S'abonner
Constructeurs

John Elkann et Luca de Meo : "L’Europe doit sauver sa voiture populaire"

Publié le 6 mai 2025

Par Damien Chalon
4 min de lecture
Dans un entretien accordé au Figaro, John Elkann, président de Stellantis, et Luca de Meo, directeur général du groupe Renault, alertent sur les dangers imminents qui menacent l’industrie automobile européenne et plaident pour une réglementation spécifique sur les petites voitures. Les deux patrons se rejoignent sur les constats et les mesures d’urgence à prendre.
elkann de meo
John Elkann et Luca de Meo tirent la sonnette d'alarme pour sauver l'industrie automobile européenne.

Dans un contexte de déclin du marché automobile européen, Luca de Meo, directeur général du groupe Renault, et John Elkann, président de Stellantis, unissent leurs voix pour alerter sur les conséquences des réglementations européennes. Lors d’un entretien accordé au Figaro, les deux patrons plaident pour une réorientation vers des véhicules abordables, adaptés aux besoins des consommateurs européens.

 

Depuis 2019, les ventes de voitures en Europe ont chuté de 18 à 15 millions d'unités. Les deux dirigeants estiment que, sans changement, le marché pourrait se réduire de moitié d'ici une décennie. Ils attribuent cette tendance à des réglementations qui alourdissent les coûts de production, rendant les véhicules moins accessibles.

 

Renouer avec la tradition des voitures populaires

 

"Les règles européennes font que nos voitures sont toujours plus complexes, toujours plus lourdes, toujours plus chères, et que les gens, pour la plupart, ne peuvent tout simplement plus se les payer", lance Luca de Meo. "Entre 2015 et 2030, poursuit-il, le coût d’une Clio aura augmenté de 40 %. Cette augmentation est à 92,5 % attribuable à la réglementation."

 

Les deux dirigeants en appellent à l’UE pour renouer avec la tradition des voitures populaires, très prisées en Europe du Sud, notamment en France, en Italie et en Espagne. "Ces trois pays, explique John Elkann, sont les plus concernés, leurs populations sont les acheteurs de ces voitures dont les prix ont augmenté, et en sont aussi les producteurs. Et ils pèsent ensemble plus que l’Allemagne en termes de production. Il est important que ces pays fassent de la promotion de leur industrie une priorité."

 

 

Luca de Meo demande la mise en place d’une "réglementation différenciée pour les petites voitures", arguant qu’il y a "trop de règles conçues pour des voitures plus grosses et plus chères, ce qui ne nous permet pas de faire des petites voitures dans des conditions acceptables de rentabilité. Ce n’est pas possible de traiter une voiture de 3,80 mètres comme une voiture de 5,5 mètres !"

 

John Elkann et Luca de Meo invitent les instances européennes à calculer les émissions sur l’ensemble du cycle de vie, et non plus du réservoir à la roue. Une méthodologie qui permettrait d’ouvrir la porte à des technologies moins onéreuses, comme les prolongateurs d’autonomie qui rencontrent un vaste succès en Chine.

 

Protéger l'industrie européenne

 

Un autre sujet est celui de la complexité des normes européennes. John Elkann annonce qu’un "quart de notre ingénierie est exclusivement consacré à la réglementation". "Il y a cent nouvelles réglementations qui vont s’appliquer d’ici 2030. Elles renchériront encore le prix de nos voitures de 40 %", complète Luca de Meo. Ils appellent à une simplification dans ce domaine.

 

"Ce qu’il nous faut, c’est un objectif, de la rapidité de décision et des certitudes. Nous ne demandons pas d’aide, seulement qu’on nous laisse travailler, innover et apporter aux gens les véhicules plus propres, mais aussi abordables, dont ils ont envie et besoin", affirme John Elkann. Et de prendre en exemple la Chine et les États-Unis qui soutiennent coûte que coûte leur industrie, là où l’Europe pénalise la sienne avec, par exemple, de potentielles amendes salées avec les règles CAFE. "Tous les pays dans le monde qui ont une industrie automobile s’organisent pour protéger leur marché. Sauf l’Europe", déplore le patron de Renault.

 

 

Les deux rivaux demandent aux instances européennes d’agir dès maintenant. "2025, c’est un moment charnière, prévient John Elkann. Le marché chinois va dépasser ceux de l’Europe et des États-Unis réunis. L’Europe doit choisir si elle veut encore être une terre d’industrie automobile ou un simple marché. Dans cinq ans, à ce rythme de déclin, il sera trop tard. Le sort de l’industrie automobile européenne se joue cette année."

 

L’avenir de l’industrie européenne est en jeu et, si rien ne change, les constructeurs devront prendre "des décisions douloureuses pour l’appareil de production", selon le président de Stellantis. "À l’inverse, dit-il, s’il y a une mobilisation autour d’un choix politique clair, si nous recréons un marché et des volumes, nous sommes l’un et l’autre convaincus que nous pourrons continuer à produire en Europe, y compris en Europe de l’Ouest."

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

Laisser un commentaire

cross-circle