S'abonner
Constructeurs

BMW France condamné

Publié le 28 mai 2004

Par Alexandre Guillet
6 min de lecture
BMW a été condamné à verser 650 000 euros de dédommagements à son ancien concessionnaire, dont la candidature pour devenir distributeur a été rejetée sans fondement valable. Un arrêt qui enrichit la jurisprudence sur la sélection des candidats à la distribution d'une marque. De nombreux...

...concessionnaires résiliés dans le cadre du changement de règlement souhaitent se faire renommer en tant que distributeurs et/ou réparateurs agréés. En l'absence de critères quantitatifs pour la sélection des réparateurs, les constructeurs peuvent difficilement refuser d'agréer leurs anciens concessionnaires, sauf à démontrer que, du jour au lendemain, ces derniers ont perdu la capacité technique de réparer leurs véhicules. Ainsi, les quelques procès qui ont eu lieu ont permis à d'anciens concessionnaires de poursuivre une activité de réparateur agréé. Il n'en va pas de même pour la distribution des véhicules neufs. En effet, le nouveau règlement autorise une sélection quantitative des candidats, critère limitatif que les constructeurs utilisent très largement pour faire leur choix. Mais de nombreuses questions restent en suspens quant à ces critères, questions auxquelles seule la jurisprudence peut répondre. Ce que l'on sait déjà, c'est que ces critères doivent être définis précisément. "Un critère vague et incertain n'est pas valable", confirment les avocats Louis et Joseph Vogel. En revanche, le constructeur n'a pas à justifier du bien-fondé de ce critère, comme l'a confirmé la cour d'appel de Dijon le 1er avril dernier (lire JA n° 872/873). La cour était allée plus loin, en autorisant le constructeur à refuser une candidature sur une zone de chalandise pour la simple raison qu'un candidat, "qui remplissait toutes les garanties pour remplir les critères qualitatifs à la date prévue", avait déjà été sélectionné. Une manière de reconnaître aux constructeurs le droit à l'intuitu personae lorsque deux candidatures s'opposent.

Des critères objectifs ou légitimes

Un nouvel arrêt, rendu par la cour d'appel de Douai, en date du 15 avril dernier, confirme ce droit à l'intuitu personae, mais condamne néanmoins le constructeur à dédommager son concessionnaire exclu. Un ancien concessionnaire BMW dépose sa candidature le 16 juin 2003, pour être distributeur BMW dans le Pas-de-Calais. La cour relève tout d'abord qu'il n'est pas démontré que le concessionnaire ne respecte pas les critères qualitatifs pour la distribution des VN. Quant aux critères quantitatifs, "BMW n'en fournit pas, constate Pierre Urion, du cabinet Bertin, comme c'est fréquemment le cas de la part des constructeurs". La cour constate simplement que les deux parties sont d'accord pour dire que "le secteur d'Arras ne permet pas à deux distributeurs agréés de dégager une rentabilité suffisante". Or, justement, BMW a déjà sélectionné un autre distributeur, lettre de confirmation en date du 10 juin à l'appui : "Nous vous confirmons que nous envisageons de vous proposer la distribution des produits BMW et Mini à partir de ce site d'Arras sous réserve que votre société soit en conformité avec les standards de vente qui vous seront communiqués dans les meilleurs délais et dont une version provisoire vous a été remise lors de notre réunion du 2 mai." C'est insuffisant pour estimer que la candidature a été acceptée, estime la cour qui souligne que, le 15 janvier 2004, les travaux pour la construction de ce site n'ont pas débuté. Dans ce cas, fallait-il nommer le premier des deux candidats qui remplissait les critères ? Non, répond la cour : "L'organisation d'un réseau déterminée par des critères quantitatifs conduit nécessairement le constructeur à faire un choix entre plusieurs candidats répondant aux conditions qualitatives qu'il a fixées ; ce choix ne peut être uniquement guidé par des éléments chronologiques." La cour va beaucoup plus loin en expliquant que le système de distribution n'interdit pas à BMW "de choisir le contractant qui lui apparaît le plus sûr, ni extrait des contrats tout intuitu personae". Le constructeur a même la faculté "de ne pas affecter momentanément un distributeur à un secteur (...) dès lors que cette absence temporaire ne trahit pas sa volonté de s'exonérer du respect de tout critère objectif de sélection ". Or, en n'adressant pas au premier concessionnaire les courriers d'information sur le nouveau contrat de distribution, "alors qu'il n'apparaissait pas le moins bien placé dans les évaluations produites par le constructeur", et en refusant d'examiner sa candidature sous le seul prétexte qu'un autre candidat avait été choisi, BMW a agi de manière fautive : l'ancien concessionnaire "a été victime d'une discrimination et d'un rejet de sa candidature non fondé sur des critères objectifs ou légitimes", conclut la cour avant de condamner BMW à lui verser 650 000 euros de dédommagements, soit un an de marge brute.


