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Constructeurs

Julien Robert, MG Motor France : "Garder entre 15 et 20 % d’écart de prix avec nos concurrents"

Publié le 12 janvier 2024

Par Catherine Leroy
8 min de lecture
MG Motor a terminé l’exercice 2023 avec 34 441 immatriculations de voitures neuves alors que son objectif initial était de 25 000 unités. Après trois ans de présence sur le territoire, la marque obtient déjà 1,9 % de part de marché. Julien Robert, directeur commercial de MG Motor France, explique sa stratégie.
Julien Robert, directeur commercial de MG Motor France. ©MG Motor

Le Journal de l’Automobile : Dès l’annonce du score environne­mental pour la définition du futur bonus, la marque MG Motor avait été pointée du doigt par la ministre de la Transition écologique comme ne pouvant plus bénéficier de cette aide. Aviez‑vous quand même déposé un dossier ?

 

Julien Robert : Nous avions tra­vaillé le sujet mais nous avons fait le choix de ne pas déposer de dos­sier. Comme d’ailleurs la plupart des marques chinoises. Nous savions que nous avions perdu d’avance car le score tel que défini dans son mode de calcul ne nous permettait pas d’obtenir la note minimale pour prétendre au bonus. De plus, nous n’avions pas très envie de communi­quer des informations très confiden­tielles, alors que nous étions certains de ne pas en profiter.

 

 

J.A. : Est‑ce que cela veut dire que vous ne tenterez pas votre chance plus tard ?

 

J.R. : Nous y réfléchissons notam­ment parce que déposer un dossier nous permet de faire un recours ensuite. Mais le calcul reste assez complexe et pour l’instant, quelle que soit l’énergie utilisée dans vos usines, celle‑ci n’est pas vraiment prise en compte car chaque pays est assorti d’un index un peu arbi­traire. Mais avant de modifier toute une chaîne industrielle, nous aime­rions avoir plus de visibilité. Je vous avoue que nos dirigeants sont assez circonspects vis‑à‑vis des décisions gouvernementales.

 

 

J.A. : Ces derniers ont annoncé vouloir pro­duire en Europe. Cette prise de déci­sion a‑t‑elle avancé ?

 

J.R. : Nous allons devoir produire plus près du marché européen. Nos volumes de vente étant en croissance, cette localisation sera plus intéressante notamment au regard des coûts logistiques, sans parler des menaces potentielles de hausse des droits de douane.

 

 

J.A. : Quel est le coût du transport au­jourd’hui pour amener une voiture produite en Chine ?

 

J.R. : En moyenne, le transport coûte 1 200 euros par véhicule, dont 500 euros uniquement pour le transport en France. À cette somme, il faut ajouter 10 % de droits de douane, soit environ 3 000 euros pour une MG4.

 

A lire aussi : Les marques chinoises en Europe : une présence à relativiser

 

J.A. : Le choix français du calcul du bonus peut‑il influencer une implantation industrielle en France ?

 

J.R. : La décision aurait pu être influencée dans le bon sens mais je vous avoue que l’effet inverse se produit. En France, les règles du jeu ne sont connues que quelques jours avant leur mise en application. Or, décider de l’implantation d’une usine se fait au moins cinq années en avance. Et le message du gou­vernement de vouloir bloquer les constructeurs chinois a été un peu rude à entendre. Comment investir dans l’Hexagone, par exemple, sans savoir quelles seront les règles dans deux à trois ans ? Nous avons des difficultés à défendre un projet en France par rapport à d’autres pays, comme la Grande‑Bretagne, l’Alle­magne, l’Europe centrale, où les dé­cisions sont un peu plus stables. Les Chinois imaginaient l’Union euro­péenne comme une zone où, certes, chaque pays garde sa souveraineté, mais avec une sorte de consensus. Or, il est difficile de voir l’Europe comme un bloc uni. L’annonce du pays d’installation en Europe se fera en 2024 ou 2025, pour une produc­tion au plus tôt en 2026.

 

 

J.A. : Allez‑vous compenser cette perte du bonus en France ?

 

J.R. : Nous l’avons décidé avec notre réseau lors de la convention organi­sée en fin d’année dernière. Avec un bonus qui tombe à 4 000 euros pour tous les particuliers, nous pourrons compenser cette aide. Nous allons faire un équilibre entre les marges du réseau qui sont très bonnes et les nôtres. Le bonus sera donc pris en charge pour tous nos véhicules élec­trifiés au moins pendant le premier trimestre et sans doute toute l’année. Nous savons que cette perte du bo­nus aura un impact sur nos ventes, de l’ordre de 30 %, en 2024. Notre crainte porte sur le marché de l’élec­trique en général d’ailleurs.

