Les nouveaux contours de PSA

Un passage de témoin. Même si Philippe Varin, président du directoire de PSA jusqu'au 31 mars prochain, était bel et bien le maître de cérémonie pour la présentation des résultats financiers, c'est son successeur, Carlos Tavares, déjà en charge de l'opérationnel, qui a dessiné l'avenir du groupe avec les prémices du plan "Back in the race" qu'il présentera en avril prochain.

Un nouveau départ pour PSA, donc, mais "un départ lancé", a précisé Carlos Tavares, remerciant au passage Philippe Varin d'avoir créé les conditions du rebond pour le groupe. "Les trois dernières années ont été difficiles pour l'industrie automobile et pour le groupe", a convenu Philippe Varin, avant de reprendre : "Je suis fier d'avoir gouverné PSA pendant cette tempête, nous avons vécu des épreuves difficiles, parfois sombres, mais nous avons réussi à jeter les bases d'une croissance future." Car c'est bien l'avenir du groupe français qui intéressait davantage que les résultats financiers 2013.

Toutefois, malgré une perte globale nette part du groupe de 2,317 milliards, à pondérer de dépréciations d'actifs pour 1,1 milliard, ou encore un chiffre d'affaires global en baisse de 2,4%, à 54,09 milliards d'euros, PSA a toutefois amélioré nombre d'items comme le free cash flow opérationnel qui est revenu à -426 millions contre -3 milliards en 2012. Sur ce point, le constructeur fait même mieux que prévu et le retour à une valeur positive et durable reste un objectif à atteindre d'ici 2016. Les ventes ont quant à elles légèrement reculé (-0,1%), à 2,818 millions d'unités, avec de grandes disparités selon les territoires.

En effet, l'Europe affiche un recul de 7,4% (1,628 million), la Russie chute de 22,1% (61000 unités) alors que l'Amérique latine, soutenue par l'Argentine, croît de 7% (303000 unités) et que la Chine bondit de 26,1% (557000 unités). La Chine est donc essentielle. A plus d'un titre.

L'argent frais n'empêchera pas les économies

Au-delà de la performance commerciale, la Chine était au centre de cette présentation puisque la veille, le 18 février, le conseil de surveillance de PSA avait validé "à l'unanimité" l'entrée du constructeur chinois Dongfeng et de l'Etat dans le capital du Français. Bien que l'accord définitif doive encore être approuvé par l'assemblée générale des actionnaires puis signé lors de la visite en France du président chinois Xi Jinping, fin mars, le constructeur va compter de nouveaux actionnaires. En effet, la famille Peugeot, qui dispose aujourd'hui de 25,4% du capital et 38,1% des droits de votes, aura après le tour de table 14% du capital, comme le Chinois Dongfeng et l'Etat français. Un nouveau pacte d'actionnaires, qui sera surtout synonyme de 3 milliards d'euros d'argent frais au terme d'une procédure en plusieurs temps avec des achats d'actions, mais aussi des bons de souscription d'actions (BSA).

Avec cet argent, ainsi que la ligne de crédit de 2,7 milliards qui a été confirmée par un pool de neuf banques, PSA semble disposer des moyens nécessaires à sa relance. Mais cela ne remet pas en cause les efforts de restructuration, notamment en Europe avec le Plan Rebond 2015, sur lequel Philippe Varin est revenu. L'objectif d'économiser 1,5 milliard en 2015 par rapport à 2012, l'année de référence, est en bonne voie et même déjà atteint sur certains points, avec une économie globale de 900 millions à fin 2013.

Le président est également revenu sur le Nouveau Contrat Social (NCS) qui devrait permettre d'ajouter, en 2016, 500 millions d'économies supplémentaires grâce notamment aux accords sur le temps de travail, au CICE ou encore à la réorganisation industrielle, comme par exemple l'arrêt d'une ligne de production dans l'usine de Poissy. Philippe Varin a ensuite rappelé que ce NCS engendrait des engagements chez PSA avec notamment la production annuelle d'au moins un million de véhicules en France en 2016, mais aussi un investissement de 1,5 milliard d'euros sur la période 2014-2016 dans les usines françaises du groupe, qui recevront par ailleurs chacune un nouveau modèle sur cette même période.

