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Constructeurs

Entretien avec Patrick Gruau, président de Gruau : "Nous développer à un rythme raisonnable,"

Publié le 6 juillet 2007

Par Tanguy Merrien
11 min de lecture
Numéro 1 de la carrosserie sur véhicule utilitaire en Europe, le Groupe Gruau a profité de l'inauguration de son nouveau site lavallois (Mayenne) pour célébrer l'événement avec ses clients, partenaires et collaborateurs, ré-affirmer les valeurs du groupe et annoncer les nouveaux développements....
Numéro 1 de la carrosserie sur véhicule utilitaire en Europe, le Groupe Gruau a profité de l'inauguration de son nouveau site lavallois (Mayenne) pour célébrer l'événement avec ses clients, partenaires et collaborateurs, ré-affirmer les valeurs du groupe et annoncer les nouveaux développements....

...Commentaires de Patrick Gruau.


Journal de l'Automobile. Quel est le message que vous avez voulu faire passer auprès de vos clients, de vos prospects ?
Patrick Gruau. Le premier message est un message de remerciement, pour la confiance que tous nos clients nous apportent. Je n'oublie jamais qu'ils ont fait de Gruau ce qu'il est aujourd'hui. Dans notre projet d'entreprise, nous avons placé le client au cœur de notre organisation et avons pu ainsi  les fidéliser en leur apportant des produits innovants et de qualité et des équipes de professionnels spécialisés.  La présentation de notre  nouvel outil de travail à Laval a constitué le temps fort. C'était l'autre message que nous souhaitions transmettre : montrer que nous avons mis en place de nouveaux moyens  pour répondre aux nouvelles attentes dans le domaine des solutions de transport.


JA. Et pour vos équipes ?
PG. C'était la première fois que Gruau réunissait ses 850 collaborateurs, qui étaient presque tous présents alors qu'ils venaient d'Espagne, de Pologne, de Metz, de Saint-Etienne, de Grenoble etc. Ce n'était pas la moindre de mes fiertés de pouvoir tous les rassembler et cela a été un grand moment pour tous les visiteurs et distributeurs parce qu'ils ont découvert des équipes hyper motivées pour présenter leurs lignes de production, les produits qu'ils réalisent, les services ou leur organisation, leur savoir-faire et leur savoir-être, tout simplement. Les échanges que cela a générés ont été également précieux. Le contact direct des clients avec toutes les équipes, qu'elles soient commerciales, de développement, de production… est toujours très enrichissant. Nous mettons un point d'orgue à bien accueillir mais aussi à avoir un suivi personnalisé et convivial dans la relations Clients : la "manière" est tout aussi importante et complémentaire de l'expertise professionnelle de nos équipes.


JA. Pourquoi continuer à investir en Europe ?
PG. Nous travaillons dans le cadre d'un projet qui s'appuie sur quatre défis à relever. Le premier étant de consolider notre activité traditionnelle en développant notre activité réseau et grands comptes. Le deuxième défi, c'est de continuer à renforcer notre activité pour le compte des constructeurs. Le troisième défi, c'est d'internationaliser Gruau d'une façon plus forte que ce que nous sommes aujourd'hui, c'est un de nos champs de progrès. Le quatrième défi, c'est d'être attentif à l'évolution de tous les nouveaux moyens de transports de personnes en milieu urbain ou de marchandises. En fait, nous avons une phrase qui résume tout cela, qui est de dire que "tout ce qui roule en ville nous intéresse". Les énergies alternatives nous intéressent particulièrement parce qu'elles concernent de petites quantités de véhicules et nous savons traiter les petites quantités.


JA. Comment peut-on être compétitifs à Laval alors que les pays "low-cost" ne sont pas très loin ?
PG. Pour être très concret, nous avons emporté l'appel d'offre international concernant le marché du rehaussement sur les nouveaux Expert-Jumpy-Scudo parce que nous avons été capables de démontrer qu'il était moins onéreux et plus sécurisant de le réaliser à Laval. Et ce pour des questions de flux de production : s'il y a plus ou moins de demandes, nous pouvons adapter notre outil de production. Pour eux comme pour nous, les coûts et la gestion des problèmes étaient plus maîtrisables en considérant la production sur notre site lavallois plutôt que dans le cadre d'implantations auprès de leurs plateformes de production, telle Sevelnord. Par ailleurs, les constructeurs savent qu'un démarrage de production nécessite une grande proximité et une grande interactivité entre les équipes-projets et qu'il est plus aisé donc aussi, moins onéreux, de disposer d'un site qui allie les essais, les préséries et les premières mises en production à moins de deux heures de leurs bureaux d'études. Enfin, il est clair que nos sites sont choisis en fonction de leurs capacités logistiques, le nerf de la guerre et le site de Laval convient tout à fait aux besoins.


