L'automobile sous l'emprise électrique
Le véhicule électrique, avec ses bons points et ses contraintes, a toujours fait partie du monde automobile. Au début du siècle dernier, ces modèles étaient même majoritaires dans certaines villes, avant que le pétrole et les moteurs thermiques ne prennent le pouvoir pour des raisons pratiques et économiques. L’électrique aura donc attendu près de 100 ans pour revenir au premier plan, même si les causes de ses échecs successifs dans le passé ne sont pas réglées.
Cependant, ce retour dicté par une légitime pression environnementale l’est aussi par le législateur qui n’a pas pour autant rempli sa part du défi, notamment sur les infrastructures de recharge. Mais c’est un autre sujet. Pressés, les constructeurs ont donc engagé un virage, voire un 180 degrés, vers la mobilité électrique. Les annonces s’enchaînent, faisant de la décennie qui s’ouvre sans doute la dernière des moteurs thermiques comme on les connaît aujourd’hui.
Une accélération de la bascule
Sans viser l’exhaustivité, voilà les grands programmes lancés par les constructeurs pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, se calant ainsi sur l’Accord de Paris signé durant la COP 21. La transformation la plus radicale, et la plus spectaculaire au regard des investissements annoncés, est celle du groupe Volkswagen qui, avec le Dieselgate, a notamment fait accélérer les décisions politiques dans le domaine. Il va ainsi investir 46 milliards d’euros à l’horizon 2025, pour développer des voitures électriques et hybrides rechargeables. Il compte notamment lancer plus de 70 modèles 100 % électriques d’ici 2030. À cette même date, les VE de la marque VW devraient représenter 70 % des ventes européennes et 50 % en Amérique du Nord et en Chine. Et toutes les marques sont concernées. Par exemple, à l’échelle mondiale d’ici 2025, Audi, qui disposera de 20 VE notamment, souhaite réaliser un tiers de ses ventes avec des produits électrifiés, Porsche 50 % (80 % en 2030) et même Bentley va voir passer sa gamme au 100 % électrique d’ici 2030.
D’autres ont été encore plus radicales. Ainsi, Ford a annoncé que son offre VP européenne serait entièrement électrique à la fin de cette décennie, avec une étape en 2026, où tous les modèles auraient une version électrifiée. La trajectoire est proche pour Land Rover qui lancera son premier véhicule zéro émission en 2024, avec un objectif de 60 % d’immatriculations non thermiques d’ici 2030. En revanche, pour Jaguar, la conversion totale aux watts est prévue dès 2025. Une autre marque britannique a également annoncé son passage au 100 % électrique. En effet, la gamme Mini ne sera propulsée que par des batteries d’ici 2030. La marque BMW ne sera pas aussi radicale, mais les objectifs sont tout de même élevés : vendre 10 millions de VE au cours des 10 prochaines années. En 2030, BMW souhaite que la moitié de ses ventes mondiales soit réalisée avec des modèles électriques.
Toyota se lance
Parmi les premiers à avoir annoncé l’électrification de sa gamme, Volvo comptera dans les semaines à venir, en plus des hybrides rechargeables, deux modèles 100 % électriques : le XC40 Recharge et le C40 Recharge. La gamme devrait avoir basculé vers le 100 % électrique d’ici 2030. Le changement est aussi à l’œuvre chez Mercedes‑Benz. En plus de pouvoir compter sur une vingtaine de modèles hybrides rechargeables dès aujourd’hui, la marque à l’étoile lance cette année sa véritable offensive électrique. Après l’EQC, Mercedes‑Benz va commercialiser d’ici 2022 six modèles EQ, son label pour les véhicules électrifiés, dont les EQA, EQB, EQS et EQE. Si le groupe vise la neutralité carbone à l’horizon 2039, au plus tard, il estime que ses modèles électrifiés et électriques représenteront plus de 50 % de ses ventes mondiales d’ici 2030.
