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Constructeurs

Darwin s’invite chez PSA

Publié le 6 décembre 2010

Par Alexandre Guillet
7 min de lecture
Le groupe PSA restructure son organisation R&D afin de renforcer et de diversifier ses partenariats scientifiques. Avec un slogan que ne renierait pas Jacques Séguéla : “Voir loin et agir vite”. Visite guidée avec le brillant Marc Duval-Destin.
“Si le monde automobile cultive le secret, ce qui est logique vu l’ampleur des investissements et l’acuité de la concurrence, il est aujourd’hui nécessaire de s’ouvrir à l’extérieur, voire de mutualiser certaines recherches, d’autant plus que certaines innovations d’avenir ne viendront pas forcément du secteur automobile à proprement parler”, explique Marc Duval-Destin.

Marc Duval-Destin, responsable de la Direction de la Recherche et de l’Ingénierie Avancée du groupe, est enthousiaste et il le fait savoir : “Nous faisons le plus beau métier automobile du moment ! La décennie à venir sera technologique ou ne sera pas ! Ce n’était pas forcément aussi manifeste il y a dix ans. Les choses s’accélèrent fortement et réclament un lien plus étroit et direct avec les dimensions sociétales, très évolutives, et une ouverture à de nouveaux partenariats, hors de l’automobile à proprement parler”. Evolutif, évolution, le mot est lâché. Et pour expliquer l’innovation de demain, Marc Duval-Destin opte pour la métaphore darwinienne. Au début, des bestioles sortent de l’eau et attendent que leurs pattes se forment. Appliqué à son département, c’est ce que Marc Duval-Destin nomme l’innovation incrémentale, à savoir la sophistication progressive des technologies pour répondre aux demandes des clients, une évolution naturelle mue par l’environnement logiciel. Ensuite, apparaît l’innovation réactive, soit la capacité d’adaptation de l’automobile. Le CO2 et l’Internet mobile en sont deux emblèmes des années 2000.

Varin et “l’obsession du coup d’avance”

Enfin, vient l’innovation active et Marc Duval-Destin rappelle que Philippe Varin a inoculé au sein du groupe “une véritable obsession du coup d’avance”, avant de préciser : “Il s’agit en fait d’anticiper la rencontre entre l’automobile, les technologies et les marchés. Nous avons nos programmes de recherche et nous devons nous mettre en posture d’accélérer au besoin, au bon moment. L’objectif étant notamment de réduire le time to market”. Tous les projets du groupe sont donc dorénavant marqués en TRL, pour Time Readiness Level, avec un triptyque Direction scientifique/Direction exploration/Ingénierie avancée. “Et nous devons être capables de penser et de réfléchir simultanément à 2, 5 et 10 ans”. La maîtrise de ces différentes courbes d’évolution passe aussi par la mise en place de StelLab et de son réseau d’OpenLabs (voir encadré).

“Si on investit des millions sur le CO2, il est clair qu’après, on ne peut plus faire vroum-vroum aux feux rouges !”

Par ailleurs, Marc Duval-Destin est revenu sur les quatre principaux axes de recherche identifiés au sein du groupe. Primo, et ce n’est pas une surprise, les CleanTechs. Ce qui ne passe pas forcément par une électrification de masse, dans la mesure où le potentiel des hybrides et des VE est estimé à 15 % des ventes en 2020, dont 4 à 5 % pour le VE. Toutefois, histoire de chatouiller Carlos Ghosn, le groupe rappelle qu’il est le premier français à commercialiser des VE. Parallèlement, l’allégement des voitures devient prioritaire et le spectre des recherches sur les matériaux est vaste : l’aluminium, notamment via les nanomatériaux permettant de renforcer les matrices de l’aluminium, le magnésium, et les plastiques et composites, même si la production à haute cadence, le coût et l’enjeu des ancrages lors de l’assemblage, restent autant de problèmes à résoudre. “Nous luttons contre les émissions de CO2 au gramme !”, assène Marc Duval-Destin, avant d’enfoncer le clou : “Quand on investit des millions d’euros dans ce domaine, il est clair qu’après, on ne peut plus faire vroum-vroum aux feux rouges, sinon ça ne rime à rien ! C’est aussi à nous d’inventer un nouveau plaisir automobile”.

