Twizy…
Avec des immatriculations de l’ordre de 80 unités mensuelles (322 en tout sur le segment quadricycle léger), le Renault Twizy créé l’événement. Reste à savoir si son succès sera durable.

Au fond, le marché de la VSP reste relativement protégé des aléas conjoncturels. Il y est sensible dans une certaine mesure, mais loin des tourments qui agitent les ventes d’automobiles dans notre pays. En tout cas en France, marché qui est clairement redevenu la priorité absolue de l’ensemble des constructeurs depuis trois ans, avec l’effondrement des ventes dans de nombreux pays d’exportation ! Nous reviendrons en outre prochainement sur l’état actuel rencontré sur le grand marché européen, qui subit une déprime tenace un peu partout, l’Hexagone étant devenu pratiquement l’exception qui confirme la règle. Un chiffre en dit long : l’an passé, pour 25 000 véhicules écoulés dans la CEE, la France en a absorbé une bonne moitié, seule l’Italie gardant des volumes significatifs (4 000 véhicules). Hélas pour l’industrie du quadricycle, tous les anciens marchés porteurs se sont littéralement écroulés, à commencer par le tandem Espagne-Portugal, qui fut longtemps considéré comme un débouché très prometteur.

Contrôle Technique : inapplicable !

Au milieu de ce marasme, notre pays reste une exception, d’abord d’ordre culturel : avec 40 ans d’existence, la VSP est plus que jamais installée et fait ici véritablement partie du paysage automobile. Difficile d’en dire autant dans les autres contrées, ou l’absence de culture du micro-véhicule explique souvent le resserrement réglementaire observé un peu partout. A ce sujet, il est bon d’apporter quelques précisions à ce qui s’est dit ça et là. Tout d’abord, le fameux Contrôle Technique des 2-roues, qui prévoit d’y inclure les quadricycles (qui comme chacun sait sont apparentés dans leurs versions sans permis aux cyclomoteurs). A l’origine, le CT devait être instauré depuis janvier. Or, il n’en est rien, et tout semble indiqué que ce projet, louable en soi, risque fort d’être encore en suspens un bon moment. Le nœud du problème est avant tout d’ordre économique. En effet, le gros du parc est bien sûr constitué par les cyclomoteurs et petits scooters, qui sont en majorité écrasante la priorité d’une population à faible pouvoir d’achat. L’équation est, dans l’état, insoluble : le matériel de contrôle existant dans les centres, notamment les bancs à rouleaux, est totalement inadapté à ce type de véhicule !

Equation insoluble…

De fait, l’avènement d’une nouvelle catégorie d’usagers amène immanquablement l’acquisition de machines spécifiques aptes à effectuer les tests requis. C’est bien là que le bât blesse : comment arriver à les rentabiliser, dès lors que le trafic en centres de CT sera fatalement bien moindre pour les deux-roues que pour les automobiles ? Quelques chiffres valent mieux qu’un long discours : on compte 30 millions de voitures particulières et commerciales, contre 3 200 000 motocycles en tout, dont 2 400 000 cyclomoteurs ! De fait, avec un rapport de 1 pour 10, il est bien difficile d’envisager la rentabilité d’une telle opération, quand il faut de surcroît investir dans un matériel spécifique. Par-dessus le marché, la population largement majoritaire des utilisateurs de cyclomoteurs étant globalement peu argentée, il semble exclu de pratiquer des tarifs trop élevés… Que faire s’il faut en plus réduire les prix par rapport au CT automobile ? Bref, il est urgent d’attendre, même si l’on peine à voir le bout du tunnel sur ce dossier. Les 150 000 utilisateurs de voitures sans permis que compte notre pays peuvent donc encore dormir sur leurs deux oreilles pendant quelque temps. Et pourtant, sur le plan de la sécurité, le bénéfice serait indiscutable : même si les statistiques d’accidentologie sont, comme chacun sait, très favorables aux quadricycles, trop de “poubelles” réparées et entretenues de la manière la plus empirique qui soit circulent… traînant avec elles une image peu flatteuse de la voiture sans permis. Affaire à suivre, par la force des choses !