Toyota, le pionnier de l’hybridation et de l’hydrogène, a également revu ses objectifs en matière de véhicules électriques. Plutôt timide jusqu’ici sur les véhicules à batterie, le nippon vient de changer de braquet en annonçant le lancement de 15 modèles zéro émission d’ici 2025. De plus, l’hydrogène demeure une pièce maîtresse dans la quête de la neutralité carbone. Le coréen Hyundai-Kia n’est pas en reste sur le sujet. En effet, le groupe a dévoilé, en décembre 2020, une nouvelle plateforme dédiée à l’électrique. Baptisée E‑GMP, pour Electric‑Global Modular Platform, elle servira de base à 11 des 23 modèles électriques lancés par le groupe d’ici 2025. À cette même date, il a l’ambition d’avoir vendu 1 million de VE. Pour la griffe Hyundai, l’Ioniq 5 va inaugurer cette plateforme et il sera rejoint par les Ioniq 6 et 7 d’ici 2024. La marque cousine Kia a aussi des ambitions illustrées par l’EV6 dévoilé récemment. Ainsi, Kia va lancer 11 modèles électriques d’ici 2026 et estime que les VE représenteront 20 % de ses ventes mondiales dès 2025.
Renault et Stellantis dans la course
Logiquement, les constructeurs français n’échappent pas à la règle. Ainsi, Stellantis a annoncé que son offre va monter en puissance pour que les modèles électrifiés (et principalement 100 % électriques) occupent la quasi‑totalité de son catalogue européen en 2030, avec une étape à 38 % en 2025. Outre‑Atlantique, la part est moins forte mais va, elle aussi, prendre de l’ampleur. Le groupe vient d’ailleurs de présenter sa nouvelle feuille de route avec, notamment, le développement de 4 plateformes dédiées aux véhicules électriques.
Chez Renault, engagé dans l’électrique depuis bientôt 10 ans, le dernier plan Renaulution a précisé les objectifs. Ainsi, pour la marque au losange, parmi les 19 modèles qui seront lancés d’ici 2025, 7 seront 100 % électriques. Dès la fin de l’année, la Megane‑e sera une réalité et il faudra patienter jusqu’en 2023 pour redécouvrir la R5 100 % électrique. L’ensemble de ces modèles devrait représenter 30 % des ventes en 2025 et les hybrides devraient, eux, s’adjuger 35 %. Le ratio sera encore plus net chez Alpine, puisque la marque dieppoise va commercialiser 3 modèles dans les années à venir et ils seront tous à batterie. À l’horizon 2030, 90 % des modèles vendus seront électrifiés. Plus largement, le groupe Renault vise la neutralité carbone en 2040 en Europe et en 2050 à l’échelle mondiale.
Le risque de la monotechnologie
La bascule vers l’électrique est donc bien lancée, elle semble même irréversible, bien que tout ne soit pas encore très clair. De nombreuses questions subsistent. Quel sera l’impact environnemental réel de cette mutation ? Les centres-villes devraient effectivement être moins pollués, mais qu’en sera‑t‑il ailleurs, notamment sur les lieux d’exploitation des matières premières nécessaires aux batteries ? Ne va‑t‑on pas se réveiller un jour en jugeant l’électrique avec un autre prisme, comme le changement qui a conduit au bannissement du diesel ? Enfin, n’est‑ce pas dangereux de faire "tapis" sur une seule technologie ? D’autant que l’on n’en maîtrise pas la chaîne de valeur.
L’hydrogène tiendra‑t‑il ses promesses ? Beaucoup y croient, les constructeurs comme les équipementiers. D’ailleurs, Plastic Omnium et Faurecia se sont bien positionnés sur ce marché, comme Bosch qui vient d’annoncer un investissement de 1 milliard d’euros sur cette technologie d’ici 2024. Enfin, les carburants de synthèse ne pourraient‑ils pas, eux aussi, jouer un rôle dans ce futur ? Sans doute. Mais une transition radicale ne permet pas de courir plusieurs lièvres à la fois et augmente ainsi le risque de partir dans la mauvaise direction. Enfin, l’emploi sera largement impacté durant cette transition, car les VE sont constitués de moins de pièces et demandent un tiers de main-d'œuvre en moins pour être assemblés. Rien qu’en France, près de 100 000 postes seraient menacés.
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