FCA - Renault : est-ce vraiment bien terminé ?
Après 8 jours de suspens, d’échanges, de déclarations et communications, FCA vient finalement de retirer sa proposition de fusion faite à Renault. Un rétropédalage précipité, qui laisse les observateurs dans le brouillard. Brouillard d’une part sur les raisons de ce revirement. Du côté français et selon la version officielle, ce volte-face aurait été déclenché suite à un second report de la prise de décision. Le ministre de l’Economie, Bruno Lemaire, aurait voulu, avant tout vote final, aller convaincre au Japon les représentants d’une autre partie prenante incontournable de l’affaire, Nissan. Un nouvel atermoiement qui n’aurait pas plu à FCA. Pour d’aucun, l’omniprésence de l’Etat français, à travers Bruno Lemaire, aurait également contribué à crisper l’italo-américain, peu habitué à un interventionnisme aussi poussé dans les affaires industrielles.
Tandis que certains évoquent un possible véto posé en sous-marin par Nissan, se sentant menacé dans l’Alliance par la montée en puissance de Renault, d’autres soupçonnent en réalité des discordes bien plus profondes entre Renault et FCA. Les sujets de la valorisation ou de la gouvernance de la potentielle future entité pourraient être à l’origine de ce retrait plutôt brutal de FCA. « On est en train de parler d’un deal à 30 milliards d’euros, que FCA annule car le ministre de l’Economie français souhaite un délai pour convaincre une autre partie-prenante essentielle… Il a effectivement de quoi se poser des questions », souligne un spécialiste du marché automobile.
Un caprice de FCA ?
Dès lors, le brouillard tombe également sur la réelle intention de FCA d’enterrer ce projet, qui paraît pourtant indispensable à sa survie. Pour rappel, le groupe se trouve actuellement en bien mauvaise posture, avec des résultats financiers qui se dégradent de mois en mois, des investissements au point mort et, en conséquence, des retards irrattrapables sur des technologies devenues incontournables pour tout constructeur qui se respecte, comme l’électrification.
« Il n’est pas sûr que le deal ne se conclut pas, croit Eric Champarnaud, associé chez C-Ways. L’Etat actionnaire a fait valoir ses convictions et a fait son job en garantissant notamment l’emploi, l’acteur privé sollicité a montré qu’il avait une capacité de discernement, et tout cela a conduit à un petit jeu de je t’aime moi non plus, une sorte de caprice de FCA, un peu théâtral certes ». Des vicissitudes compréhensibles en somme, au regard de l’envergure de l'opération envisagée. « C’est une façon plus américaine qu’italienne de négocier », reprend l’expert du secteur automobile.
Déception du côté de Renault
De fait, un deuxième tour, avec Renault ou autre, ne serait pas exclu. Dans son dernier communiqué de presse, le groupe a d'ailleurs souligné « sa déception de ne pouvoir approfondir la proposition de FCA [...] Nous considérons que cette proposition est opportune, ayant beaucoup de mérite industriel et d'attractivité financière, créant un leader mondial de l'automobile, basé en Europe. » Le constructeur a clairement souhaité ménager la chèvre et le chou en déclarant être « reconnaissant de l'approche constructive adoptée par Nissan. Nous voulons remercier FCA de leurs efforts », a-t-il déclaré.
Si la fusion serait forcément plus compliquée avec Renault, du fait de son alliance avec Nissan, il faut tout de même se rappeler que PSA n’a jamais caché son intérêt pour le groupe qui lui permettrait de poser plus facilement le pied sur le territoire américain, à travers d’emblématiques marques. Même si, selon les dernières indiscrétions du Canard enchaîné, ce serait finalement PSA qui aurait refusé le deal avec l’italo-américain…
Et si c’était réellement terminé ?
Si les doutes demeurent donc sur la réelle fin des négociations entre les deux géants, se pose tout de même la question de l’après, pour Renault, en cas d’échec de la manœuvre avec FCA. « Renault sortirait clairement affaiblit de cette affaire vis-à-vis de Nissan. Cette histoire, extrêmement médiatisée, notamment du côté de l’Etat, a tourné au fiasco. Il paraît difficilement concevable que le français s'en sorte renforcé » analyse un autre spécialiste du secteur automobile. La réaction de la Bourse lui donne raison puisque, pour l’heure, l’action de Renault a plongé de 7,35 %, tandis que celle de FCA s’avère presque stable.
Un bilan que préfère toutefois nuancer Eric Champarnaud. « Cette fusion serait évidemment une belle opportunité pour faire face aux investissements et capitaliser sur la complémentarité géographique et technologique. Mais sa non-réalisation ne serait toutefois pas pour autant synonyme d’une situation dégradée. En clair, Renault a tout à y gagner mais finalement peu à perdre ».
Ne pas oublier Nissan et l’Alliance
Fusion ou non, Renault devra impérativement se préoccuper de la situation avec son partenaire depuis deux décennies. Les problématiques de rééquilibrage capitalistique et des droits de vote double ont largement contribué à noircir les relations entre le français et le japonais. « Même avec 43 % de capital, le pouvoir de Renault chez Nisan est très relatif, tant la relation est conflictuelle. Du côté japonais, on traîne clairement des pieds et l’histoire de la fusion n’a surement pas arrangé les choses », observe un analyste. Et la potentielle fusion entre Renault et FCA a également jeté de l’huile sur le feu, alors que Nissan avait déclaré s’être senti mis à l’écart sur ce projet. « Il ne faudrait pas que Nissan prenne comme prétexte l’échec des négociations entre Renault et FCA pour dénoncer une soit disant instabilité et faiblesse du français », prévient Eric Champarnaud.
Reste qu’une désalliance constituerait bel et bien un gros coup dur pour les deux constructeurs, tant les synergies se sont accrues depuis des années. L’enjeu est donc bien de consolider et de structurer l’entité, dans l’intérêt de tous, et surtout, de Nissan, dont la situation économique est loin d’être fleurissante.
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