Entretien avec Thierry Hubert, General Manager de la division automobile de Honda Motor Europe South pour la France : "Le développement de Honda en France passe par un réseau pérenne, sain et rentable"

...Journal de l'Automobile. L'année 2005 est à marquer d'une pierre blanche pour Honda France avec une progression de 31,4 % à 8 879 unités. Quelles ont été les clés de cette réussite ?
Thierry Hubert. L'année 2005 a été la parfaite continuité de l'année 2004 quand Honda France avait déjà progressé de 22 % à 6 756 unités. Même si, effectivement pour 2005, la progression de 31,4 % est encore plus spectaculaire.
Plusieurs modèles nous ont permis de poursuivre notre développement. A commencer par la Jazz dont le succès s'est confirmé (2 679 unités à + 22,61 %). Par ailleurs, notre gamme s'est encore un peu plus diésélisée. Ainsi le CR-V et le FR-V ont enfin reçu notre moteur I-CDTi 2,2 l de 140 ch et les résultats ont tout de suite été vérifiés : respectivement 2 458 et 600 unités. Enfin, comment ne pas parler du très bon accueil reçu par la nouvelle Civic en fin d'année ! Rien que sur la période décembre avril 2006, nous relevons 3 200 prises de commandes sur cette voiture soit autant que nos prévisions de ventes en année pleine.

JA. 2006 devrait donc voir le succès perdurer. Quel est l'objectif de cette année et quelles seront les ventilations des ventes ?
TH. Nous pensons poursuivre notre progression de l'ordre de 20 % en 2006 pour atteindre le cap des 12 000 unités. Comme je viens de vous le dire, la Civic devrait être l'élément déterminant de cette progression puisqu'elle pourrait représenter 40 % du mix de nos ventes. Le FR-V devrait, quant à lui, être commercialisé à hauteur de 1 200 unités sur une année pleine. Par ailleurs, les ventes de la Jazz, toujours avec deux moteurs essence, devraient représenter 2 800 voitures.

JA. Quelles sont les prochaines étapes de la croissance ?
TH. Pour 2008, nous estimons tout à fait réalisable le seuil des 16 000 voitures vendues dans l'Hexagone. Mais nous ne chercherons pas à faire du volume à tout prix. Honda est une marque Premium et se doit de respecter certaines caractéristiques. En outre, le développement de la marque passe aussi par la construction d'un réseau sain, pérenne et rentable.
Nous assistons aujourd'hui à un redémarrage de Honda en Europe. Outre les ambitions de croissance, les clients perçoivent aujourd'hui Honda différemment. La nouvelle Civic est d'ailleurs la meilleure preuve de cette nouvelle dynamique.

JA. Justement, la Civic a été couronnée pour son design, celui-ci est-il le début d'une nouvelle signature Honda pour de futurs modèles ?
TH. Tout à fait. La nouvelle Civic marque un tournant dans l'histoire récente de la marque mais paradoxalement renoue aussi avec ses gènes. Ces dernières années, Honda a peut-être sorti certains véhicules trop consensuels où l'image de marque était trop floue. Une image qui ne correspondait pas avec l'essence première de Honda. La Civic marque ainsi un tournant et un point d'ancrage référent dans le futur de la gamme. Je tiens d'ailleurs à rappeler que cette voiture est la première Honda spécialement développée pour l'Europe. Après le développement d'un premier moteur Diesel, c'est une fois encore la preuve des ambitions du constructeur pour le Vieux Continent.

JA. En attendant ces nouvelles échéances, quelle sera l'actualité produit pour la marque à plus court terme ?
TH. Notre gamme vient de recevoir la nouvelle Civic hybride sur laquelle nous comptons beaucoup, d'autant plus que le phénomène hybride se développe peu à peu en France. Par ailleurs, en octobre, nous verrons l'arrivée de la nouvelle Legend avec un moteur essence de 295 ch et enfin la Type R

FOCUS Quel est l'investissement pour l'après-vente Honda ? Outillage spécifique Honda : 12 408 euros Documentation spécifique Honda : 2 813 euros Abonnement annuel documentation électronique : 1 944 euros Outillage atelier général : 75 862 euros Outillage par baie de travail : 2 801 euros Carrosserie (en cas d'activité) : 86 921 euros (Tous ces prix sont hors taxes). En outre, l'infrastructure minimum pour l'après-vente Honda nécessite 2 baies de travail, une baie de pont, une baie de lavage, 110 m2 d'atelier, 20 m2 de magasin (stock <25 000 euros), une surface totale couverte de 130 m2 ainsi qu'un parking de 60 m2.

dévoilée à Genève sortira au début 2007. Par ailleurs, je vous donne rendez-vous au Mondial de Paris sur notre stand…

JA. Comment le réseau a-t-il vécu cette année 2005 et quelle a été sa rentabilité ?
TH. Notre réseau est vraiment le cœur de notre marque. Celui-ci a beaucoup souffert pendant plusieurs années en France. Désormais, il fait preuve de nouvelles ambitions et les produits sont là. Au regard des résultats, notre réseau travaille bien. Après le bon exercice 2005, notre début d'année 2006 est tonitruant : sur le premier trimestre, la marque progresse de + 47,33 % à 3 203 véhicules. Quant à la rentabilité du réseau, celle-ci était de 1,6 % avant impôts en 2005.

