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Constructeurs

Entretien avec Nicolas Wertans, président du groupe BMW France : "La rentabilité du réseau n’est pas suffisante"

Publié le 13 avril 2007

Par Christophe Jaussaud
8 min de lecture
Après 100 jours à la tête de BMW France, Nicolas Wertans dévoile sa vision sur l'avenir du groupe et de ses marques en France. La rentabilité reste la clé et le réseau va devoir investir dans ce futur pour accompagner la croissance attendue. Journal...
Après 100 jours à la tête de BMW France, Nicolas Wertans dévoile sa vision sur l'avenir du groupe et de ses marques en France. La rentabilité reste la clé et le réseau va devoir investir dans ce futur pour accompagner la croissance attendue. Journal...

...de l'Automobile. Vous êtes à la tête de BMW France depuis trois mois maintenant. Quels sont, selon vous, les points faibles et les points forts du groupe ?
Nicolas Wertans. Je n'y vois très franchement que des points forts. Il existe un formidable potentiel de croissance pour le groupe. J'ai également découvert, tant chez les distributeurs que dans les équipes en place, une très grande envie de réussir. Nous devons toutefois relever de grands défis, liés à la concurrence, au marché ou à la réglementation, mais globalement, je suis non seulement très optimiste, mais aussi très confiant.


JA. Au niveau mondial mais aussi sur les principaux marchés européens, BMW est devant Audi. Ce n'est pas le cas en France. Est-ce l'un de vos objectifs ?
NW. Le groupe a clairement défini ses objectifs de croissance pour atteindre 1,4 million de véhicules en 2007 puis 1,6 million en 2010. Dans d'autres circonstances, nous avons parlé d'une croissance annuelle de 5 %. En France, notre objectif est d'être un peu meilleur que la moyenne du groupe. Cependant, nous visons une croissance à la fois pérenne, qualitative et durable. Nous ne voulons pas acheter de parts de marché, cela ne nous intéresse pas du tout.


JA. Quels canaux de vente allez-vous privilégier ? Aujourd'hui, BMW est présent chez le loueur courte durée Sixt, est-ce une nouvelle stratégie ? 
NW. Cette opération avec Sixt vient de Munich. Il faut savoir que Sixt est un loueur munichois dont les propriétaires fondateurs ont des affinités avec le groupe BMW, et il a donc été décidé d'avoir un partenariat au niveau européen. Nous l'avons mis en œuvre en France, mais nous avons également d'autres accords avec d'autres loueurs en France. Mais ne voyez pas ici la démonstration que nous voulons acheter des parts de marché. Loin s'en faut ! Cela ne veut toutefois pas dire, contrairement à ce que j'entends souvent, que BMW "écrème" ses ventes. La France est dans l'orthodoxie financière du groupe qui cherche à pérenniser ses investissements afin d'être capable d'investir dans de nouvelles technologies. Pour ce faire, nous sommes obligés d'être rentable partout où nous sommes et sur chaque gamme de produits. Nous n'avons pas le luxe, contrairement à d'autres mastodontes de l'industrie automobile, d'investir à fonds perdus sur un modèle, un marché ou sur un segment. Nous sommes dans l'obligation, quasi vitale pour le groupe, de rentabiliser chacune de nos actions, chacun de nos investissements.


JA. Qu'en est-il des flottes dans votre objectif de croissance ?
NW. Nous sommes très intéressés par les grandes flottes d'entreprises qui auraient compris que louer une BMW sur trois années est plus intéressant économiquement. Lorsque vous




CURRICULUM VITAE

  • Nom : Wertans
  • Prénom : Nicolas
  • 38 ans, marié, 3 enfants.

    Depuis le 1er janvier à la tête de BMW France mais aussi vice-président de BMW AG, il remplace Didier Maitret. Diplômé de Supelec, après avoir obtenu un MBA à l'Insead, il entre chez Ford en 1994. Jusqu'en 2005, il occupera différents postes chez le constructeur américain dont celui de président de Ford Suisse de 2000 à 2004. De 2004 à septembre 2005, Nicolas Wertans est directeur général des opérations de Ford en France. Il rejoint ensuite Munich et BMW en tant que vice-président ventes grands comptes et ventes directes avant de prendre la présidence du groupe en France.

  • louez sur trois ans, ce qui demeure la formule la plus rentable, vous ne financez que la différence entre le prix de vente et la valeur résiduelle. Or, les valeurs résiduelles de BMW sont infiniment supérieures à celles de beaucoup d'autres marques. Ainsi, la somme financée est réduite. Mais cette dernière ne représente qu'1/4 du coût total d'usage d'un véhicule. Il faut ensuite incorporer les frais d'entretien, qui sont également pour une BMW moins importants sur la période d'utilisation. Au final, une fois l'addition faite, nous sommes très compétitifs. Ce serait un choix économique raisonnable même pour de grandes administrations. Mais ces choix sont à la fois politiques et historiques. Voici un exemple prouvant notre intérêt pour les ventes aux entreprises. Il n'y a aucune discrimination de segments ou de canaux pour nos ventes.


