Le prix des véhicules comme clé pour renouer avec le volume

Depuis plus de 40 ans, l’Observatoire Cetelem fait le point sur le marché du véhicule neuf. Sans surprise, l’entité de BNP Paribas dresse le constat d’un marché moribond depuis la crise de la Covid-19. Mais, au-delà de cette observation, l’organisme s’est interrogé sur la manière dont l’industrie pourrait rebondir. Pour réaliser son étude, l’Observatoire Cetelem, accompagné du cabinet de conseil C-Ways, a interrogé 15 774 automobilistes dans 13 pays, dont près de 3 144 en France. Et les chiffres varient d’un pays à l’autre.
Ce n’est pas la première fois que le secteur automobile traverse une crise. Il suffit, pour s’en convaincre, de se rappeler celle des subprimes en 2008, où l’automobile avait connu un choc avant de repartir rapidement dès 2009. "Ce qui caractérise la crise de la Covid-19, c’est sa durée. Le marché, durablement touché, aura mis cinq ans pour retrouver des couleurs", souligne Flavien Neuvy, directeur de l'Observatoire Cetelem.
Il suffit de comparer la période d’avant-crise sanitaire (2015-2019), durant laquelle entre 16 et 17 millions de véhicules ont été immatriculés, avec les 11,75 millions d’unités en moyenne sur la période post-crise, de 2020 à 2025. Comme le précise l’Observatoire Cetelem, en cumulé, sur cinq ans, le déficit de renouvellement dépasse les 20 millions de véhicules particuliers.
Un marché à la peine
En dehors des États-Unis et de la Chine, qui renouent avec la croissance de leurs volumes de vente (respectivement 2 % et 5 %), la majeure partie des marchés européens peine à garder la tête hors de l’eau sur la période 2023-2024. Sur le Vieux Continent, l’Espagne et le Portugal font figure d’exception, avec des augmentations de volumes de vente de l’ordre de 13 % et 7 %. Mais l’écart demeure important entre les pays.
D’autre part, en dehors de la Chine, premier marché mondial, aucun pays n’a retrouvé ses volumes d’avant-crise. L’Europe compte ainsi un million de véhicules en moins par rapport à la période pré-Covid. En France, la moyenne annuelle des immatriculations accuse une différence de 500 000 à 600 000 véhicules, "ce qui représente un manque à gagner de trois milliards d’euros pour l’État", assure Flavien Neuvy.
La baisse des immatriculations de véhicules neufs se traduit mécaniquement par un vieillissement du parc. En dix ans, l’âge moyen d'une voiture est passé de 9 ans (2014) à 11 ans (2024). "Cette baisse des volumes pose des questions économiques, puisque les constructeurs ont tendance à produire moins, ce qui a un impact sur de potentielles fermetures de sites et sur l’emploi. Mais cela a aussi des conséquences environnementales, puisque les véhicules plus âgés émettent davantage de CO₂", souligne le directeur de l'Observatoire Cetelem.
Une hausse des prix impactante
Si, dans 92 % des pays interrogés, l’automobile bénéficie d’une bonne, voire très bonne image, d’où vient alors cette fébrilité du marché ? Selon les résultats de l’étude, le principal coupable est clairement identifié : le prix des véhicules. Pour 89 % des personnes interrogées dans le monde, le prix moyen des voitures neuves est plutôt, voire très élevé. Une proportion qui grimpe à 94 % en France et 95 % en Italie et en Turquie. Seule exception notable : la Chine, où seulement 55 % estiment les prix trop élevés.
Les prix se sont en effet envolés depuis 2020, ce qui n’a pas échappé au panel des 13 pays. Ainsi, 84 % des interrogés estiment que le prix des voitures a beaucoup augmenté, une proportion atteignant 88 % en France. Pour 54 % d’entre eux, cette hausse n’est pas justifiée, particulièrement chez les automobilistes français. Pour l’ensemble des répondants, le prix est le premier critère d’achat (36 %), suivi du coût d’entretien (25 %).
