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Constructeurs

Ford intime à Jaguar d’arrêter la production du site historique de Coventry

Publié le 1 octobre 2004

Par Alexandre Guillet
5 min de lecture
L'éloquence de l'histoire et le charme du mythe doivent parfois s'effacer devant la raison économique… Le groupe Ford vient ainsi d'arrêter la production de Jaguar sur le site de Browns Lane, berceau de la marque : 1 150 emplois sur 2 000 seront supprimés. Un plan de rigueur qualifié "d'absolue...
L'éloquence de l'histoire et le charme du mythe doivent parfois s'effacer devant la raison économique… Le groupe Ford vient ainsi d'arrêter la production de Jaguar sur le site de Browns Lane, berceau de la marque : 1 150 emplois sur 2 000 seront supprimés. Un plan de rigueur qualifié "d'absolue...

...nécessité" par Joe Greenwell, P-dg de Jaguar.


"Gloomy Friday". Sombre vendredi 17 septembre 2004… Jaguar vient d'annoncer l'arrêt de la production de voitures sur le site historique de Browns Lane. Un site datant de 1935 et intimement lié au nom de William Lyons, fondateur de la marque. Cette décision doit entraîner 1 150 suppressions d'emplois, principalement par le biais de départs à la retraite "volontaires", sur les 2 000 postes que comptait jusqu'alors le site. Maigre consolation pour les salariés concernés, Joe Greenwell, P-dg de Jaguar, a assuré que ces départs seraient traités "le plus généreusement possible". La nouvelle a cependant été vécue comme un coup de tonnerre par les salariés et les syndicats. Même si la menace se précisait depuis quelques mois déjà… PAG (Premier Automotive Group), qui rassemble Aston Martin, Land Rover, Volvo et Jaguar, a annoncé au second trimestre une spectaculaire perte avant impôts de 362 millions d'euros. Or, Ford a plusieurs fois spécifié que PAG, ainsi que la marque Lincoln, devaient impérativement contribuer aux bénéfices du groupe dès 2006 (l'objectif du groupe étant de dégager 7 milliards de dollars de bénéfices annuels avant impôts à cette date). Par ailleurs, à la fin du mois d'août, sous la pression de Ford, Jaguar avait annoncé une réduction de 11 % de son volume de production, soit 15 000 unités, pour 2004. La sanction est finalement tombée et le site de Browns Lane se trouve sévèrement amputé.

"Avec ses ventes, Jaguar ne peut pas assumer financièrement trois sites de production"

Seuls 310 employés resteront dans l'usine pour assurer l'activité de finition de bois et de marqueterie, activité qui concerne Jaguar, mais aussi Land Rover et Aston Martin. Symboliquement, une équipe de direction, comprenant notamment Bibiana Boerio, manager général de la marque, restera aussi basée à Browns Lane. Le reste du site sera vendu afin de dégager des liquidités qui seront affectées au nouveau plan de redressement de la marque.
Au moment d'expliquer ces coupes sèches, Joe Greenwell ne cachait pas son émotion : "Je ne présenterais pas ce plan aujourd'hui si je n'étais pas convaincu que c'est le bon et qu'il relève d'une absolue nécessité." Avant d'ajouter : "Certaines mesures sont sévères, nous en sommes conscients, mais elles ne sont que le reflet de la rude concurrence sur notre marché et de la nature globale de notre business." Du côté de la direction de Ford, le ton est plus prosaïque. Pour Mark Fields, vice-président exécutif Ford Motor Company, PAG et Ford Europe, "Jaguar ne peut tout simplement pas assumer financièrement trois sites d'assemblage avec des résultats annuels de 125 000 ventes". "C'est un coup dur pour Jaguar, mais, honnêtement, nous fonctionnions sur un "business model" qui offrait très peu de chances de rentabilité durable, sauf pour les périodes de taux de change très favorables. Bref, cela ne pouvait pas durer", explique-t-il. Concrètement, la décision de Ford dévoile au grand jour des insuffisances qui ont déséquilibré Jaguar jusqu'au vertige. Ainsi, la capacité de production de la marque est de l'ordre de 300 000 voitures par an, soit plus du double de ses ventes effectives dans le monde l'an passé ! "Nous avons actuellement une trop grande capacité de production", reconnaît sans détour Joe Greenwell. D'ailleurs, afin d'essayer d'optimiser la gestion des stocks, les ouvriers ne travaillent plus que quatre jours par semaine. En outre, au-delà même des errances commerciales de la X-Type, Jaguar peine à s'imposer en Europe et au Japon, tandis que ses ventes aux Etats-Unis ont terriblement souffert de la faiblesse du dollar face à la livre sterling.

La fermeture de Browns Lane s'inscrit dans un plan de redressement

La conjugaison de ces différents éléments structurels et conjoncturels ont donc dicté un plan de rigueur pour Jaguar. Liées à la quasi-fermeture de Browns Lane, deux autres mesures phares le constituent. Primo, 425 employés de Browns Lane se verront proposer une mutation sur le site de Castle Bromwich qui produit actuellement la XJ. L'exploitation du site de Castle Bromwich sera optimisée et ce dernier deviendra l'unique pôle de production "aluminium" de la marque. Jusqu'à présent, l'assemblage final et le garnissage des véhicules produits à Castle Bromwich étaient réalisés à Browns Lane… Secundo, 750 postes de type "cols blancs" vont être supprimés pour parvenir à "une organisation allégée, à une baisse de la masse salariale et à un re-dimensionnement du business de Jaguar", dixit un communiqué de la marque. En somme, Jaguar se résout à faire maigre pour les temps qui viennent. Une tendance encore accentuée par la décision de Ford de retirer Jaguar de l'écrin huppé de la Formule 1. Dans le cadre du plan de redressement, l'écurie est mise en vente dès la fin de cette saison (voir ci-contre). Cependant, Jaguar a annoncé quelques nouvelles un tantinet plus réjouissantes sur le front des produits. Une nouvelle sportive XK tout alu, connue sous le nom de code X150, sera produite à Castle Bromwich dès le début de l'année 2006. La berline XJ sera enfin proposée en version Diesel, tandis qu'une motorisation Diesel haut de gamme viendra à la rescousse de la X-Type. Enfin, d'autres nouveautés concerneront le marché américain. Ces annonces faites par la direction visent à démontrer que Jaguar n'abdique pas, mais elles ne sont toutefois pas de nature à rassurer pleinement sur le sort de la marque. Une marque qui représentait jusqu'alors 8 000 emplois sur trois sites différents en Angleterre. Mais les temps sont difficiles et personne ne peut vraiment être serein. A l'exception de la Bourse de New York : à l'annonce de ce plan de rigueur et de prévisions de bénéfices revues à la hausse, le titre Ford progressait de 2,9 %. 
 
Alexandre Guillet

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