Xavier Champagne


 





ZOOM

BMW sur Arras

Dans le cadre de la constitution de son réseau de distributeurs agréés, BMW France a confié sa représentation à Luc Guidez sur Arras et Cambrai (ouverture en juin). Luc Guidez est un important concessionnaire Peugeot qui distribue 2 630 VN à travers trois sites : Arras, Cambrai et Caudry.






3 questions à

Service juridique de BMW France

Cette jurisprudence est satisfaisante pour le constructeur

JA Quelles conclusions tirez-vous de cet arrêt ?
BMW Cette jurisprudence est satisfaisante pour le constructeur puisqu'elle confirme que malgré la mise en place d'un système de distribution sélective qualitative, ce dernier conserve une liberté de choix de ses partenaires et que le règlement n'a pas exclu la notion d'intuitu personae. En effet, la cour d'appel affirme que le règlement 1400/2002 "n'a pas dépossédé le fournisseur en l'espèce la Société BMW France de toute faculté de choisir le contractant qui lui apparaît le plus sûr, ni extrait des contrats de ce type tout intuitu personae". Elle considère ensuite que le constructeur est tout à fait en droit "de ne pas affecter momentanément un distributeur à un secteur et dispose de la liberté de prendre ce risque commercial dès lors que cette absence temporaire et ces discontinuités de service ne trahissent pas sa volonté de s'exonérer du respect de tout critère objectif de sélection".


JA BMW a néanmoins été condamné à verser des dommages et intérêts à son ancien concessionnaire ?
BMW Sur cette seconde demande, la cour d'appel de Douai a effectivement fait partiellement droit aux prétentions du concessionnaire. Il convient de souligner que la condamnation au versement de dommages et intérêts n'est en aucun cas la conséquence du refus de la Société BMW France de nommer son ancien concessionnaire en qualité de distributeur sur la zone d'Arras. C'est le fondement de la discrimination qui a été retenu par la cour d'appel aux motifs d'une part, que BMW France aurait omis d'adresser à son ancien concessionnaire, une circulaire envoyée aux membres du réseau pour les informer de la mise en œuvre du nouveau règlement et d'autre part, que BMW France aurait répondu tardivement à la lettre de candidature de son ancien concessionnaire.


JA La cour d'appel ne semble pas gênée par l'absence de critères quantitatifs définis par BMW France. Pourquoi ?
BMW Ce point spécifique n'a pas été examiné puisque l'ancien concessionnaire avait pris l'initiative d'écrire au nouveau concessionnaire nommé qu'il considérait que le secteur d'Arras ne supportait qu'un seul distributeur. C'est dans ces conditions que la cour d'appel a considéré "qu'il n'est pas contesté que le secteur d'Arras ne permet pas à deux distributeurs agréés de dégager une rentabilité suffisante".

Voir aussi :

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

Laisser un commentaire

cross-circle