JA. Quelle est l'activité la plus rentable du groupe ?
PG. Difficile de répondre à cette question, compte-tenu de la nature de toutes nos activités. Il est bien évident que le métier de constructeur-concepteur qui est le plus nouveau pour nous, et qui est en phase de démarrage avec le microbus n'est pas le plus rémunérateur à l'heure actuelle. Nous sommes dans une phase d'investissement sur le moyen et long terme. Le véhicule vient de naître, nous avons fêté le 100 e, il y a 3 ou 4 mois seulement. Le point mort d'une telle activité ne s'obtient pas en un ou deux ans. Quant aux deux autres métiers, constructeur carrossier et constructeur équipementier, nous faisons en sorte qu'ils soient rentables mais, dans chaque secteur, vous avez des produits portés par le marché ou par une règlementation et d'autres qui le sont moins, en fonction de la période. Nous sommes très en prise avec chacun des secteurs de nos clients, en "collant au marché".
L'innovation, en revanche, peut permettre de vendre dans de meilleures conditions des idées qui vont apporter des fonctionnalités particulières aux clients utilisateurs. En clair, il n'y a pas de "vache à lait" ou des produits déficitaires dans le long terme. Notre projet stratégique définit ce cadre d'être N°1 ou N°2 dans chacun de nos domaines d'activités. C'est exigent mais réaliste, quand on travaille sur le marché de l'automobile. En conclusion, c'est une bagarre permanente et une adaptation de tous les jours.


JA. Vous officiez dans 7 grands domaines d'activités, ce qui est lourd en terme d'investissement, n'envisagez-vous pas de privilégier l'un ou l'autre de ses secteurs ?
PG. Gruau est une entreprise qui a près de 120 ans. Quand vous représentez la cinquième génération, quand vous êtes l'animateur d'un groupe familial éponyme, vous aspirez à le pérenniser. C'est le moins que vous puissiez faire pour les générations qui vous ont précédées, pour les personnes qui y travaillent aujourd'hui et pour celles de demain. Cela veut dire que mes deux moteurs, personnellement, sont pérennité et développement. Cela se traduit pour l'entreprise, par le fait qu'elle soit multi produits, multi sites et multi marques. Et aussi que notre plus grosse affaire ne représente pas plus de 4 ou 5 % de notre activité – en 1980, nous avions un client qui représentait à peu près 35 % de notre activité, c'était quelque chose qui n'était pas viable. Notre projet stratégique s'appuie donc sur la diversification de nos gammes, de nos clients et des constructeurs, avec lesquels nous travaillons. C'est pourquoi, nous n'avons pas cessé d'élargir le nombre de marques clientes, pour en avoir aujourd'hui 23 références ! Ce qui répond à notre logique de pérennisation. Concernant le deuxième moteur, le développement, je l'exprimerais ainsi : quand on stagne, on recule. Nous avons le devoir de nous développer de façon régulière. Et il faut sans cesse innover, proposer, "penser autrement" les modes de transport et ce qui les accompagne, comme les services.


JA. Vous privilégiez la croissance interne ou la croissance externe ?
PG. Nous développer à un rythme raisonnable, c'est justement associer croissance interne et externe de façon harmonieuse, ce que nous essayons de faire depuis 20 ans. La première date de croissance externe remonte à 1987 année où nous avons mené une opération de rachat d'une société se trouvant dans la région parisienne. La dernière est celle de Gruau Iberica en 2004. Mais cela passe aussi par de la conquête, pour nourrir les organisations en place. Le renforcement de nos structures dans le domaine des Clients Grands Comptes est un exemple. Je crois au développement harmonieux de l'entreprise sous cette forme. En l'an 2000, il devait y avoir 435 000 véhicules utilitaires pour la France, en 2005, 430 000, et dans le même temps en 5 ans, Gruau a multiplié son activité par deux. Nous nous sommes donc développés deux fois plus vite. Nous avons réalisé 130 millions de chiffre d'affaire l'année dernière, et nous devrions atteindre les 150 cette année.


