S'abonner
Constructeurs

La stratégie risquée de Renault

Publié le 14 mars 2012

Par David Paques
3 min de lecture
Jean-Philippe Gilbrin, expert en stratégies de marques et professionnel de la communication, évoque pour le Journal de l’Automobile ses impressions laissées par la récente joute publicitaire entre la marque au blitz et celle au losange.
Diplômé du Celsa, Jean-Philippe Gilbrin a travaillé pour diverses agences – Publicis, Mc Cann, puis JWT –, avant de créer une agence Web en 2000. Ancien directeur associé d’Isobar, il est aujourd’hui directeur de L’Enchanteur.

La genèse
Cela a commencé, voilà quelques années, par la signature de marque de Volkswagen : “Das Auto”. C’était la première revendication ainsi assumée de l’origine allemande comme gage de statut. On ne s’attendait pas à ce que ce soit Volkswagen parce que, jusqu’alors, l’image de solidité allemande était davantage portée par Audi ou Mercedes. De surcroît, la marque de Wolfsburg était plutôt considérée comme le trublion du landernau publicitaire. L’idée de cette nouvelle orientation étant de capitaliser sur une réputation de robustesse et de haut de gamme des produits allemands. Opel s’est ensuite engouffrée dans cette voie, avec une référence à son origine allemande prégnante au point de tourner un spot en allemand non doublé. La publicité étant une forme de réceptacle ou de miroir de la société, cette campagne est assez en phase avec l’actualité. Opel a ainsi récupéré la notion de “modèle allemand” et profite d’un amalgame positif avec le modèle économique allemand cité aujourd’hui en exemple.

La mise en abîme
Avec la réponse de Renault, c’est une des premières fois en France que deux marques s’inscrivent dans un jeu aussi assumé de concurrence par publicités interposées. C’est plus léger. Plus joyeux. Le jeu a déjà existé, mais pas en France et pas de manière aussi évidente. Aux Etats-Unis, Pepsi et Coca-Cola se répondent de cette manière depuis plus de trente ans. Nous ne sommes pas dans le plagiat. On navigue davantage entre l’hommage et la raillerie.

La portée
Qu’une marque française s’empare des codes germaniques pour se valoriser me paraît non seulement osé, mais également risqué. Renault crée une confusion. Sur le fond, sur l’analyse de la revendication et de l’usage, cela peut avoir un effet pervers. Dans la publicité, il convient de s’interroger sur les messages, mais aussi sur la trace laissée. On attend souvent de la publicité qu’elle soit novatrice dans sa forme d’expression et dans sa capacité à mettre en avant un avantage concurrentiel. Dans la campagne de Renault, le message est de dire que ses produits sont aussi bons que ceux des Allemands. Pour un groupe dont l’Etat est actionnaire, c’est un peu osé. Sous couvert d’une posture humoristique, on peut donc vraiment s’interroger sur les bénéfices réellement perçus. C’est à double tranchant.

Le risque
Pour Renault, je crois qu’il existe un risque. En quoi le constructeur a-t-il besoin d’autres valeurs de référence ? En quoi doit-il utiliser les valeurs d’expression d’un autre ? On peut en rire, mais on peut aussi s’interroger. Car il est également possible d’interpréter cette campagne comme l’incapacité de Renault à valoriser ses propres valeurs, son ADN. Renault ne pourrait-il donc pas capitaliser sur son identité, son histoire ou ses produits ? Est-il contraint d’être dans la réaction plutôt que dans la création ? Le Made in France ne vaut-il pas le Made in Germany ?

L’interrogation
Ces derniers mois, lorsque l’on a parlé de Renault dans les médias, c’était pour parler de destruction d’emplois, d’espionnage ou de résultats commerciaux au détriment du produit lui-même. La raison d’être de cette campagne serait-elle simplement de redonner de la légèreté à la marque ?

Le profit
Finalement, la campagne initiée par Opel s’avère presque générique et bénéficie à l’ensemble des constructeurs allemands. Des constructeurs qui n’en ont pas forcément besoin puisqu’ils enfoncent le même clou depuis bien longtemps. Aujourd’hui, en effet, personne ne doute de l’association entre produits allemands et solidité. Pour Renault, le bénéfice reste plus incertain. Oui, la marque fait un peu le buzz avec sa campagne, mais elle fait surtout sourire les publicitaires. Et, in fine, fait-elle plus vendre de Renault ?

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

Laisser un commentaire

cross-circle