Un permis ? Ou ça ?

Le deuxième dossier est celui du fameux “permis AM”. Que n’a-t-on entendu à son sujet… A en croire certains médias, c’en était enfin fini de ces “satanées” voitures sans permis, avec un couperet mis en place à compter du 19 janvier 2013, impliquant la possession d’un sésame obligatoire pour pouvoir conduire ces véhicules. Ici, on peut véritablement parler de désinformation, la réalité étant beaucoup moins noire et plus complexe que cela. Jusqu’ici, le système était simple : à condition d’être né avant le 1er janvier 1988, il était possible de conduire une VSP sans le moindre permis. Le cas échéant, il fallait passer son BSR, exactement comme pour un cyclomoteur, avec “option voiturette”, le tout donnant accès à ce type de véhicule à partir de 16 ans. En réalité, soucieux de ne pas faire de discrimination sociale, les quadricycles étant pour leurs utilisateurs l’indispensable outil pour se déplacer librement et avec une sécurité tout autre qu’avec un “cyclo”, l’administration française a judicieusement choisi de faire les choses en douceur.

Pas de drame…

Ainsi, dans le cas d’une personne née avant le 1er janvier 1988, ce qui constitue le gros du parc, rien ne change : aucune formation préalable ne sera exigée l’an prochain. Au soulagement général des constructeurs, réseaux et clients. Pour la population née entre le 1er janvier 1988 et le 18 janvier 1997, la possession du BSR option quadricycle obtenu avant le 19 janvier 2013 sera le diplôme minimum nécessaire. En revanche, dans le cas d’une personne atteignant les 16 ans à partir du 19 janvier 2013, le permis AM entre en fonction. Son canevas prévoit une épreuve théorique spécifique, adaptée à la catégorie cyclomoteur et différente de celle du permis B, une formation pratique obligatoire de 7 heures minimum, mais pas d’épreuve pratique in fine. En outre, il n’est pas prévu que le permis AM fonctionne suivant le système des points bien connu des automobilistes. En somme, pour les conducteurs les plus jeunes, dans six mois, un canevas réglementaire viendra préparer et encadrer leur accession à la route. Ni plus, ni moins ! Nul ne peut s’en plaindre et l’impact sur les ventes des uns et des autres sera vraisemblablement minimal. Encore faut-il le savoir et nous prêchons à cet égard vigoureusement pour une véritable campagne d’information de l’EQUAL (association européenne des constructeurs de quadricycles) auprès des médias, utilisateurs et réseaux pour éviter tout amalgame malheureux…

Point réglementaire…

Le dernier point concerne la réglementation technique. Pour le moment il est encore un peu tôt pour s’appesantir sur cette question, mais il est d’ores et déjà acquis que les véhicules seront de nouveau assujettis à une surface au sol réglementaire. En effet, jusqu’à l’avènement de la directive européenne dans les années 90, une VSP ne pouvait dépasser 3,5 m2 au sol (dont 1,40 m de largeur maxi). Puis, curieusement, ce verrou a sauté, amenant progressivement les constructeurs à proposer des véhicules de plus en plus grands, à la satisfaction de la clientèle. Pour autant, quand on ne dispose que de 4 kW de puissance maxi (même avec une tolérance de plus ou moins 10 % !) et que l’on ne doit pas dépasser 350 kg en ordre de marche, une telle dérive est une absurdité technique ! Qu’on se le dise, sur ces points ô combien délicats, une évolution est également prévue pour prévenir les débordements et détournements de plus en plus nombreux que l’on constate pour de nombreux véhicules. Mais, là encore, nous y reviendrons en temps utile, dès que les textes seront arrêtés avec précision.

