Entretien avec Jacques Chauvet, directeur commercial Renault France : "Le réseau a très bien compris et accepté le partenariat proposé"
...de l'Automobile. Comment expliquez-vous la baisse de vos ventes VP de 5,8 % sur les deux premiers mois de l'année ?
Jacques Chauvet. Nous évoluons sur un marché artificiel. Il est à la fois poussé par un niveau de promotion élevé et par les ventes tactiques (VD garages, VD constructeurs, loueurs courte durée). Ainsi, à fin février, le marché tactique augmente de 7 % alors que Renault réduit volontairement ce type de ventes de 17 %. Le marché est difficile, moins rémunérateur que par le passé et artificiellement boosté : compte tenu du niveau de confiance actuel des ménages, le marché devrait être plus bas qu'il ne l'est aujourd'hui.
JA. Que représentent les ventes tactiques ?
JC. Les ventes tactiques en 2005 ont représenté environ 25 % du marché. Un chiffre valable chez Renault également, avec toutefois une pénétration plus forte sur le marché des loueurs courte durée. Depuis le début de l'année, nous réduisons ces ventes. Nous décidons en fonction de la rentabilité de ces ventes mais aussi du coût de revente de ces VO en buy-back. Nous visons un rééquilibrage en faveur des clients particuliers et des flottes d'entreprises. Renault bénéficie d'une pénétration assez forte en entreprises que nous essayons de maintenir tout en étant raisonnables sur nos tarifs. Quelquefois, lorsque la concurrence est trop féroce et destructrice de profit, nous préférons nous retirer de l'appel d'offres. Il n'y a pas de ventes Renault non rentables sur le marché français.
JA. L'année 2006 semble placée sur le signe de la guerre des prix, quel rôle va jouer Renault dans cette bataille ?
JC. Nous souhaitons privilégier la rentabilité par rapport à la part de marché. Cette dernière est certes la mesure de notre capacité à satisfaire les clients, mais nous ne ferons pas de surenchères si la rentabilité n'est pas au rendez-vous. Nous voulons défendre le niveau de performance de Renault mais nous ne pousserons pas le niveau de promotion. C'est du réglage fin. Nous voulons défendre un niveau de volume nécessaire à notre rentabilité et nous essayerons, avec notre réseau, de définir les efforts qu'il faut consentir. Il est clair qu'il y a des appels d'offres de flottes, de petites ou grandes sociétés, auxquels nous ne donnons pas suite car le niveau de rentabilité n'est plus suffisant. Nous resterons pragmatiques, nous ne serons pas les mieux disants, mais nous défendrons notre position car nous voulons débuter l'année 2007 dans une position proche de celle d'aujourd'hui.
JA. Avez-vous déjà constaté une incidence de la TVTS sur vos ventes
flottes ?
JC. Il y a quelques modèles sur lesquels la TVTS pourrait peser mais pour l'instant nous n'avons mesuré aucun impact. Nous travaillons sur toutes nos gammes afin de pouvoir compter sur des motorisations qui ne seraient pas pénalisées par la TVTS. Ainsi, la génération du nouveau 2.0 dCi va dans ce sens. Mais rien n'est encore figé et il semble que le gouvernement envisage de revoir cette taxe.
JA. Au chapitre produits, la Clio III répond-elle à vos attentes ?
JC. La Clio III réalise un début très prometteur. La success story se poursuit. La voiture est très bien née à la fois en qualité et en perception de la part des réseaux et des clients. Pour l'heure, nous sommes légèrement au-dessus de nos objectifs.
JA. Si tout est au vert pour la Clio, la Modus semble une nouvelle fois en perte de vitesse. Comment expliquez-vous cet échec ?
JC. La comparaison des immatriculations de Modus entre janvier-février 2005 et 2006 n'est pas réellement significative car cette période en 2005
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JA. La famille Mégane semble également à la peine
JC. Scénic et Mégane sont l'illustration du phénomène de prime à la nouveauté. Un phénomène qui n'est pas nouveau mais qui prend de plus en plus d'ampleur sur le marché français. Nous avons pu voir que les modèles performants en 2005 ont été lancés dans l'année ou fin 2004. Mais cet effet, bien qu'il soit plus important, dure de moins en moins longtemps. Au bout d'un an, un modèle commence à être promotionné. Après avoir représenté près d'un tiers des ventes du segment, Scénic et Mégane souffrent, d'autant que nous réalisons également moins de ventes aux loueurs courte durée notamment avec Scénic. Mais le face-lift de Scénic, cet automne, devrait nous permettre de nous situer durablement au-dessus de 5 % de parts de marché.
JA. Un petit mot de Logan qui débute l'année sur les chapeaux de roues
JC. C'est une success story assez étonnante dont plusieurs aspects sont extrêmement intéressants. D'abord, Logan nous permet de conquérir de nouveaux clients, souvent des clients VO qui reviennent sur du neuf. Deuxièmement, le prix très attractif du véhicule, même en Diesel, fait que le client est vite séduit et ne discute pas les conditions de vente. De plus, dans les ventes de Logan il n'y a quasiment jamais de reprises. Nous sommes, avec Logan, au début d'un business model assez vertueux qui est très satisfaisant pour le client, pour le constructeur mais aussi pour le réseau et ses vendeurs. Ces derniers obtiennent en effet une rémunération correcte en vendant une Logan, car elle est souvent accompagnée d'autres prestations comme le financement. Rappelons d'ailleurs que le prix moyen de vente des Logan est supérieur à 8 400 e.