    JA. Votre réseau est souvent considéré comme l'un des plus rentables. Etes-vous satisfait de celui-ci ? Allez-vous lui demander de nouveaux investissements ?
    NW. La rentabilité 2006 est bonne par rapport au marché. Néanmoins, de mon point de vue, elle n'est pas suffisante ni satisfaisante. Un réseau doit avoir les moyens d'anticiper les investissements futurs pour créer les conditions de la croissance. Cela peut se traduire dans le recrutement et la formation, dans l'outillage ou d'un point de vue structurel lié aux bâtiments et aux environnements de marques. Plus le réseau sera rentable, meilleure sera sa capacité à investir pour la marque. Il s'agit d'un cercle vertueux très simple dont nous ne nous satisferons jamais, car nous aurons toujours comme objectif de l'améliorer.
    Ensuite, nous avons présenté au réseau, durant ces trois derniers mois, les grandes étapes et les objectifs du groupe en France. Notre devoir est de lui expliquer notre vision ainsi que le rôle qu'il va y jouer. Est-ce que cela vous fait envie ? Est-ce que vous partagez notre vision du développement de nos marques en France ? Si le réseau adhère, il doit ensuite créer les conditions, avec nous, pour préparer et anticiper la réalisation de ces objectifs. Evidemment cela demande de gros investissements avec parfois la remise à plat des modèles ou de la façon de travailler. J'ai personnellement expliqué au réseau tout cela lors de longues séances plénières.


    JA. Et pour ceux qui ne veulent pas vous suivre ?
    NW. Tous sont libres. Mais très franchement, il y a très peu de distributeurs qui ne sont pas partants. Le réseau a une formidable envie, il partage nos ambitions et il faut maintenant que nous ajustions les moyens, ensemble, pour pouvoir réaliser cela.


    JA. Y a-t-il une échéance pour cette "réorganisation" ?
    NW. L'industrie automobile fonctionne selon des cycles assez lourds, donc nous essayons de donner au réseau une perspective à trois ans. Une période assez longue mais également un minimum pour les objectifs que nous poursuivons. Ceci étant, trois ans n'est pas une date butoir. Il faut plutôt voir cette échéance comme une étape vers un projet plus global qui va au-delà de cette période.


    JA. A partir du mois de mars, les lancements produits s'enchaînent…
    NW. Nous sommes confiants avec le renouvellement du X5 qui, en son temps, a été la référence du segment. Aujourd'hui, vu ses qualités intrinsèques, nous pensons que l'on doit pouvoir retrouver ce statut. Concernant la Série 3 coupé cabriolet, il s'agit d'un nouveau produit car c'est le premier toit escamotable rigide de la marque. Nous allons découvrir ce segment où nous sommes relativement seuls. A cela, il faut encore ajouter le facelift de la Série 5 puis l'arrivée de la Série 1 3 portes. Quant à Mini, la One et la Cooper Diesel ainsi que la Cabriolet Sidewalk viennent élargir la gamme, avant que le Club Man n'arrive en fin d'année. Puis il ne faut pas oublier la nouvelle M3 cet automne.
    JA. Avec l'arrivée de la Série 1 3 portes, vous lancez le Auto Start-Stop. Comment allez-vous profiter de cet avantage commercialement ?
    NW. La fonction Auto Start-Stop est, pour l'heure, généralisée aux 4 cylindres essence et Diesel à boîte manuelle. Nous sommes en retard sur "le faire savoir de notre savoir-faire !" Nous avons trop attendu et sûrement laissé trop de place à certains de nos concurrents pour faire du marketing autour de leur technologie. Aujourd'hui, nous avons décidé d'être plus offensifs sur ce terrain-là car le débat a pris de l'envergure et les enjeux sont de plus en plus importants. Nous arrivons à point nommé avec cette technologie, mais également avec d'autres, très impressionnantes, comme l'allégement de la pression permanente sur le couple du moteur. Il s'agit de technologies extrêmement fines que vous pouvez mettre en œuvre exclusivement sur le haut de gamme car le coût supplémentaire serait trop important pour un véhicule généraliste. La chance de BMW est de pouvoir, et même de devoir, inventer ces technologies pour que, mises bout à bout, elles contribuent à une meilleure efficacité du moteur, à une meilleure consommation, donc à une moindre pollution. En fait, nous ne lançons pas des paillettes avec un modèle qui va consommer 20 % de moins que tous nos autres modèles : nous généralisons ces technologies sur l'ensemble de notre gamme pour que 100 % de celle-ci économise de l'énergie.


    JA. Le segment Premium français est en retrait par rapport aux autres marchés européens. Pourra-t-il rattraper ce retard ?
    NW. Effectivement, le marché haut de gamme français est proportionnellement inférieur à d'autres marchés haut de gamme de pays voisins. Economiquement, je ne vois pas de raisons pour lesquelles ce marché ne progresserait pas en France. En revanche, socialement, il y a encore des freins, comme industriellement, avec la présence des constructeurs nationaux. Ce segment de marché peut augmenter plus rapidement en France qu'ailleurs, mais je ne pense pas que le retard sera complètement rattrapé un jour.


    Propos recueillis par
    Christophe Jaussaud

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