 

 

Avec un bonus qui tombe à 4 000 euros pour tous les particuliers, nous pourrons compenser cette aide

 

 

J.A. : Vous pensez que les ventes de véhi­cules électriques vont baisser ?

 

J.R. : Absolument. En Allemagne, qui est notre marché de référence, les ventes de voitures électriques ont déjà chuté de 22 % sur les premiers mois de l’année 2023 et toutes les marques ont été touchées au mo­ment des modifications des règles du bonus. Nous pensons que les clients seront également perdus en France. La dynamique du marché électrique va être freinée. Le gouvernement s’est un peu tiré une balle dans le pied avec ce bonus. Jusqu’à pré­sent, nos clients pensaient faire une bonne affaire en choisissant un vé­hicule électrique souvent au même prix qu’un thermique. Ce sera plus difficile maintenant. Nous serons tous un peu perdants.

 

 

J.A. : Et malgré cette compensation du bo­nus, parviendrez‑vous à réaliser des profits ?

 

J.R. : Oui. Notre souhait est avant tout d’équilibrer nos résultats et non de faire de gros profits. Nous préférons investir et atteindre très vite nos objectifs de vente pour ga­gner du parc, plutôt que de mettre 15 ans à payer des frais fixes, des salaires, du marketing. Avec une compensation du bonus à 4 000 eu­ros, nous allons cibler nos offres et mieux diriger notre message mar­keting. C’est ce que nous avons fait avec notre offre de leasing social, qui amène le client dans les conces­sions. L’important n’est pas tant le tarif mais plutôt l’écart de prix avec nos concurrents. Aujourd’hui, il oscille entre 10 000 et 15 000 euros, sur une MG4 par rapport à une Me­gane E‑Tech.

 

 

J.A. : Quel écart de prix souhaitez‑vous préserver avec vos concurrents ?

 

J.R. : Entre 15 et 20 % au minimum, mais tout dépend des modèles et des concurrents.

 

 

J.A. : Comment parvenez‑vous à maintenir un tel écart ?

 

J.R. : Nous économisons beaucoup d’argent sur notre rotation qui est très rapide et vaste au niveau européen. Notre catalogue est unique dans tous les pays. Chaque direction nationale peut se positionner sur toutes les voitures qui arrivent chaque semaine par bateau. Nos achats se font di­rectement à partir du moment où le bateau arrive. Nous n’avons pas d’op­tions, mais trois versions par modèle et la même gamme partout en Eu­rope. Ce qui nous évite de mettre des moyens commerciaux pour sortir les stocks et permet au client d’avoir sa voiture très vite. Nos véhicules ne se promènent pas partout en Europe sur des camions et l’usine peut tour­ner en permanence. Nous gagnons beaucoup sur cet aspect.

 

 

Le gouverne­ment s’est un peu tiré une balle dans le pied avec ce bonus

 

 

J.A. : Quels sont vos objectifs de part de marché en France ?

 

J.R. : Nous voulons atteindre entre 3 et 5 % de part de marché. Nous obte­nons déjà 1,9 % pour l’exercice 2023. Ce qui est déjà très bien en trois ans de présence en France. En volume, nous nous sommes fixés un objectif entre 60 000 et 100 000 véhicules, ce qui ferait de nous le 3e ou le 4e im­portateur du marché français. Cela peut paraître très ambitieux mais faire 70 000 voitures est à notre por­tée. En Angleterre, MG Motor a im­matriculé 78 000 véhicules en 2023.

 

 

J.A. : Comment travaillez‑vous avec le réseau ?

 

J.R. : Dès le 4e trimestre 2023, nous avons supprimé tous les objectifs du réseau et avons décidé de lui garan­tir des prix fixes. Aujourd’hui, un distributeur a plutôt entre 8 et 10 % de marge, parfois plus. En 2024, ce sera entre 7 et 8 %. La différence avec d’autres marques est que nous proposons une marge contractuelle. Le distributeur dispose à la base de 12 ou 13 % de marge, mais il peut en laisser une partie au client. Nous voulons que nos distributeurs soient convaincus de travailler avec la marque et investissent. Nous irons plus vite si nos 150 distributeurs sou­tiennent et amplifient sur le terrain nos offres nationales. Nous n’avons pas trop la philosophie de mettre des coups de bâton. Nous voulons que nos distributeurs soient heureux avec la marque et nous leur donnons de l’autonomie pour cela. Cela fonc­tionne bien jusqu’à présent. Et même si cette année sera plus compliquée avec la perte du bonus, tout le travail que nous faisons doit servir pour la progression. N’oublions pas que cette année, nous lançons le Cybers­ter, la MG3 avec une offre en hybride (en fin de premier semestre), ainsi qu’une version hybride du ZS et un autre produit. Il faut que les conces­sions, les structures humaines soient anticipées pour bien accompagner le développement de la marque.

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