Cette hausse faisait partie de la stratégie des constructeurs pour compenser la faiblesse des volumes. Pour l’Observatoire Cetelem, il faut désormais sortir de cette logique en proposant des modèles moins onéreux. "L’augmentation du prix des véhicules a eu pour effet d’évincer les ménages les plus modestes ; les constructeurs choisissant d’une certaine manière leurs clients. Ainsi, la part des déciles 1 à 6 dans l’achat de véhicules est passée de 4 % en 2019 à 30 % en 2024", explique Flavien Neuvy.
Le prix : levier majeur
Le constat étant posé, l’Observatoire Cetelem propose cinq voies pour "activer le rebond". Le principal levier étant le prix, l’entité de BNP Paribas suggère aux constructeurs de proposer des véhicules moins chers et plus simples. Selon l’étude, ce point est une priorité pour un interrogé sur deux – et une priorité pour 66 % des Français, la proportion la plus élevée des 13 pays étudiés.
Pour deux tiers des automobilistes, les constructeurs doivent réduire leurs marges pour faire baisser les prix. Plus de la moitié du panel considère également que les constructeurs devraient privilégier la production de voitures neuves dans les pays où la main-d’œuvre est moins chère, "même si cela peut avoir un impact environnemental ou social néfaste".
L’Observatoire Cetelem recommande aussi de simplifier l’offre pour réduire les coûts. Un tiers des conducteurs en France (38 %, contre 32 % dans le monde) estime pertinent de produire et de vendre des véhicules avec moins d’options de personnalisation. Cette diminution concerne aussi les aides à la conduite, citées par 26 % des répondants, devant la production de véhicules moins grands et moins lourds (24 %).
Une stabilité des politiques publiques
Comme l’a montré l’exemple du leasing social, les politiques publiques ont un impact non négligeable sur le volume des ventes. Or, pour 73 % des Français et 68 % des Européens, "les règles du jeu" sont trop floues – voire insuffisantes pour 79 % des Français et 73 % des Européens. "Nous le voyons très bien en France : le manque de clarté et de simplicité crée de l’attentisme, et plus personne ne croit aux décisions publiques. Personne ne sait ce qu’il va se passer, y compris les constructeurs, et cela pénalise la filière", souligne Flavien Neuvy.
Pour 73 % des Français (deux points de plus que la moyenne mondiale), il est nécessaire d’assouplir certaines normes et réglementations. Trois personnes sur quatre attendent aussi des pouvoirs publics qu’ils encadrent le prix des voitures. L’Observatoire Cetelem suggère également aux constructeurs de travailler davantage l’esthétique des voitures.
"Il ne faut pas négliger la dimension sentimentale de l’automobile. Nous voyons des constructeurs avec une gamme réduite, mais qui font un carton, car le design plaît. Je peux citer la Fiat 500 ou, plus récemment, la Renault 5", explique le directeur de l'Observatoire Cetelem. Une constatation confirmée par le sondage : pour 70 % des Français (et du panel mondial), l’esthétique d’une voiture est un critère très important.
Les distributeurs, acteurs essentiels de la relance
Enfin, l’Observatoire Cetelem recommande de "faire confiance aux distributeurs". Ces derniers bénéficient d’une image positive : 68 % des interrogés dans le monde et 67 % en France ont une bonne image des concessionnaires, et 66 % voient positivement les vendeurs. Plus de 70 % affirment avoir confiance en leur concessionnaire pour répondre à leurs besoins et les conseiller en vue d’un "bon achat".
En France, 57 % des personnes interrogées estiment que les politiques publiques concernant la distribution – comme le bonus-malus ou le leasing social – vont dans le mauvais sens. Cette proportion monte à 60 % en Allemagne, contre 49 % au niveau mondial. Sur la question de l’achat en ligne, les avis divergent selon les pays : en France, seuls 43 % se disent prêts à acheter une voiture neuve exclusivement sur Internet. À l’inverse, huit Chinois sur dix franchiraient le pas. Pour les sceptiques du parcours digital, l’impossibilité d’essayer le véhicule reste un frein majeur.
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