Après Honda, Renault dernier recours d'un Nissan aux abois ?
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Nissan devra-t-il ravaler sa fierté ? Les critiques pleuvent sur le groupe automobile japonais qui a rejeté le projet de fusion avec Honda. Certes, ce projet ressemblait plus à un rachat qu’à une fusion entre égaux. Mais les spécialistes s’interrogent sur la situation extrêmement critique de Nissan. Certains experts s’exprimant anonymement et cités par Automotive News ont pointé "l’orgueil" de Nissan qui, au nom de son attachement viscéral à son indépendance, a mis à mal une série de partenariats. C’est cette philosophie qui a empoisonné les relations avec son allié Renault pendant les 25 ans qu’a duré l’Alliance, avant de finir dans le mur fin 2018 avec l’arrestation spectaculaire de Carlos Ghosn. Et c’est également elle qui vient de faire avorter le projet de fusion avec Honda.
Une situation financière catastrophique
Sauf que Nissan est au pied du mur. Le groupe a perdu 40 % de ses immatriculations en trois ans et se retrouve avec des surcapacités partout sur la planète. Il a raté le virage américain sur les hybrides rechargeables, et est encore trop faible sur les voitures électriques pour prétendre à un quelconque leadership, lui qui avait pourtant été précurseur avec la Leaf. Enfin, Nissan souffre d’un plan produit qui a trop traîné.
Les conséquences de cette série de négligences ont conduit le groupe dans une situation financière catastrophique. Les résultats 2023 (clos le 31 mars 2024) avaient pourtant amélioré ses ratios financiers. Mais pour l’exercice en cours, Nissan prévoit une très nette détérioration de ses comptes. Et tout porte à croire que la situation est désormais hors de contrôle. Sur le troisième trimestre, la firme de Yokohama a dégagé une perte inattendue de 80 millions d’euros, là où le marché s’attendait à un profit. Ce qui a contraint le groupe à réviser son objectif annuel en tablant désormais sur un exercice déficitaire de l’ordre de 500 millions d’euros. Sauf que les analystes, eux, estiment que la perte sera trois fois supérieure.
Le groupe a tardé à réagir. Makoto Uchida, le PDG, a dévoilé un plan de redressement à l’automne seulement. Il prévoit la suppression de 9 000 emplois. Quelques mois plus tôt, il avait lancé un plan de relance visant à reprendre le rythme des nouveautés commerciales.
Le gouvernement japonais tente de sauver le soldat Nissan
Cette situation a conduit les autorités japonaises à s’inquiéter pour l’avenir de Nissan. Les fonds activistes ont commencé à noyauter le capital du groupe. Récemment, c’est le fonds singapourien Effissino Capital Management qui s’est illustré en prenant 2,5 % du capital en novembre dernier. Ce fonds est connu pour avoir fait tomber la tête du management de Toshiba en 2022. Mais les fonds activistes ne sont pas les seuls intéressés puisque Foxconn lorgne officiellement la participation de 35 % que Renault détient toujours dans le capital de Nissan. Le groupe taïwanais, qui ambitionne de devenir un géant des voitures électriques, a déjà organisé des rencontres officieuses avec la direction du groupe français. Cette dernière a, pour l’heure, refusé cette offre.
Pour Nissan, les options sont donc limitées. Soit elle est livrée à l’appétit carnassier de fonds activistes qui couperont les coûts à la hache, soit elle devient une véritable proie pour d’autres groupes. Car Foxconn ne serait pas le seul intéressé par un groupe qui assemble quatre millions de voitures et dispose de positions solides au Japon et aux États-Unis. Les constructeurs chinois cherchent toujours leur cheval de Troie qui leur permettrait d’accéder à un effet de taille massif.
Dernier scénario, Nissan s’adosse à un autre groupe avec lequel il peut développer des synergies. Et en la matière, il existe assez peu d’options… Stellantis ? Trop gros et déjà présent aux États-Unis comme Nissan. Volkswagen ? Déjà présent en Chine et aux États-Unis, tout comme Nissan. Il n’existe guère qu’un groupe généraliste de taille similaire et qui a des positions solides en Europe, en Amérique latine et dans le pourtour méditerranéen, soit les marchés où Nissan fait de la figuration… Il s’agit du groupe Renault !
Renault, dernière solution pour Nissan à la dérive ?
Luca de Meo, patron de Renault, travaille désormais sans Nissan et noue des partenariats avec d’autres acteurs comme le chinois Geely, entre autres. Mais le patron du groupe français cherche toujours des partenaires pour accélérer son développement : Alpine, batteries électriques, un deuxième modèle sur la base de la Twingo pour sa production en Slovénie, logiciel… Ou encore la centrale d’achat. Au plus fort de l’époque de l’Alliance, les synergies entre Renault et Nissan étaient évaluées entre cinq et six milliards d’euros. Elles étaient surtout le fruit de la centralisation des achats. Aujourd’hui, le démantèlement de l’Alliance a réduit les synergies à un format résiduel. Il est possible que Luca de Meo fasse payer à Nissan le prix fort pour un nouveau traité d’alliance.
D’ailleurs, Renault pourrait ne pas être tout à fait étranger à l’échec de la fusion entre Honda et Nissan. Jugeant que les termes de l’accord ne prévoyaient aucune prime sur le cours de l’action, le français aurait qualifié la proposition de Honda "d’inacceptable", d’après Bloomberg. Difficile de voir Nissan revenir vers Renault qu’il a tant moqué et méprisé ces dernières années. De fait, le constructeur français a renoué avec la croissance et les profits. Sa marge opérationnelle est supérieure à celle de Nissan. Signe qui ne trompe pas : la capitalisation de Renault a dépassé celle de Nissan en avril dernier. Aujourd’hui, elle est 40 % supérieure.
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