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Constructeurs

Droits de douane américains : 25 000 emplois sur la sellette en Europe ?

Publié le 25 mars 2025

Par Gredy Raffin
4 min de lecture
Tandis que le scénario du pire se dessine de l'autre côté de l'Atlantique, le cabinet Kearney s'est penché sur l'impact de la prochaine hausse de taxe à la douane américaine. Selon les analystes, cela pourrait se traduire par une chute de la demande et de facto par une catastrophe sociale en Europe.
conséquences hausse des droits de douane USA
Le cabinet Kearney pense que les constructeurs et les équipementiers vont entrer en négociation pour absorber les coûts. ©Audi AG

La politique de Donald Trump pourrait conduire à une vaste destruction de postes chez les équipementiers européens. Cette sombre perspective a été avancée par les analystes du cabinet Kearney qui ont cherché à évaluer l'impact de la hausse des tarifs à l'importation aux États-Unis, attendue pour le 2 avril 2025.

 

Il existe, en effet, un scénario où les équipementiers seraient appelés à prendre à leur compte entre 75 et 100 % de cette hausse douanière pour préserver le prix facial en concession. Dans ce cas, l'impact sur leurs résultats atteindrait 1,1 à 3,1 milliards d'euros, soit un montant valant 5 à 14 % de leurs bénéfices. Pour compenser, il serait envisagé de sacrifier 25 000 salariés sur le Vieux Continent.

 

Chute de 29 % de la demande

 

Il est aussi possible de jouer sur l'élasticité-prix. Les analystes de Kearney ont établi que celle-ci se situe entre 0,5 et 1 pour les moteurs à combustion, entre 1,5 et 2 pour les hybrides et entre 2,5 et 3 pour les véhicules électriques. À titre d'exemple alors, une hausse douanière de seulement 10 % aurait conduit à réduire la demande des consommateurs de 5 à 10 % sur les thermiques et de 25 à 30 % sur les électriques.

 

 

Dans le cas précis des 25 % de surtaxe, le cabinet estime que la demande va s'effondrer de 29 % dans les points de vente. En considérant que le prix d'usine se situe 40 % en-dessous de celui affiché aux yeux du client final, cela pourrait représenter un manque à gagner de 7,3 milliards d'euros pour les fournisseurs. Quant aux constructeurs européens, ils accuseraient une perte allant de 4,5 à 13,7 milliards d'euros.

 

Localisation impossible

 

Cette étude se fonde sur des importations réalisées par les groupes Volkswagen, qui comprend Porsche et Audi, BMW, Mercedes, Volvo et Stellantis. Un ensemble qui immatricule autour de 640 000 voitures. Pourraient-ils prendre d'autres dispositions industrielles ? "Il faut deux ans pour adapter une usine, ce serait une perte de temps, rétorque Sébastien Amichi, associé chez Kearney et responsable de l’automobile à Paris. En outre, les volumes par modèle sont trop faibles pour justifier la création d'une chaîne de production".

 

Les best-sellers européens, qu'ils s'appellent Volvo XC40, Audi Q3, Porsche Macan ou BMW X1, ne dépassent pas 30 000 immatriculations annuelles aux États-Unis. Le reste totalise moitié moins d'unités. "Or une usine ne présente d'intérêt qu'à partir de 100 000 voitures par an", rappelle Sébastien Amichi.

 

 

"Il est primordial pour les fournisseurs de s’atteler dès maintenant à évaluer l'impact potentiel de ces nouvelles taxes, prévient Sébastien Amichi. La probabilité d’importantes renégociations demandées par les constructeurs tout comme d’éventuelles délocalisations de sites de production est forte, et leur impact sur la chaîne de valeur globale pourrait être massif".

 

Si l'Europe est concernée à hauteur de 640 000 voitures, soit environ 18 % des quelque 3,5 millions de véhicules importés aux États-Unis chaque année, d'autres pays sont plus exposés. Le Mexique court un risque sur 800 000 unités environ (23 %) et le Japon sur 650 000 voitures (19 %).

 

Crainte d'un coup de boost pour un marché de VO polluants

 

Tous constructeurs et toutes provenances confondues, le cabinet a recensé entre 400 et 500 modèles menacés de taxes douanières. Il se peut que les constructeurs dégradent la dotation des véhicules pour abaisser la valeur. Cela peut convenir sur des références premium, mais la marge de manœuvre sur les voitures de grande diffusion n'est pas la même.

 

 

Les clients paieront-ils ou se tourneront-ils vers des alternatives ? Sébastien Amichi n'exclut pas un basculement vers le marché des voitures d'occasion ou des dépenses pour entretenir les véhicules existants. Et voir Donald Trump comme un accélérateur de l'économie circulaire malgré lui serait erroné. Le consultant explique : "Les foyers américains comptent en moyenne 2,8 à 3 voitures. Peu utilisées, elles pourraient être revendues. Mais le problème relève de leur ancienneté technologique. Elles sont très polluantes. La politique n'encouragera pas le renouvellement d'un parc âgé actuellement de 18 ans en moyenne".

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