JA. Après quelques années difficiles, le réseau retrouve donc des couleurs. Quels sont ses nouveaux objectifs ?
TH. Nos opérateurs doivent comprendre que le plus important est leur santé financière et la stabilité de leurs affaires. C'est pourquoi les concessionnaires ont aujourd'hui certains critères à respecter et nous veillerons à ce qu'ils les respectent. Il en va de leur avenir. Ainsi, nos opérateurs reçoivent la visite deux fois par an d'inspecteurs chargés de vérifier la mise en place des standards, le respect des critères… En outre, tous les réseaux européens de Honda se lancent dans le programme "Alternative Premium Concept". Un programme, dont Honda Motor South Europe et Shigeo Hirose en particulier ont été les instigateurs, qui consiste à définir les bases d'une concession idéale. Le programme définira en particulier les nouvelles normes architecturales des concessions, mais aussi plus de standard pour la vente, l'accueil, l'après-vente… "Alternative Premium Concept" consistera à établir une relation de "fan à fan" entre le réseau et son client.

JA. Cela demandera des investissements supplémentaires à votre réseau ?
TH. Certes, nos concessionnaires auront à investir afin de répondre à ce projet mais ces investissements ne seront pas demandés de façon inconsciente. Rien n'est encore défini et nous sommes d'ailleurs en pleine réflexion sur le sujet.

JA. Le réseau dispose aujourd'hui de 70 partenaires pour 82 concessions (fin 2005). Sa taille vous paraît-t-elle suffisante ?
TH. Pas encore et c'est pourquoi nous recherchons aujourd'hui à développer notre couverture territoriale pour atteindre d'ici fin mars 2007 un réseau d'une taille de 94 concessions. Ce chiffre ne serait qu'une première étape puisqu'en 2008, nous espérons disposer d'un réseau de 106 points de vente. Un chiffre qui correspond davantage aux ambitions et à la taille de la marque en France.

JA. Quelles sont les zones libres qu'il reste encore à couvrir ?
TH. Ces zones libres ont tendance à se réduire. Nous venons d'ailleurs de confier le territoire du Mans. Toutefois, les secteurs de Paris et sa première couronne, les Yvelines (Chambourcy, Coignières), la Seine-et-Marne (Meaux, Melun, Fontainebleau), Metz, Reims, Caen et quelques autres restent encore à couvrir.

JA. Concernant Paris et la première couronne, le groupe Marani a repris le site de Saint-Maur-des-

CURRICULUM VITAE Nom : Hubert Prénom : Thierry Age : 41 ans Diplômé de l'Institut Supérieur de Gestion, Thierry Hubert a débuté sa carrière chez Ford en 1989 où il a occupé plusieurs postes de direction au sein du groupe, en France, en Allemagne et en Angleterre. En 2000, il intègre Fiat Auto France en qualité de directeur régional avant d'être nommé directeur des ventes France de Fiat-Lancia en juillet 2002. C'est le 2 avril 2004 qu'il est nommé General Manager de la division automobile de Honda Motor Europe South pour la France.

Fossés. Un grand groupe de distribution sur lequel vous vous appuierez pour développer une plaque Est parisienne ?
TH. A l'instar du groupe Hess, le groupe Marani est effectivement un des grands groupes de distribution qui a rejoint le réseau Honda en juin dernier. La marque est extrêmement satisfaite de compter le groupe Marani parmi ses opérateurs et souhaite poursuivre cette collaboration.

JA. Que demandez-vous à un futur opérateur Honda ?
TH. Hormis les critères exigés pour la vente et l'après-vente (voir encadré), ce futur concessionnaire doit apporter un fonds de roulement de 1 500 euros par VN ainsi qu'une garantie bancaire de 1 200 euros par VN. En outre, il faut prévoir au minimum 5 000 euros pour les frais de pose de l'identification, le matériel étant pris en charge par Honda. Par ailleurs, dans les villes recherchées, nous demandons à nos futurs concessionnaires d'obtenir une pénétration supérieure à la moyenne France avec les marques qu'ils peuvent représenter mais également d'avoir une certaine expérience de marque Premium. Nous serons patients pour trouver les opérateurs idoines et ne couvrirons pas pour le simple fait de couvrir.

JA. La clause De Minimis qui existe pour le réseau Honda n'est-elle pas un frein à l'heure où beaucoup de distributeurs optent pour le multimarquisme ?
TH. Cette clause, qui autorise les constructeurs réalisant moins de 5 % de parts de marché en Europe à demander à leurs opérateurs de conserver une exclusivité territoriale, nous arrange. Je rappelle que Honda est un constructeur indépendant. Or, nos dirigeants souhaitent que sur le terrain nos concessionnaires gardent également cet esprit d'indépendance. Nous l'exigeons et c'est ainsi. Ceux qui étaient contre ce principe nous ont quittés. Mais nos derniers résultats prouvent que ce n'est pas un frein à notre expansion.

 Propos recueillis
 par Tanguy Merrien