“Au regard de l’autonomie, on ne peut pas balancer n’importe comment des électrons dans un VE”

Secundo, l’attractivité des modèles qui n’est pas réductible au style, aux couleurs et aux matières. Dans le cadre de GENIVI, le groupe travaille ainsi sur la connectivité des voitures et projette de développer un open-source sur Linux pour l’automobile. Dans un autre registre, le groupe se focalise sur l’isolation thermique des modèles, faisant le parallèle avec ce qu’a connu le bâtiment post-choc de 1973. “Il y a des pistes intéressantes, mais aussi de nouvelles contraintes et de nouveaux paradigmes. Par exemple, au regard de l’autonomie, on ne peut pas balancer n’importe comment des électrons dans un VE”, souligne Marc Duval-Destin. Tertio, la sécurité, avec en ligne de mire, l’amélioration du dialogue entre automobiles, infrastructures et hommes. “Si vous prenez l’exemple de la détection des piétons, il n’est pas forcément fécond de barder de capteurs la voiture à l’infini. Dans les zones scolaires, il est plus indiqué de favoriser l’intégration de capteurs sur les cartables des élèves”, illustre Marc Duval-Destin. Enfin, la compétitivité, qui concerne l’excellence des innovations naturellement, mais aussi la réduction des coûts. “Par le biais des process, c’est aussi l’objet de notre réorganisation, par le biais d’innovations faisant gagner du temps en supprimant certaines étapes intermédiaires par exemple, et parfois, par le biais de la mutualisation des savoirs et des besoins de recherche”, conclut Marc Duval-Destin.

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ZOOM - Les chercheurs de PSA créent leur Facebook

Avec le StelLab (Science Technology Exploratory Lean LABoratory) et ses OpenLabs, la DRIA se dote donc de deux nouveaux supports. Le StelLab a été conçu comme “une structure d’animation scientifique sur le modèle des réseaux sociaux”, dixit Sylvain Allano, directeur scientifique du groupe. Un lieu de dialogue pour les quelque 100 scientifiques du groupe, d’échange interdisciplinaire (technologie, style, commerce, RH…), mais aussi un lieu de rencontre entre scientifiques et experts, “deux populations qui sont parfois en intersections mais qui n’ont pas pour autant les mêmes finalités”, agrémenté d’un programme de séminaires. Par ailleurs, le StelLab intégrera un doctorat exécutif PSA en partenariat avec une Université française, “sur le modèle des MBA car qu’on le veuille ou non, le MBA est souvent le sésame pour avoir accès à certains scientifiques, notamment chinois et américains”. L’université Groupe PSA accueille donc StalLab en tant que volet 3e cycle. En outre, le StelLab fonctionnera en mode hub pour piloter les coopérations et les partenariats (fournisseurs, centres techniques et de recherche, structures académiques…). C’est principalement sur le périmètre académique qu’interviendront les OpenLabs qui seront gérés comme des structures de recherche mixtes. Deux partenariats seront opérationnels dès 2011, avec l’Institut de la Science du Mouvement de Marseille (axé sur l’optimisation de la fiabilité des simulations) et le Laboratoire de l’Intégration du Matériau au Système de Bordeaux (focalisé sur les systèmes électroniques). Quatre autres suivront en 2012 (Mechanics Saclay, Prisme Orléans, P Prime Poitiers et GeorgiaTech). “Dès 2011, le StelLab accueillera deux doctorants brésiliens et deux doctorants chinois, l’objectif étant aussi de créer un vivier international de compétences”, indique Sylvain Allano, avant d’ajouter : “L’ouverture d’un OpenLab européen est aussi à l’étude, afin de créer un hub spécifique à cette zone où nous comptons presque une dizaine de partenaires scientifiques ou technologiques, comme l’université suédoise de Chalmers ou l’université Politecnico de Turin”.

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FOCUS - Marc Duval-Destin et Sylvain Allano en bref

Diplômé de Polytechnique et de Sup Aéro, titulaire d’un DEA “Automatique” et d’un doctorat en sciences physiques, Marc-Duval Destin a accompli une large partie de sa carrière dans l’armement (DGA) à penser les équipements du futur à un horizon 20 à 40 ans. Il rejoint PSA en 2001 et sera responsable du projet “Télématique” jusqu’en 2004. Il met ensuite son savoir au service de la sécurité passive avant de devenir directeur des avant-projets véhicules. Il est aujourd’hui responsable de la DRIA, sous la houlette de Guillaume Faury, directeur de la R&D du groupe.
Docteur en électronique (Paris 11), docteur d’Etat en Sciences Physiques (Paris 6), agrégé de physique et diplômé du CEIPI, Sylvain Allano débute comme chercheur au CNRS et devient professeur à l’ENS de Cachan. Il prend ensuite des postes de direction au CNRS. Il crée un cabinet de conseil en Propriété Industrielle Pontet-Allano et associés. Il rejoint PSA en janvier 2010 comme directeur scientifique, mettant en avant un parcours public/privé assez peu courant.
 

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