JA. Justement, grâce ou à cause de ce succès, la Logan va-t-elle changer de statut. Par exemple, va-t-elle être intégrée dans les objectifs ?
JC. Non Logan reste à part, elle est gérée différemment de la gamme Renault. Il n'y a pas d'animation particulière, ni d'objectif de volume. Cela ne nous paraît pas nécessaire compte tenu du succès de la voiture. Rappelons que l'ensemble des concessionnaires ont pris le panneau Dacia et qu'un agent sur quatre vend des Logan, une proportion en constante augmentation.
JA. Avec l'arrivée du break, puis des futurs modèles de la gamme Dacia, allez-vous demander des investissements supplémentaires à votre réseau ?
JC. Logan est un sujet permanent de réflexion tant nous sommes surpris par l'ampleur de ce succès. A ce stade, nous restons pragmatiques. C'est-à-dire que nous n'allons pas demander de showroom spécifique car là, la rentabilité serait difficile à atteindre. Logan doit rester un modèle low cost aussi bien en termes de production que de distribution.
JA. Pourriez-vous tirer un bilan de l'année 2005 pour votre réseau et envisager l'année 2006 ?
JC. 2005 a été une année difficile pour le réseau. La rentabilité a été légèrement inférieure à 1 %. Ce chiffre est en léger retrait par rapport à 2004 mais il se compare avantageusement à ceux d'autres réseaux généralistes. Il faut toutefois noter une grande disparité entre les affaires constituant notre réseau. Comme notre président l'a d'ailleurs déclaré dans vos colonnes, le réseau doit être profitable s'il est bon et ne pas l'être s'il ne l'est pas. Voici désormais notre philosophie en la matière. L'année 2006 sera une année de transition mais nous allons la mettre à profit pour préparer 2007 afin de pouvoir tirer le maximum de bénéfice d'une rafale de produits qui n'a jamais existé jusqu'alors chez Renault.
JA. Quels seront les impacts concrets pour le réseau ?
JC. Début 2006, à la demande du réseau, nous avons revu et simplifié le système d'animation. Avec le temps, il était devenu trop lourd et trop compliqué. De plus, nous avons introduit, tant sur la vente que sur l'après-vente, un élément de la rémunération lié à la qualité de service et basé sur un taux de clients tout à fait satisfaits. Les enjeux financiers sont significatifs. Nous allons exiger du réseau une performance sans faille en termes de qualité de services.
JA. Cette politique va-t-elle demander des investissements particuliers de la part du réseau ?
JC. Nous lançons ici le 4e volet du plan d'excellence Renault sur la vente et l'après-vente. Cela se traduit par un accompagnement du réseau en termes de formation, de méthode, etc. Nous avons défini les 20 essentiels, c'est-à-dire les 20 moments clés de la relation client où il faut être particulièrement attentif à sa satisfaction. Ce plan, avec 10 moments dans la vente et 10 dans l'après-vente, se déploie avec beaucoup de pragmatisme. Nous débutons par les affaires les moins performantes puis nous irons vers les meilleures affaires. Ce déploiement qui a débuté avec beaucoup d'intensité et d'énergie, passe par de nombreuses réunions dans les 7 régions de France pour mobiliser l'ensemble des acteurs, du responsable de site aux collaborateurs. Tout le monde est concerné, c'est un chantier extrêmement important et stratégique pour l'avenir de la marque et du réseau.
JA. Avec 6,84 points de vente par investisseurs, la concentration du réseau est-elle terminée ?
JC. L'essentiel de la restructuration du réseau est derrière nous. Cependant, il y a toujours des cessions et des acquisitions, une respiration naturelle du réseau. Dans ce cadre, nous essayons de finaliser l'harmonisation de nos plaques régionales.
JA. Carlos Ghosn a évoqué la réduction des coûts de distribution de 8 %. Où allez-vous trouver cette marge de manœuvre ?
JC. Il s'agit de réduire le coût actuel de distribution de 8 %. Imaginons que le coût de distribution soit de 25, il faudra le réduire de 8 % donc de deux points et ainsi atteindre 92. Derrière cet objectif, il faut surtout raisonner avec le nouveau plan gamme. L'effet mécanique du plan de renouvellement produits va nous permettre de mettre moins de moyens commerciaux par ventes et ainsi réduire les coûts de distribution. Sur un modèle nouveau, le niveau de rabais est faible voire nul.
JA. Pour conclure, comment le réseau a-t-il accueilli le plan Renault Contrat 2009 ?
JC. L'accueil a été extrêmement positif de la part du réseau. La promesse d'un plan produit qui va permettre de rester fort sur les segments traditionnels, qui sont la force de Renault, tout en ayant une série de produits donnant accès à de nouveaux segments, a séduit le réseau. Il a très bien compris et accepté le partenariat proposé. Il est de la responsabilité du constructeur de fournir au réseau un plan produit de qualité, avec des véhicules fiables, compétitifs et qui plaisent aux clients. Symétriquement, le réseau comprend très bien que le constructeur lui demande d'avoir une qualité de service fiable, compétitive et capable de satisfaire le client. Le réseau Renault a le moral.
Propos recueillis par
Christophe Jaussaud
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