JA. Quels sont vos objectifs stratégiques ?
PG. Nous sommes dans des métiers de niche et pour être compétitifs, il faut qu'on soit capable d'offrir un volume important, qu'on soit le numéro 1 ou 2 dans chacune de nos activités, comme évoqué précédemment. Nous en avons eu la confirmation lorsque nous avons racheté LABBE qui ajout ait une capacité de 2 000 grands volumes quand nous en faisions 500. Aujourd'hui, groupés, nous réalisons 4.000 fourgons et pouvons répondre efficacement à certains appels d'offres auxquels nous ne pouvions prétendre auparavant. Aujourd'hui, il est impératif d'être compétitifs tant au niveau des services qu'au niveau des produits pour rester dans la compétition européenne.


JA. Avec quels constructeurs travaillez-vous ?
PG. Nous travaillons avec tous les constructeurs qui font du véhicule utilitaire et aussi ceux qui ont des véhicules société. Nous voudrions convaincre un constructeur étranger de nous faire confiance comme Renault, Peugeot, Citroën ou même Fiat pour prendre en charge leurs transformations en série de VU.


JA. Comptez-vous vous développer en VP ?
PG. Gruau n'a pas pour vocation à se développer dans le VP ou ailleurs. Notre projet est centré sur le Véhicule Utilitaire et toutes ses déclinaisons. Nous souhaitons, comme le mentionne notre nouveau base-line de communication, être la référence dans ce domaine VU. Et nous n'envisageons pas plus d'aller dans la semi-remorque.


JA. Avez-vous des velléités internationales pour votre réseau de distributeurs ?
PG. Notre réseau qui regroupe, principalement des spécialistes de la carrosserie fonctionne très bien en France. Nous souhaitons donc développer notre réseau de l'autre côté des frontières. Nous avons déjà des correspondants en Grande-Bretagne, en Belgique, aux Pays-Bas en Allemagne et dans les DOM TOM. Au total, plus d'une vingtaine de contacts et nous allons étoffer ce réseau sur la zone Euromed et au travers de nos filiales qui travaillent déjà, pour certaines activités, dans les pays du Maghreb.


JA. Envisagez-vous une politique de franchise ?
PG. Chaque membre du réseau est maître chez lui et le contrat du distributeur est très précis pour cela. Notre vocation : que le distributeur ait un intérêt à travailler avec nous. Le principal argument réside dans le fait que nous avons la gamme la plus étendue en véhicules sociétés, en cabines approfondies, en véhicules isothermes, en fait pour tous les produits qui permettent de répondre aux demandes des utilisateurs En clair, nous apportons une gamme de produits homologués, que ces points-service ne pourraient développer autrement. Ils nous apportent la proximité Clients. C'est un service gagnant-gagnant.


JA. Quel est votre rapport à l'environnement ?
PG. Il faut prendre l'environnement au sens large. Nous avons été toujours très impliqués dans la vie de la cité tant au niveau environnemental qu'économique ou sociétal. Nous animons beaucoup d'actions école-entreprise, recevons environ 80 stagiaires par an. Par ailleurs, j'ai toujours rêvé d'une "belle usine à la campagne" pour que nos collaborateurs travaillent dans des conditions de sécurité optimisées et réalisent des produits de qualité.
Des locaux propres, bien rangés, fonctionnels favorisent les conditions de vie et l'envie que l'on a de se mettre à la place du Client pour le convaincre. Je crois que nous l'avons ici. Rien que sur ce site, nous avons planté quelque 5 500 arbres et  arbustes et transformé l'obligation d'un bassin d'orage en l'opportunité d'un espace paysagé au bord de l'eau. De la même façon, nous avons innové en matière de tri sélectif et veillons dès la conception des produits à la recyclabilité des produits et composants que nous utilisons.


JA. Ce qui nous amène aux véhicules peu polluants…
PG. En effet, nous avons une version tout électrique de notre microbus en exploitation depuis 18 mois à Nantes, et en test en depuis 4 mois sur Paris en version Stop and Start (en collaboration avec Valeo). C'est ainsi, également, que nous travaillons sur un appel d'offres de La Poste sur un véhicule électrique.


JA. Quels sont vos objectifs de croissance ?
PG. Le groupe Gruau est assez transparent et nous partageons avec l'ensemble des collaborateurs le cap à atteindre, à savoir 200 M€ et 6% de rentabilité d'exploitation à horizon 2010, et la manière dont nous comptons l'atteindre. Nous ne sommes pas "court-termistes". Je dirais que répondre à la demande du client n'est pas suffisant pour nous, pour le fidéliser, il faut le surprendre, le séduire et l'enthousiasmer. Et en terme d'actualité, je peux d'ores et déjà vous annoncer que nous venons de signer un nouveau marché pour Peugeot et Citroën, projet que nous présenterons à Francfort et dont la réalisation se fera à Laval.


Propos recueillis par
Hervé Daigueperce


 

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