Un marché plutôt porteur !

Pendant ce temps-là, comme nous l’évoquions en préambule, le marché ne se porte pas si mal, tout bien considéré. Au global, hormis un mois de mars bien maussade (-8 %), les ventes de quadricycles ont plutôt connu une agréable embellie, fortement poussées par un cru exceptionnel en juin, qui a vu les immatriculations s’envoler de 25,7 % ! Les fortunes sont pourtant, encore une fois, hautement variables d’un acteur à l’autre. A ce sujet, il est vrai que nombre de marques réservent leurs grandes nouveautés pour la fin de l’année, notamment dans le cadre de l’habituelle “grand-messe” du Mondial de l’Automobile… C’est certainement l’explication majeure de la méforme d’Aixam. Indiscutablement, les 34,1 % de part de marché réalisées par le savoyard sur le semestre ont de quoi faire rêver, mais la marque avait réalisé 38,5 % des ventes sur la période comparable de 2011, la marque-leader signant quelques étonnantes contre-performances (-9,1 % en mars, -20,5 % en mai). Pour le moment, les derniers aménagements de gamme (grand break Crossover et option ABS) ont eu peu d’effet sur le strict plan des performances commerciales. Une déconvenue à relativiser, puisque le premier semestre 2011 fut celui de la forte montée en cadence de la gamme actuelle, lancée fin 2010. Une chose semble toutefois établie : dorénavant, le marché VSP se dope à la nouveauté, et les succès du jour se périment à vitesse grand “V”…

Aixam fait grise mine, Mega au beau fixe

A contrario, Mega signe une remarquable performance, progressant de 15,7 % sur 6 mois (214 véhicules contre 185), plus que jamais chef de file du micro-utilitaire, malgré une offre vieillissante, au catalogue depuis 2006. Cela dit, au cumul, depuis mai le groupe d’Aix-les-Bains est repassé derrière DrivePlanet, détenant 37,3 % des ventes (41,3 % de janvier à juin 2011), contre 39 % pour ces derniers (au lieu de 38,1 %). Il faut dire que leur principal concurrent a mis les bouchées doubles, en commençant par lancer pour de bon au printemps la marque “Ligier Professional”, entièrement dédiée à leur nouvelle offre d’utilitaires. Le tout avec une gamme déjà fort complète, avec motorisations thermiques Diesel, essence ou électriques et une multitude de carrosseries. Difficile de jauger pour le moment de la réussite de ces véhicules, mais les 85 unités enregistrées sur mai et juin semblent prometteuses. Le spécialiste du “low price” Dué semble avoir de son côté trouvé son rythme de croisière, réalisant 146 ventes sur le semestre, soit près de 25 unités tous les mois. La maison-mère peine davantage à trouver la cadence idoine pour son Ixo, qui reste en deçà de son potentiel-marché, malgré un sérieux réajustement des prix en début d’année. Jusqu’en mai, Ligier accusait 9 % de recul au cumul, avant de se reprendre sérieusement en juin (+ 25 %), aidé par une opération “climatisation à un euro” organisée dans le réseau. Dans le groupe auvergnat-vendéen, la bonne surprise fut du côté de l’Atlantique.