Un ensemble de choses qui devrait permettre d'afficher un taux d'utilisation des sites français de 100% d'ici 2015 contre 72% en 2013. Avec une production française qui sera de plus en plus orientée "Premium" ou versions haut de gamme car PSA a aussi annoncé que la prochaine génération de segment B (208, C3…) serait produite hors d'Europe occidentale. L'implantation d'une nouvelle usine à la lisière de l'Europe de l'Ouest serait d'ailleurs à l'étude.

L'indispensable Chine

En plus de devenir l'un des principaux actionnaires, Dongfeng devient un partenaire stratégique majeur. Un partenariat qui, d'ici 2020, devrait permettre à la JV DPCA de produire annuellement 1,5 million d'unités. Pour mémoire, en 2013, le Français a vendu 557000 véhicules en Chine, soit 26% de plus. Un chiffre qui a doublé depuis 2009. Ainsi, la part des ventes de DPCA dans les ventes totales est passée de 9 à 20% entre 2009 et 2013. La redéfinition des produits proposés, mais aussi le travail sur le réseau de distribution qui compte aujourd'hui 746 points de représentation ont payé.

La collaboration entre les deux partenaires va encore s'amplifier grâce au nouveau lien capitalistique. En effet, PSA et Dongfeng vont créer un centre de R&D en Chine, mais aussi une nouvelle JV afin d'exporter leurs produits vers les pays de l'Asean. Un ensemble de mesures qui devrait permettre à PSA, en plus de vendre davantage, de créer environ 400 millions de synergies à l'horizon 2020. Les deux partenaires réfléchissent aussi à l'implantation d'une quatrième usine dans le pays, notamment afin de développer les volumes de la marque propre de la JV.

D'ici là, en 2015, la capacité de DPCA sera de 750000 unités par an. Quant à l'autre JV de PSA en Chine avec Changan, baptisée "Capsa" et dédiée à la ligne DS, les ambitions sont toutes aussi fortes. Après l'inauguration de l'usine de Shenzhen puis le démarrage de la production de la DS5, les choses vont s'accélérer en 2014 avec l'arrivée au deuxième trimestre de la nouvelle DS 5LS puis, en fin d'année, du SUV DS qui était préfiguré par le concept Wild Rubis. Le réseau, qui compte aujourd'hui 52 distributeurs exclusifs DS dans les 40 plus grandes villes du pays, va être doublé en 2014 avec plus de 100 points de vente dans 70 villes.

DS va devenir une marque à part entière

Le rôle de la ligne DS va grandissant avec plus de 410000 unités vendues depuis son lancement en 2010 et 122700 rien qu'en 2013. C'est pourquoi Carlos Tavares a indiqué qu'à terme, c'est-à-dire d'ici deux décennies, DS a vocation à être une marque à part entière, comme c'est le cas actuellement en Chine. Le dirigeant ne manquant pas de souligner, sans citer la marque, le parcours d'Audi et le temps qu'il lui a fallu pour devenir une référence du Premium.

En plus du cap à tenir pour DS, le nouvel homme fort de PSA a également livré quels seraient les grands axes du Plan "Back in the race" qui couvrira la période 2014-2018. Pas de premier degré pour ce passionné de sport automobile avec le WTCC ou le Dakar, mais la compétition commerciale mondiale où il veut faire triompher le groupe français. Le premier point est naturellement la poursuite du travail engagé sur la différenciation des marques, comme en témoigne le développement futur de la marque DS que nous venons d'évoquer. Ensuite, Carlos Tavares veut mettre l'accent sur les modèles créateurs de valeurs. En langage plus clair, il imagine un futur où le nombre de modèles sera sans doute moins important dans la gamme, le constructeur se concentrant sur les modèles rentables comme les 308, 3008 ou 2008, a expliqué Philippe Varin.

Le troisième volet de ce plan prend en compte l'internationalisation. Si nous avons déjà beaucoup parlé de la Chine, PSA veut notamment améliorer ses positions en Amérique latine et en Russie, deux marchés qui aujourd'hui ne donnent pas satisfaction, en revenant sur les fondamentaux, c'est-à-dire se pencher à nouveau sur l'offre nécessaire pour séduire les clients, mais aussi revoir le sourcing ou la distribution. Le plan devra aussi tracer la voie pour un développement plus rapide dans les prochains pays émergents. Quant à l'Europe, le quatrième volet de ce plan, l'amélioration de l'efficience restera d'actualité dans tous les domaines. En effet, le point mort doit continuer à baisser pour rester compétitif.