Microcar, la bonne surprise de DrivePlanet

Pour Microcar, après les vaches maigres de 2011, où la MGo restylée a encaissé les coups toute l’année (-21,2 %), c’est le retour aux affaires, avec la plus belle progression du semestre, à + 17,2 %, soit 1 227 véhicules. La toute récente M8 a donc été le bon levier pour stopper la chute des ventes, son design très urbain ayant permis de reprendre des parts de marché sur la concurrence, notamment sur la spectaculaire Chatenet. En outre, au cumul, seulement 59 immatriculations séparent Microcar de Ligier… A propos de Chatenet, il semble désormais qu’il sera difficile à la marque limousine de surpasser cette année son record absolu enregistré en 2011 (1 176 unités). Sans doute le style de la gamme “CH” ne bénéficie plus de l’effet de surprise originel qui lui avait si bien réussi. Cela dit, le catalogue Chatenet se passait encore il y a peu de tout modèle tarifé sous les 13 500 euros, un pari sans doute injouable dans le contexte économique actuel. On rappellera en effet que les grandes marques ont vu leur mix produit se déplacer sérieusement vers la zone des 11 000-12 000 euros… De quoi expliquer le peu d’impact créé par le break CH32, trop élitiste point de vue tarif (14 950 euros), alors que la version “L” sortie en février à 12 190 euros devrait permettre une certaine relance au deuxième semestre… à défaut d’améliorer les marges du constructeur et de son réseau.

Veillée d’armes chez les “petits constructeurs”

JDM signe une assez belle progression, avec 12,6 % de hausse (250 voitures en tout). Pour autant, ce chiffre brut ne dit qu’une moitié de l’histoire : en 2011, la marque redémarrait tout juste, suite à son déménagement sur le site Heuliez de Cerizay. De fait, les 42 voitures réalisées chaque mois restent un score bien en dessous du potentiel habituel de JDM, habitué à graviter aux alentours des 100 unités. En réalité, le restylage de l’Aloes devenue Roxsy n’a pas suffi à masquer toutes les rides de l’auto, tandis que le réseau a subi depuis moult remaniements. Cela dit, sans trahir de secret, chacun sait à présent que l’auto vit sa dernière ligne droite, le bureau d’études de la marque travaillant d’arrache-pied sur sa remplaçante, qui sera aussi la première JDM “made in Cerizay”. Même son de cloche du côté de chez Bellier, où il est désormais acquis que la Jade n’en a plus pour longtemps, la nouvelle direction (Holding Neuvessel) insistant sur la très prochaine relocalisation en Vendée de l’ensemble de ses fabrications. Peu populaire, la Jade, partiellement fabriquée en Chine, devrait donc être bientôt de l’histoire ancienne. Dans l’attente, il est vrai que les chiffres sont en chute libre : -33,5 % sur le semestre, soit seulement 125 véhicules. Ce qui profite partiellement à Casalini, qui aura réalisé au même moment 121 immatriculations (+ 12 %). Ce dernier prépare à son tour la relève pour prendre la suite de sa vieillissante M12. Reste le cas de Grecav qui, parmi les acteurs “historiques”, baisse actuellement de manière inquiétante : 55 véhicules pour 69 en 2011, soit un recul de 20,3 %. En dépit de nombreux efforts promotionnels, l’intéressante Sonique en aluminium semble déjà à bout de souffle.

Renault sur les radars…

Evidemment, parmi cette myriade de constructeurs traditionnels, l’événement reste l’apparition de Renault sur les radars des statisticiens. Pour le moment, il est bien difficile de dire si la Twizy a gagné son pari, mais la variante “quadricycle léger” compte déjà 322 véhicules. Pas mal pour un véhicule qui, rappelons-le, ne rentre dans aucune “case” préexistante sur le marché de la VSP ! Mieux, dans le cas des quadricycles lourds, que nous n’avons pas détaillé ici, on compte déjà 1 258 Twizy dans notre pays, soit un total de 1 580 unités déjà enregistrées. En l’espace de trois mois, le chiffre a de quoi impressionner. Cela dit, ne faisant pas de concurrence frontale aux véhicules existants et nanti d’un badge infiniment plus reconnu et renommé que les marques spécialisées, l’avènement d’un véhicule Renault parmi les quadricycles est quasi unanimement salué comme une heureuse initiative par les différents états-majors. Là aussi, son parcours promet d’être passionnant, amenant une singulière touche d’inédit sur le marché en attendant que ses “rivaux” déroulent leurs nouveautés en septembre et octobre…

Pour consulter le Tableau des immatriculations VN, 1er semestre, cliquer ici.
 

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